angoisses


Titre : Angoisses
Auteur :
valérie
Spoiler : Dead alive.
Catégorie : Mulder Angst, MSR. Mulder POV, 3ème personne POV, Scully POV.


 

ANGOISSES

 

 

Je ne me suis jamais senti aussi mal qu’aujourd’hui.

Trois semaines après mon “retour à la vie” (je refuse d’appeler cela une résurrection) j’ai presque autant d’énergie qu’un nouveau né.

Oh bien sûr, rien de comparable avec les premiers jours, où la dépendance aux autres était totale. J’étais incapable de tout : manger, me laver, me lever pour pisser, rien de tout cela n’était possible. Chacun de mes gestes, même les plus élémentaires, nécessitait une concentration extrême et une énergie que je n’avais pas.

A cela s’ajoutait la douleur : mon corps entier n’était qu’un nerf à vif ; même la main de Scully dans mes cheveux était souffrance.

A ces douleurs physiques, presque supportables avec l’aide de médicaments s’est ajoutée la souffrance morale. Apprendre que vous avez passé six mois dans un cercueil n’est pas enthousiasmant. Mes crises d’angoisse ont débuté dès le lendemain de mon éveil, si fortes qu’il a fallu me restreindre dans mon lit d’hôpital (ce qui a provoqué une anxiété encore plus grande) et me gaver de Valium, ce que j’ai détesté.

J’étais terrorisé. Les flash-backs étaient vivides et me semblaient si réels que j’ai considéré un moment me foutre par la fenêtre, si j’en avais eu la force.

Mon angoisse s’est accentuée quand on m’a autorisé pour la première fois à me regarder dans un miroir, après que j’ai passé la main sur mes joues et ma poitrine.

Scully était là, elle a vu ma réaction, et si j’ai réussi malgré tout à injecter une dose d’humour à la situation (je lui ai dis que maintenant j’étais sûr qu’elle ne m’aimait pas que pour mon physique), au fond de moi je savais que ces cicatrices, si elles finissaient par s’estomper avec le temps, resteraient à jamais un rappel du cauchemar que j’avais vécu.

J’ai l’impression de ne plus faire partie de ce monde. Scully est enceinte, mais jamais ne m’a confirmé que je suis le père de cet enfant. Je n’ai plus d’identité, elle se bat pour faire comprendre à l’administration que l’homme qui a été enterré quelques mois plus tôt est en fait bien vivant et les choses vont prendre du temps.

J’ai constamment envie de pleurer et de hurler mon angoisse. Je ne montre rien à Scully, elle a assez de mal à gérer sa situation et la mienne, déjà compliquée. Alors je pleure sous la douche, maintenant que j’ai l’autorisation de m’y rendre seul (enfin), je pleure dans les toilettes, incapable de résister aux bouffées d’angoisse qui me dévorent. Je suis froid avec la seule personne qui me relie encore à ce monde et je m’en veux pour cela. Elle attend une parole, une question de moi, mais je suis incapable de la lui fournir, trop stressé d’entendre la réponse. Si je ne suis pas le père de ce bébé, je ne sais pas si j’aurai la force de continuer à vivre. Si la réponse est oui... mon désarroi est aussi fort. Comment pourrais je prendre soin de lui, moi qui n’ai pas réussi à protéger sa mère, ni moi même ?

Comment pourrais je éviter que du mal lui soit fait ? Nous avons tous les deux été victimes d’enlèvements. Les médecins assurent que cet enfant est normalement constitué, mais rien n’est moins sûr.

Mon tourment est sans fin. Alors j’avale les antidépresseurs qu’on m’a prescrit, mais je sens que la dépression me guette. Je dors mal, je mange peu, je n’ai qu’une envie, m’enfermer chez moi pour ne plus jamais en sortir. Car j’ai encore mon appartement. Quand j’ai appris que Scully avait payé mon appartement pendant mon absence, j’en ai pleuré de joie, cette fois. Sa conviction qu’elle allait me retrouver m’a réchauffé le coeur. Mais même mon appartement m’a semblé étranger les premiers jours où je suis rentré chez moi. Je ne trouvais pas mes marques dans cette vie qui avait continuée sans moi pendant mon absence.

Scully essaye de m’aider, mais elle est désemparée par mon attitude. Nous n’arrivons pas à communiquer, encore moins à retrouver l’intimité que nous avions enfin réussi à établir quelques semaines avant mon enlèvement. Tous nos repères ont disparu.

Je tourne en rond depuis des heures dans mon appartement, incapable de trouver le sommeil ou même le repos. Je devrais décrocher le téléphone et appeler Scully, essayer de lui parler mais je n’en ai pas la force. Skinner ? Non. Même s’il est devenu presque amical envers moi, je ne me vois pas lui raconter mes peurs et mes doutes. Frohyke et ses copains ? Non plus. En fait je n’ai pas envie de parler. J’ai envie d’oublier.

Je m’habille comme un automate et je sors de chez moi. C’est la première fois depuis des jours. J’espère seulement que je ne vais pas être pris d’une crise d’angoisse en pleine rue. Je voudrais courir, mais mon corps est encore trop faible pour un jogging. Alors je me dirige vers un endroit familier, un endroit où je sais que personne ne me posera de questions, un endroit où je pourrais trouver une paix illusoire.

**************

Je n’aime pas les vendredis soirs. C’est toujours le soir que choisissent les hommes pour boire plus que de coutume. La fin de la semaine est toujours propice aux moments de déprime, aux coups de blues qui les incitent à noyer dans l’alcool les soucis qu’ils ont pu rencontrer les jours précédents.

Ce soir ne déroge pas à la règle. Mon bar est rempli d’habitués, assis, seuls devant leur whisky ou leur vodka. La plupart devant les petites tables, quelques uns au bar sur les hauts tabourets. Je remplis les verres, je leur souris, j’essaye de leur faire oublier leurs chagrins ou leurs angoisses.

Celui qui est devant moi ce jour n’est pas vraiment un habitué. Je l’ai déjà servi, de temps à autre, il vient quelquefois prendre une bière ou même un café. Rarement des alcools forts, occasionnellement un whisky. Il est là depuis deux heures, les épaules basses, le visage mangé par une barbe naissante, les joues marquées par d’étranges cicatrices que je ne lui connais pas. A bien y réfléchir, cela fait des mois que je l’ai pas vu ici. Il paraît plus mince, presque maigre, comme s’il avait été malade récemment.
Son allure est négligée, ses cheveux sont sales, et je m’en étonne silencieusement, ça ne lui ressemble pas, il est d’habitude si élégant.

Devant lui, j’ai déjà aligné quatre verres. Ses yeux clairs, entre le gris et le vert, commencent à prendre une teinte brumeuse. Il vacille sur le tabouret tout en me parlant d’une voix empâtée. Je ne l’ai jamais vu dans cet état. D’habitude, c’est un client courtois et souriant, un peu triste, mais toujours sobre, et aimable. Il me laisse toujours de bons pourboires. J’ai cru comprendre qu’il travaille pour le FBI, qu’il est célibataire. Ca c’est ma collègue qui a réussi à le savoir. Elle a essayé de le draguer un soir et il l’a gentiment remis à sa place. Célibataire, peut être, mais il semble vouloir le rester et ne paraît pas intéressé par une aventure d’un soir.

Dès que son regard accroche le mien, il s’y noie comme si j’étais une bouée de secours. Je ne sais pas quoi faire. Les autres clients désertent peu à peu le bar et je reste seule avec lui. Il me parle de sa soeur, de sa mère, de Scully. Scully, c’est la jeune femme qui l’accompagne parfois, une petite rousse lumineuse et vive. Quand elle est près de lui, c’est un homme différent, vivant et drôle. Il me parle de son boulot. Il me parle de sa culpabilité, de son incapacité à réussir les choses importantes de sa vie. Il parle de son enlèvement, des sévices qu’il a subi. Ca explique peut être son allure un peu frêle, ses cicatrices. Sa voix est sourde et grave, et des larmes noient ses yeux. Les sanglots le secouent alors qu’il me réclame un autre verre. Je ne sais pas quoi faire. Je devrais appeler la police, comme je fais toujours dans ce genre de cas, mais je n’ai pas le coeur de le faire. Il paraît si triste, si désespéré, si vulnérable. Et cette attitude ne lui ressemble pas.

Un mouvement plus brusque que les autres le fait tomber à terre. Je me précipite derrière le comptoir et avant que j’ai pu aider à le redresser, il s’est adossé contre le bois sombre et a pris son visage entre ses mains. Ses sanglots sont incontrôlables maintenant. Je sais ce qu’il me reste à faire.

Doucement, je tâte ses poches pour trouver son portable. Il me laisse faire, il n’est plus en état de s’opposer à quiconque maintenant. Je prends l’appareil en main et j’appuie sur le speed dial 1. Je suis presque sûre de tomber sur quelqu’un qui pourra venir le chercher.

Une voix douce, un peu ensommeillée, me répond. Je lui explique la situation. Dana Scully, c’est donc elle, me demande de le garder au bar le temps qu’elle arrive. Elle semble inquiète. Elle m’assure qu’elle sera là dans une vingtaine de minutes.

Elle tient sa promesse. A peine un quart d’heure plus tard, elle est là, me remercie d’un sourire et s’accroupie auprès de lui. Il y a des mois que je l’ai pas vu et je comprends très vite qu’elle est enceinte. Sans doute bientôt au terme de sa grossesse si j’en crois son ventre bien arrondi. Elle me demande de l’aider à le remettre sur pieds, et il s’accroche à elle, toujours secoué de spasmes, son visage ruisselant de larmes. Elle lui murmure des mots de réconfort, d’une voix douce, et caresse ses cheveux tendrement.

Avant qu’ils ne sortent tous les deux, elle se tourne vers moi, les traits soucieux. Elle me prie de l’excuser. Je hoche la tête et je ferme la porte derrière eux.

*************

Je savais que ce moment là arriverait tôt ou tard. Depuis des jours, il se renfermait sur lui même, incapable de mettre en place ses émotions, incapable de me parler de ses peurs. Devant moi il maintenait une vaine facade de bien être. Mais je savais au fond de moi qu’il allait mal, et je ne comprenais pas pourquoi il ne s’ouvrait pas à moi. Sans doute par peur de faire resurgir en moi la propre angoisse de mon enlèvement. Mais contrairement à lui, je n’ai gardé aucun souvenir. Il est terrifié par ce qu’il lui est arrivé et je le comprends parfaitement.

Et ce soir il est à bout. Ca me fait mal qu’il ait préféré noyer ses angoisses dans l’alcool plutôt que d’en parler avec moi mais je ne lui en veux pas.

Il a réussi à monter dans la voiture avec moi, titubant, secoué de sanglots qui semblent venir du plus profond de lui même. Dans mon appartement sombre, il s’est effondré sur le canapé, le visage entre les mains, les épaules tremblantes, le souffle court d’avoir tant pleuré. Je m’accroupis devant lui, mes mains sur ses genoux, et je lui parle doucement, comme à un enfant apeuré, tentant de le calmer. Sa respiration se fait plus profonde, ses tremblements cessent peu à peu. Et soudain viennent les mots. D’une voix rauque, il commence à raconter ce qu’il a subi pendant son enlèvement. Les tortures, mentales et physiques, les privations, les humiliations, et la peur... La peur panique qui a presque failli le dévorer de l’intérieur, la peur qui lui a presque couté sa raison. Il me parle pendant des heures, et je l’écoute, les yeux brillants de larmes contenues, et je le rassure que tout cela est fini, qu’il finira par oublier. Cet homme, qui a vécu tellement d’horreurs et de drames, est arrivé au bout de sa tolérance, mais je sais qu’il a en lui suffisament de force pour surmonter cette dernière épreuve.

Il est épuisé. Ses yeux se ferment presque, mais avant qu’il ne succombe, il me pose La Question. Celle que j’attends depuis des jours, celle qui l’effraie presque autant que les souvenirs de sa captivité, celle qui le mine depuis qu’il a ouvert les yeux dans son lit d’hôpital en voyant mon ventre glorieux.

Et quand je lui réponds, ses yeux tristes et fatigués s’éclairent soudain de joie et de fierté. Et il s’endort dans mes bras, enfin apaisé.

FIN

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