Before the Xfiles

Titre : BEFORE THE X FILES
Auteur : Valérie
Email : valeriec2@wanadoo.fr
Avertissement : PG
Catégorie : S/A
Spoiler : aucun.
Mots clés : Pré-xfiles.
Résumé : Un échantillon de la vie de Mulder avant sa découverte des Xfiles, et la raison qui l’a poussé à quitter son ancienne affectation.

Disclaimer : Les personnages crées par Chris Carter n’appartiennent qu’à lui. Je lui emprunte l’espace d’une simple histoire et je lui rends.


BEFORE THE XFILES


Reggie Purdue ignora le regard noir que lui lança sa femme Laura en quittant la maison. Il se dirigea vers sa voiture et démarra immédiatement en soupirant. Il était deux heures du matin, la circulation à cette heure de la nuit était inexistante et il arriva rapidement au Casey’s bar.

La jeune femme qui tenait le bar lui adressa un signe de la main et lui désigna une table au fond de la salle sombre et enfumée. Reggie secoua la tête, attristé par le spectacle qui s’offrait à ses yeux encore ensommeillés.

Son partenaire depuis un peu plus d’un an était vautré sur la table, le visage à moitié caché par son bras. Il paraissait endormi, mais ses épaules étaient secouées de tremblements. Il s’approcha de lui doucement pour ne pas l’effrayer.

- Eh, Fox. Fox c’est moi, Reggie. Ann a été assez aimable pour m’appeler au lieu d’appeler les flics pour t’embarquer. Allez Mulder, lève toi, je te ramène chez toi.

Le jeune homme ne réagit pas tout de suite, mais il lança son bras vers l’intrus qui le tirait de son état comateux, comme pour le chasser. Il lui murmura une insulte.

- Mulder, ça ne m’amuse pas du tout d’avoir été tiré de chez moi au beau milieu de la nuit. Alors tu vas te lever, sinon c’est moi qui appelle les flics.

- Casse toi, Reggie. Je n’ai pas besoin de toi.

- Mais bien sûr, Mulder. Je suppose que tu vas prendre ta voiture comme un grand ! T’es bourré mon gars. Allez viens.

Reggie lui attrapa le bras et le força à se lever. Son visage était bouffi par l’alcool qu’il avait absorbé et il remarqua les traces de larmes sur le visage de son jeune partenaire. Mulder vacilla et manqua de tomber, mais les bras musclés de Reggie le retinrent fermement.

En passant devant le comptoir, Reggie remercia la jeune femme. Ann lui répondit avec un sourire triste.

- C’est normal, Reggie. Il n’est pas dans son état normal. Je ne l’avais jamais vu boire autant que ce soir. Je préférais que ce soit toi qui le raccompagne plutôt que vos collègues. Au moins ça restera entre vous.

- Merci vraiment, Ann.

Les deux hommes quittèrent l’établissement, Mulder lourdement appuyé sur son équipier. Il gémissait doucement et soudain il se mit à vomir dans le caniveau.

- Eh Mulder, je crois que tu en tiens une bonne cette fois ci. Mais qu’est ce qui t’as pris de te mettre dans un état pareil, bordel ? T’es malade ou quoi ?

Tout en l’interrogeant sur les motifs qui l’avaient poussés à boire ainsi, Reggie soutint le jeune homme dont les hauts de coeur s’éternisaient. Il le poussa doucement dans la voiture, et Mulder se pelotonna sur le siège avant, grelottant et misérable.

- Je veux rentrer à la maison...

- Ca tombe bien, Mulder. Moi aussi.

****************

Reggie dut s’arrêter deux fois sur le trajet pour permettre à Mulder de rejeter le trop plein d’alcool qu’il avait absorbé. Chaque fois il avait plus de mal à se tenir sur ses jambes. Ils arrivèrent enfin devant son immeuble et Reggie l’aida à se traîner jusqu’à son appartement. Il se laissa tomber sur le canapé, épuisé.

Reggie jeta un coup d’oeil rapide autour de lui. Il n’avait pas eu souvent l’occasion de venir chez son jeune collègue. Une fois ou deux, pour finir d’étudier un rapport et une autre fois, pour boire un verre. Son appartement était un véritable carpharnaum, particulièrement ce soir. Des papiers traînaient sur la table basse du salon, et il y jeta un oeil rapide. Il comprit facilement le comportement inhabituel de Mulder. Des papiers de demande de divorce. Reggie grimaça. Il connaissait mal Helen, sa femme. Il l’avait rencontré lors d’une soirée donnée par le FBI pour récompenser les meilleurs agents. Mulder en faisait partie et il avait fait sa connaissance à cette occasion. Il l’avait trouvé très belle, un peu effacée, très amoureuse de son jeune mari.

Les sanglots de son coéquipier lui parvinrent, étouffés par la couverture dans laquelle il s’était enveloppé. Il s’approcha de lui et lui posa une main apaisante sur l’épaule.

- Ca va aller, mon vieux. J’imagine que ça doit être difficile pour toi, mais tu vas te reprendre... Ca va aller.

- Elle a demandé le divorce, Reggie... Je croyais qu’elle avait besoin d’un peu de temps... pour réfléchir... Mais elle demande le divorce...

- Mulder... Je ne sais pas quoi te dire...

- Je suis un looser, Reggie... Je n’ai jamais réussi quoi que ce soit dans ma vie...

- Mulder tu es tout sauf un looser... Mais il faut la comprendre. Tu es toujours sur le terrain... Tu sais bien que notre boulot n’est pas vraiment compatible avec une vie de couple...

- Tu en as bien une, toi...

Ses sanglots redoublèrent et Reggie se prit de pitié pour lui. Il avait appris à apprécier son partenaire, malgré son arrogance, malgré son côté petit génie qui l’avait agacé au début de leur collaboration. Il le trouvait brillant, et il savait que son arrogance cachait une sensibilité et une vulnérabilité qui le touchait.

**************

Quelques jours plus tard.

- Helen ? C’est Reggie Purdue. Je m’excuse de vous déranger à une heure pareille, mais c’est une urgence ?

- Que se passe t’il ? C’est Fox, n’est ce pas ?

- Oui... Il a été blessé lors d’une opération sur le terrain. L’hôpital m’a chargé de vous prévenir... Je sais que... que vous êtes en instance de divorce, mais je pense qu’il serait bon que vous veniez. Son état est sérieux.

- Où êtes vous ?

- Au NY Central Hospital. Il est actuellement en chirurgie.

- Je serais dans quelques heures. Reggie ?

- Oui. - Merci d’avoir appelé.

Reggie raccrocha, le coeur lourd. Sa chemise était souillée par le sang de son ami et il s’assit lourdement sur la chaise de plastique de la salle d’attente.

**********

Mulder sortit de son sommeil dans un océan de douleur. Son corps entier le faisait souffrir. La moindre respiration déclenchait une agonie qui lui faisait regretter son inconscience. Son ventre le faisait tellement souffrir qu’il laissa échapper un gémissement sourd. Les paupières crispées par la douleur, il tenta de chasser la nausée qui montait. Une main douce se posa sur son front, l’obligeant à ouvrir les yeux.

- Helen...

Le doux visage de la jeune femme s’éclaira d’un sourire triste.

- Je suis là , Fox. Ne parle pas trop. Je vais prévenir les médecins que tu as repris connaissance.

Elle repoussa doucement les quelques mèches de cheveux qui collaient à son front ourlé de sueur d’un geste tendre puis se dirigea vers la porte. Il la suivit des yeux et tenta de remémorer les évènements qui l’avaient conduits dans ce lit d’hôpital. L’assaut. La bombe qu’il avait découvert. Son geste désespéré pour échapper au massacre. Reggie.

L’homme qu’ils pourchassaient depuis des jours, l’homme qui terrorisait NY depuis plusieurs mois en enlevant des jeunes enfants, l’homme dont il avait fait le profil les avaient piégés en les attirant dans une maison remplie d’explosifs. Une vague de douleur le submergea et il ferma les yeux en gémissant.

- Agent Mulder ?

Il se força à ouvrir les yeux à nouveau. La douleur était insupportable et il ne put que murmurer quelques mots.

- J’ai mal...

- Nous attendions que vous repreniez connaissance pour vous traiter contre la douleur. Je vous injecte un puissant calmant. Vous allez vous sentir mieux dans quelques secondes.

Le visage crispé de Mulder se détendit progressivement et il trouva la force d’écouter ce que le médecin lui disait.

- Vous avez été gravement atteint par des éclats. Vous êtes resté au bloc opératoire pendant plus de six heures mais vous êtes tiré d’affaire maintenant. Il faut vous détendre, et laisser votre corps se rétablir à son rythme. Vous avez des sutures au niveau du thorax, de l’abdomen et au niveau de vos avants bras. Nous n’avons pas pu éviter une splénectomie mais les reins et le foie sont intacts.

- Pas de séquelles ?

Sa voix était rauque du fait de la douleur et de l’épuisement.

- Non. Je reviendrais vous voir dans un moment.

Le médecin quitta la pièce et Mulder se retrouva seul avec Helen, qui s’approcha doucement de lui et lui prit la main en prenant garde de ne pas toucher à l’aiguille de perfusion qui courait sur le dos de sa main.

- Merci d’être là. - Fox... J’ai eu si peur de te perdre... Quand Reggie a appelé, il était si bouleversé que j’ai cru un moment que...

- Ca va aller, Helen... Je ne sais pas ce qu’il m’a injecté, mais je me sens mieux...

- Dors... Je te laisse te reposer.

- Helen ?

- Oui ?

- Tu restes près de moi ?

- Le temps qu’il faudra, Fox. Je ne bouge pas d’ici.

Elle le regarda s’endormir, le visage paisible. Les couleurs de la vie étaient revenues sur ses joues et sur ses lèvres. Elle avait eu si peur en le voyant pour la première fois depuis qu’elle l’avait quitté, livide, un tube déformant sa bouche, le corps couvert de bandages, la poitrine se soulevant au rythme du respirateur. Elle tenta de chasser les larmes qui montaient à ses yeux, mais n’y parvint pas. Elle n’entendit pas Reggie entrer dans la pièce silencieuse. Il posa sa main sur son épaule.

- Helen... J’ai vu le médecin. Il est tiré d’affaire...

- Je sais... Mais j’ai eu si peur... Mon dieu moi qui croyais que je l’aimais plus... C’était une fable que j’inventais pour ne pas souffrir de me séparer de lui... Mais quand je l’ai vu, si faible, si vulnérable... j’ai su que...

Elle éclata en sanglot dans les bras de l’homme à qui Fox avait sauvé la vie.

- Vous êtes là, Helen. C’est important pour lui. Il vous sait près de lui, il va se battre pour retrouver des forces.

**************

Une semaine plus tard. NY Central Hospital.

Mulder se redressa un peu sur les oreillers et réprima une grimace de douleur. Les cicatrices le faisaient encore cruellement souffrir, malgré les antalgiques dont il était saturé. Ceux ci avaient remplacé la morphine depuis quelques jours, qu’il détestait parce qu’elle l’empéchait de penser . Il avait besoin d’être lucide. Le tueur leur avait échappé.

Ces jours derniers, il avait beaucoup réfléchi. La présence d’Helen à ses côtés, après l’avoir réconforté, lui avait presque fait mal. Il s’en voulait de l’avoir fait souffrir, il s’en voulait de l’avoir perturbé alors qu’elle avait pris la décision de se séparer de lui. Ils avaient parlé, longuement, il l’avait écouté la douleur qu’elle ressentait lorsque il était plongé dans une affaire, il l’avait écouté sans vraiment réaliser que l’homme obsessionnel qu’elle décrivait, qui ne dormait ni ne mangeait pendant des jours, était bien ce qu’il était devenu.

Le FBI l’avait recruté à Oxford, avant même la remise de ses diplômes. Immédiatement, il avait plongé tête baissée dans son nouveau job, devenant rapidement la star de l’Unité Spéciale des Comportements. Il s’était révélé incroyablement brillant dans l’étude des déviants. Paterson lui avait mis le grappin dessus et il était devenu celui dont on ne pouvait pas se passer, l’homme providentiel qui réussissait là où tous les autres échouaient. Les affaires s’accumulaient, jour après jour, les week ends n’existaient plus, les nuits étaient courtes et peuplées de cauchemars. Après l’euphorie des premiers mois, après la satisfaction des louanges était venu le temps des doutes et des angoisses. La peur de se perdre dans l’esprit torturé des êtres dont il étudiait les crimes, la peur d’oublier qui il était.

Et il avait rencontré Helen. Douce, tendre, amoureuse. Il n’avait jamais connu un être qui lui offre tant d’amour. Il l’avait demandé en mariage deux mois seulement après leur première rencontre.

A présent, il comprenait enfin qu’il avait choisi Helen pour se préserver d’une folie dont la nature même de son métier le menaçait. Il avait compris qu’en se mariant, il avait voulu construire un rempart entre lui et l’insanité du monde où il évoluait, le monde des serial killers et des psychotiques. Il avait enfin compris qu’il avait eu tort et que rien, ni personne ne pourrait l’aider.

***************

Le vol de retour vers Washington fut un véritable supplice, malgré la place en première classe que le FBI lui avait réservé ainsi qu’à Helen pour les conditions de voyage soient plus confortables. Son corps entier lui faisait mal et il tenait à peine sur ses jambes lorsque l’hôtesse leur intima de débarquer. Helen le soutenait au mieux et il se laissa lourdement tomber dans le fauteuil roulant qu’on lui tendit. Sa tête menaçait d’exploser, ses cicatrices le démangeaient et le faisaient souffrir. Ils montèrent rapidement dans un taxi et une fois encore, il essaya de la faire changer d’avis.

- Helen, tu n’es pas obligée de faire cela. Je suis parfaitement capable de me prendre en charge. Il est inutile que je vienne chez toi.

- Fox, regarde toi. Tu es incapable de tenir debout plus de quelques instants, comment veux-tu rester chez toi, seul ? Sois raisonnable. Nous en avons déjà parlé. Reste chez moi le temps que tu te remettes. Je t’en prie.

Il ferma les yeux, épuisé et résigné. C’était peut être après tout une nouvelle chance que le sort leur offrait, une occasion de repartir à zéro, de reprendre leur vie ensemble. Elle avait été si tendre avec lui pendant son hospitalisation, si présente.

Ils arrivèrent bientôt devant chez elle. Elle avait pris cet appartement depuis deux mois, depuis qu’elle était partie un soir d’automne, avec toutes ses affaires, ne lui laissant qu’une simple lettre d’explication. Il l’avait lu et relu, essayant de comprendre ses motivations. Puis il avait revécu les jours qui avaient précédés son départ, il avait analysé la situation qui l’avait poussée à partir. Il était l’ombre de lui même, totalement absorbé par la dernière affaire que Paterson lui avait confié, il avait passé quelques heures seulement chez lui durant une semaine entière, juste le temps de prendre une douche et d’enfiler des affaires propres. Il n’avait pas vu Helen plus de trois heures pendant sept jours d’affilée. Le huitième jour, elle était partie.

En entrant dans son nouvel appartement, il savoura la douceur qui y régnait. Elle avait apporté en quelques semaines sa touche personnelle, parsemant le petit appartement de détails qui faisaient qu’on se sentait tout de suite à l’aise. D’un pas lent, il s’installa sur le canapé et sourit en découvrant dans un petit cadre la photo qui symbolisait leur amour passé. Elle avait été prise lors de leur très court voyage de noces, sur une plage de Floride. Elle affichait un sourire radieux, il la tenait enlacé contre lui. Leur bonheur n’avait été que de courte durée. Deux jours après leur arrivée à Palm Beach, Paterson l’avait appelé en urgence pour une affaire particulièrement délicate. Helen s’était résignée et l’avait laissé partir. Elle avait passé le reste de la semaine seule dans le splendide hôtel.

La voix douce d’Helen le sortit de sa rêverie.

- Je t’ai préparé la chambre, je prendrais le canapé. Tu devrais t’allonger un temps pendant que je prépare le dîner.

Elle l’aida à se relever et le conduisit dans la chambre, le laissant s’installer confortablement. Il sombra dans un sommeil lourd.

****************

Helen pénétra silencieusement dans la chambre à coucher et s’approcha du lit. Fox dormait paisiblement, le visage tourné sur le côté, les traits reposés. Elle le contempla un long moment, résistant à l’envie de caresser son visage et ses cheveux, le dévorant des yeux avant de lui souffler à l’oreille.

- Fox, il faut que tu prennes tes médicaments. Le médecin a insisté pour que tu prennes les antalgiques très régulièrement.

Il ouvrit les yeux et frotta ses paupières gonflées de sommeil. Il eut un moment de désorientation puis lui sourit.

- Quelle heure est-il ?

- L’heure de dîner. J’ai préparé un repas léger.

Elle s’apprêtait à sortir de la pièce lorsque il la retint doucement par la main.

- Helen ?

- Oui ?

- Pourquoi fais-tu cela pour moi ?

- Je... Nous sommes encore mariés, Fox. Pour le meilleur et pour le pire. Dans la santé et la maladie. Tu as besoin de moi, je suis là. Rien d’autre à dire.

- Si. Merci.

Elle plongea son regard dans ses yeux sombres, aux reflets d’or et d’émeraude. Elle y retrouva tout ce qui l’avait charmé chez lui dès leur première rencontre, ce mélange de vulnérabilité et de force, cette attente qui lui serra la gorge. Leurs lèvres se rejoignirent pour un baiser tendre et chaste, et elle savoura ce moment de douceur qui lui avait tant manqué depuis qu’elle l’avait quitté.

Elle glissa sa main dans la douceur de ses cheveux, et il répondit à son invitation, sentant son corps frémir sous ses caresses. Il l’attira doucement contre lui et elle se laissa faire, ignorant sa raison, n’écoutant que son désir. Ils firent l’amour doucement, tous deux conscients de la fragilité de ce moment.

***********

Fox avait les yeux fermés, sa respiration était lente et ample. Elle caressait doucement sa peau nue, évitant soigneusement les cicatrices qui bardaient son corps.

- Tu as mal ?

- Ca va. C’est sensible, mais ça va. Les chirurgiens ont fait du bon boulot.

- Tu as eu beaucoup de chance. Reggie m’a dit que tu lui avais sauvé la vie.

- Reggie exagère. J’ai simplement eu la malchance de tomber sur la bombe en premier.

- Oui, mais tu t’es pratiquement jeté dessus pour éviter que les autres membres de l’équipe soient blessés.

- Pur réflexe. N’importe qui aurait fait la même chose.

- Peut être. Mais c’était toi.

- Ce sont les risques du métier, Helen. Je n’y peux rien.

- Pourquoi n’essayes tu pas de changer de division ? Il y tellement de chose que tu pourrais faire. Tu pourrais enseigner...

- Helen... Je suis profiler. Ce n’est pas que j’aime ce boulot, mais je suis simplement incroyablement bon pour faire cela. Et mon job permet de sauver des vies, en arrêtant à temps ces détraqués.

- Je sais... mais c’est si dur de te voir ainsi... Aussi impliqué, aussi dense. Quand tu rentres dans l’esprit de ces meurtriers, tu n’es plus toi même. Tu ne manges plus, tu ne dors plus, je n’existe plus à tes yeux. C’est pour ça que je suis partie, Fox. Je ne supportais plus de te voir te détruire ainsi. Et quand tu parlais dans ton sommeil, tu racontais ces choses horribles...

Les yeux de la jeune femme se remplirent de larmes.

- Je suis désolé, Helen... Avant que tu ne partes, je n’imaginais pas comme cela pouvait te bouleverser.

- Change de boulot, Fox. Demande un transfert.

Il secoua la tête.

- Paterson ne me laissera jamais partir.

- Alors c’est moi qui partirai, Fox. Pour de bon. Je ne pourrais continuer ainsi.

- Helen, je t’en prie. Je t’aime. J’ai besoin de toi à mes côtés, pour rester sain d’esprit, pour que tu me démontres que la vie n’est pas seulement un cauchemar où des meurtriers sèment le malheur. Je t’en prie.

Elle essuya ses larmes et caressa tendrement sa joue ombrée d’une fine barbe.

- Non, Fox. Pas comme cela. Je n’aurais pas la force.

Elle quitta la pièce.

******************

Il s’ennuyait. Il était là depuis trois jours et il déprimait de se sentir encore aussi faible, aussi inutile. Helen lui avait comprendre que le moment de tendresse qu’ils avaient partagé n’était qu’un adieu. Elle était attentive à son état de santé, mais elle lui avait signifié que rien ne la ferait changer d’avis sur leur divorce.

Maintenant que les médicaments lui permettaient d’avoir toute sa lucidité, il passait des heures à revoir le profil du tueur qui l’avait conduit à l’hôpital. Malgré ses réticences, Reggie lui faisait passer les informations dont il avait besoin pour travailler. Il y passait des heures entières, ne s’arrêtant que lorsque Helen revenait du travail, le regard triste de le voir ainsi plongé à nouveau dans ses dossiers. Il s’y remettait immédiatement après qu’elle se soit couchée et il la découvra une nuit, les yeux baignés de larmes, le regardant scruter avec acuité les photos des scènes du dernier crime malgré le mal de tête dont il paraissait manifestement souffrir. Ce soir là, après s’être presque excusé, il prit sa décision.


***************

La jeune femme arriva comme tous les soirs à 17 heures chez elle. Fox était là depuis huit jours, à nouveau obsédé par son travail, par l’homme dont il essayait de décrypter le comportement destructeur. Elle ouvrit la porte, espérant le trouver devant la télé, ou mieux, endormi sur le canapé. Elle eut un choc en découvrant qu’il avait quitté l’appartement. Ses affaires avaient disparu, et elle aperçut une courte lettre sur la table du salon. Son coeur se serra, et elle appela Reggie.

- Helen, il est maintenant sans doute capable de se débrouiller seul.

- Reggie vous ne comprenez pas. Il est encore sous antalgiques et sous antibiotiques, il doit prendre régulièrement ses médicaments. Vous le connaissez aussi bien que moi, Reggie. Vous savez parfaitement qu’il ne prendra pas soin de lui même. Je ne peux plus... J’ai tout essayé Reggie. Mais il ne changera pas.

- Je vais voir ce que je peux faire, Helen.

- Reggie ?

- Oui ?

- Il ne répond pas au téléphone.

- C’est bon, j’ai compris.

Reggie raccrocha et soupira. La jeune femme s’inquiétait trop facilement. Mulder était peut être insubordonné et bille en tête, mais il était trop intelligent pour négliger sa santé, et d’après les conversations qu’il avait eu avec lui dernièrement, il avait hâte de retourner bosser. Il allait prendre quelques jours chez lui, réfléchir à la tournure qu’avait pris sa vie dernièrement et revenir au boulot le plus rapidement possible, le regard brillant et une nouvelle théorie à la bouche.

Il se replongea dans ses dossiers et reprit le cours de ses pensées.

**************

Deux jours après l’appel d’Helen, sans nouvelle de Mulder, Reggie prit la décision de passer voir son jeune collègue. Il frappa une fois, deux fois, puis après une attente qui lui sembla une éternité, Mulder ouvrit la porte. Reggie tenta de garder un visage impassible en voyant l’état de son ami.

Il s’approcha de lui et lui posa une main sur l’épaule. Mulder frissonna à son contact.

- Eh mon vieux, tu pourrais donner des nouvelles ! T’as décroché ton téléphone ou quoi ?

- J’allais appeler. J’ai fini le profil. Je pense qu’on peut l’avoir cette fois.

- Mulder je ne te parle pas de ça. T’es en congé maladie, je te rappelle. T’es pas sensé bosser.

Mulder ferma les yeux et il perdit l’équilibre l’espace d’un instant, avant de réouvrir ses yeux brillants de fièvre et d’épuisement. Reggie fronça les sourcils et posa sa main sur le front couvert de sueur de son ami.

- Merde, Mulder, t’es brûlant de fièvre. Je t’emmène à l’hôpital.

- NON !

Mulder lui répondit d’une voix presque hystérique.

- Il n’est pas question que j’aille à l’hôpital. Ce n’est rien. Juste un peu de fièvre.

- Je te rappelle que t’as failli y passer il y a seulement quinze jours, Mulder. Tu as peut être une infection ou...

- Je N’IRAIS pas à l’hôpital, Reggie. Je vais simplement me reposer un peu et prendre les cachets...

Il ne finit pas sa phrase. Il sentit ses genoux se liquéfier sous lui et se laissa lentement glisser au sol, la tête dans un étau, la vision troublée, et la voix de Reggie qui lui parvenait à travers un brouillard cotonneux.

Reggie prit sa décision rapidement. Il n’était pas question qu’il le laisse dans cet état. Il appela sa femme.

*******************

Laura se leva en sursaut en entendant le hurlement qui venait de la chambre d’amis où ils avaient installé Mulder. Elle enfila rapidement sa robe de chambre et se précipita à son chevet. Le jeune homme était assis dans un coin de la chambre, recroquevillé sur lui même, les yeux fixes, le corps secoué de tremblements. Elle s’approcha de lui doucement.

- Fox... C’est moi, c’est Laura. Vous avez fait un cauchemar... Chut... Ca va aller.

Il la regarda avec un regard trouble, ne semblant pas la reconnaître. Il était là depuis quelques jours et c’était la première fois qu’une telle scène se produisait. Elle maudit l’absence de son mari, en fonction quelque part dans la ville endormie.

Elle posa une main sur son épaule pour tenter de le réconforter. Il s’éloigna d’elle brusquement, et se mit à osciller d’avant en arrière, serrant ses bras contre son corps, murmurant des phrases incohérentes.

Elle tenta une seconde approche et l’enserra contre lui.

- Fox... Tout va bien... Je suis là.

- Je vous en prie... Pardonnez moi... Ce n’est pas ma faute... Ce n’est pas ma faute.

- Vous avez fait un cauchemar, Fox. Calmez vous.

Elle le sentit trembler contre lui et lui caressa doucement les cheveux. Elle vit ses yeux se remplir de larmes dans la pénombre et il se laissa bercer comme un enfant.

- Ne me punissez pas... Je vous en prie... Ca n’arrivera plus. Père, je vous en prie, je vous en prie.

Laura déglutit avec difficulté en entendant ces mots. Fox était toujours dans son cauchemar, et ne semblait pas se souvenir où il était et chez qui il était.

- C’est moi, Laura. Personne ne vous punira.

Elle resserra son étreinte et il se mit à sangloter doucement, des sanglots qui montaient de son être le plus profond, des sanglots d’un enfant.

Ils restèrent ainsi longtemps, jusqu’au moment où Fox reprit ses esprits. Confus, désorienté, épuisé, il se laissa glisser dans le lit abandonné, il avala le verre d’eau et les pilules que Laura lui tendit et s’endormit enfin, les paupières gonflées.

***************

- C’est incroyable. Tu me dis qu’il a ce genre de cauchemars presque toutes les nuits ?

- Laura, je sais simplement que chaque fois que nous sommes partis sur une affaire, chaque fois que nos chambres étaient proches l’une de l’autre, je l’ai entendu pleurer et crier. Oui. C’est la vérité.

- Mais comment... Comment peut-il supporter ce genre de vie avec si peu de sommeil ? Il est resté des heures avant de pouvoir se rendormir... Il n’arrivait pas à se calmer, il était comme en transe... Et ces mots qu’il a prononcé... Savais-tu que son père le battait ?

Le visage de Reggie se ferma soudainement. Il ne se rappelait que trop bien la fois où Mulder lui avait pudiquement raconté les souffrances qu’il avait endurées pendant son enfance.

- Oui. Je suis au courant. Et je sais aussi que l’affaire sur laquelle nous travaillons ravive ses souffrances. Mais je n’y peux rien. Il est le meilleur d’entre nous. Il voit des connexions alors qu’aucun de nous n’y a même pensé. Je sais que ce boulot le mine de l’intérieur... Mais Paterson ne le laissera pas quitter la division. Et je crois que Mulder...

- Quoi Mulder ?

La silhouette longiligne de son équipier se découpa à travers la porte de la cuisine. Il avait le visage encore gonflé de larmes et de sommeil, ses cheveux ébouriffés et son tee shirt froissé lui donnaient l’allure d’un adolescent.

- Je pense que malgré le stress auquel tu es confronté tu ne souhaites pas quitter la division.

Mulder baissa les yeux et déglutit avec peine.

- Je suis désolé que vous ayez témoin de ce qui s’est passé cette nuit, Laura. Je ne voulais pas vous perturber... Je rentre chez moi.

- Fox, non ... Vous avez besoin de parler à quelqu’un... Vous avez besoin d’aide... Vous ne pouvez pas continuer ainsi...

- J’ai surtout besoin que ce tueur... soit enfin sous les verrous. Tout ira mieux après.

*****************

Quatre jours plus tard, les journaux annonçaient avec soulagement l’arrestation du serial killer. Et Mulder recevait les félicitations d’usage. Quelques heures plus tard, Paterson lui donnait une autre affaire, que Mulder accepta sans broncher, malgré la souffrance qui montait en lui, malgré la douleur et la peur.

****************

Quatre mois plus tard.

Le salon de réception bruissait de conversations. Tout le gratin du FBI et de la politique était là, pour récompenser comme chaque année les meilleurs agents. Fox William Mulder, vingt cinq ans, avait été promu Meilleur Agent de l’année. C’était le plus jeune jamais récompensé. Son incroyable taux de réussite avait remporté tous les suffrages, et on lui pardonnait son comportement fantasque et parfois irrévérencieux envers ses supérieurs. Paterson voyait cette récompense comme un succès personnel. Cétait son poulain. C’était le Wonder Boy de la division, celui dont on ne pouvait pas se passer. C’est lui qui avait détecté son étonnante aptitude, alors qu’il n’était qu’une jeune recrue brillante que tous les services voulaient s’arracher.

Reggie observait Mulder dans son costume sombre, le regard nerveux. Il savait que son jeune ami détestait ce genre de réception. Il détestait les honneurs, et l’hypocrisie qui suintait des sourires et des poignées de mains. La dernière affaire qu’ils avaient eu à résoudre avait été la plus effrayante et la plus éprouvante jamais connue par le FBI. Et Mulder avait encore une fois fait des merveilles. Mais à quel prix... Il n’était plus que l’ombre de lui même, maigre, le visage acéré par les nuits sans sommeil et les cafés noirs, les yeux presque noirs au fond des orbites, et le comportement d’un homme près à craquer. Reggie lui avait suggérer de prendre du repos et c’est avec soulagement qu’il avait entendu son collègue répondre par l’affirmative, les épaules basses, comme vaincu par la fatigue et le stress. L’affaire Monty Pops l’avait tenu éveillé jour et nuit pendant trois mois. Il était à bout, il savait qu’il devait faire un break s’il ne voulait pas finir en psychiatrie, le regard vide et l’esprit embrumé par les antidépresseurs. Il fallait qu’il trouve la force d’affronter Paterson, de lui demander quelques jours ou quelques semaines de congés.

Il fut tiré de sa rêverie par une main lourde qui se posait sur ses épaules. Son regard croisa celui d’un homme mûr, aux yeux gris bleu.

- Fox... Je suis heureux d’avoir à vous remettre ce prix. Vous le méritez plus que quiconque. Vous avez fait un travail fabuleux.

- Sénateur Matheson.

Les deux hommes se serrèrent la main chaleureusement.

- Je suis étonné de ne pas voir votre famille... Votre père est retenu sans doute ?

Mulder baissa les yeux et chassa la boule qui serrait sa gorge.

- Oui. Il m’a appelé il y a quelques heures pour me féliciter.

C’était un mensonge. Son père ne s’intéressait pas ni à lui, ni à sa carrière. Son père ne l’aimait pas.

-........doit être vraiment fier de vous, comme nous tous. Vous êtes promis à une grande belle carrière au sein du FBI, Fox. Mais je le savais au moment même où votre père m’a annoncé votre décision, après votre retour d’Oxford. Il semblait tellement soulagé que vous n’ayez pas choisi d’enseigner ou de pratiquer.

- Je me pose pourtant quelquefois la question de savoir si j’ai fait le bon choix.

- N’ayez pas de doute là dessus, Fox. Je vous laisse. On se voit tout à l’heure, sur le podium ?

- Oui, Sénateur.

Mulder le regarda s’éloigner, silhouette aristocratique parmi les costumes mal taillés de certains de ses collègues. Les gens circulaient autour de lui, on lui adressait des signes de tête ou des sourires envieux, certaines femmes flirtaient ouvertement avec lui, mais il se sentait pourtant si seul qu’il n’avait qu’une envie, courir vers la sortie, oublier les regards complaisants ou hypocrites, retrouver la solitude de son appartement, se blottir sur le canapé en attendant que le sommeil fasse son apparition, en espérant que les cauchemars qui l’habitait le laissent en paix au moins une fois.

Paterson, un petit sourire sur ses lèvres fines, se dirigea vers lui avec un dossier sous la main.

- Alors, c’est le jour de gloire ?

Mulder ne répondit pas. Il devait trouver le courage de lui demander de quitter la section. Mais Paterson ne lui laissa pas le temps de réfléchir. Il lui tendit le dossier, presque en s’excusant.

- Je sais que ce n’est pas le meilleur moment, mais ça vient d’arriver par fax. Une équipe est déjà sur le pied de guerre, à Boston. Ils vous attendent, dès que la cérémonie sera terminée. Je vous ai réservé une place sur le dernier vol. J’espère que vous avez votre sac de voyage dans votre voiture, comme toujours ?

Mulder le regarda d’un air perdu.

- Bill... Non... Je ne peux pas. J’ai besoin de prendre du recul. Je tiens à peine debout. Nous avons terminé l’affaire Monty Pops il y a seulement deux jours... Je vous en prie. Trouvez quelqu’un d’autre...

- Fox, vous êtes le seul à pouvoir résoudre cette affaire... Vous le savez... C’est pour cela que vous êtes là ce soir... Vous êtes le meilleur. Jetez un oeil à ce dossier et dites moi ce que vous voyez, ce que vous sentez. Vous êtes le seul moyen d’arrêter ces crimes au plus vite. Si j’envoie quelqu’un d’autre, nous allons perdre du temps. Et d’autres vies seront perdues.

La culpabilité. Mulder, expert en culpabilité depuis qu’il avait perdu sa jeune soeur, ne pouvait rien faire contre ce sentiment. Il prit le dossier des mains de Paterson et sortit précipitamment de la salle de réception. Paterson le suivit des yeux, un sourire aux lèvres. Il savait que son brillant élève ne pourrait pas résister à ce dernier argument.

Mulder se dirigea d’un pas presque automatique vers les toilettes. Il verrouilla la porte derrière lui et s’assit sur le siège abaissé des toilettes. D’une main tremblante, il ouvrit le dossier que Paterson lui avait remis. Un gémissement inconscient s’échappa de sa poitrine serrée. Des fillettes. Des fillettes d’à peine huit ans couvertes de sang et d’excréments. Les feuilles et les photos tombèrent à terre alors que Mulder se mettait à vomir dans les WC. Il resta longtemps ainsi, le coeur au bord des lèvres, le front couvert de sueur, la gorge douloureuse. Puis il se leva et se dirigea vers les lavabos. Des larmes de rage et peur montèrent à ses yeux quand il se regarda dans le miroir. Il ne pouvait pas... Pas encore des enfants. Pas encore des fillettes... Samantha... Il ne pouvait pas...

Il ne vit pas exploser le miroir sous l’impact de ses poings serrés. Il s’aperçut pas du sang tiède qui coulait le long de ses poignets. Il ne sentit pas le carrelage froid sous lui lorsque il se laissa glisser à terre, pas plus qu’il ne se rendit compte qu’il se blottissait en position foetale le long du mur sale des toilettes des hommes, à deux pas du salon du réception où tout le monde attendait Fox William Mulder, star montante du FBI.

*****************

Le directeur Adjoint Walter Skinner se dirigea vers les toilettes. En ouvrant la porte, il découvrit le corps secoué de tremblements de Mulder allongé parmi les débris du miroir. Il s’approcha de lui doucement.

- Agent Mulder ? Que se passe t’il ? Vous êtes malade ? Vous êtes blessé ?

Le jeune homme entrouvrît à peine ses paupières et le regarda, les yeux crispés par la douleur. Skinner lui posa une main apaisante sur l’épaule.

- Je vais chercher du secours. Je reviens immédiatement.

- Non... Non, je vous en prie.

- Vous êtes blessé, Agent Mulder. Vous perdez beaucoup de sang.

Mulder se redressa lentement contre le mur. Il regarda ses poignets tuméfiés, le sang qui coulait le long de ses avants bras. Il ne se souvenait pas de son geste désespéré.

- Ce n’est rien...

- Je ne vous laisse pas comme cela. Je vais chercher Paterson.

- NON ! Pas Paterson... Je vous en prie. Faites venir Reggie. S’il vous plait.

Il ferma les yeux et entendit le pas pressé de Skinner qui sortait de la pièce. Il se recroquevilla sur lui même, pressant ses bras contre sa poitrine. Il avait peur de perdre connaissance et de se retrouver à l’hôpital. Il détestait les hôpitaux. Il glissa lentement dans l’inconscience.

***************

- Mulder ? Mulder répond moi.

La voix insistante de Reggie le fit sortir de sa torpeur. Mulder sentit qu’on lui avait bandé les poignets et grimaça de douleur. Autour de lui, Paterson, Skinner et Matheson le regardaient d’un air concerné.

- Agent Mulder, que s’est il passé ? Vous vous êtes blessé volontairement ?

Le ton accusateur de Paterson lui fit mal. Il se souvint du dossier et des photos qui avaient déclenché son geste insensé.

- Je n’en peux plus... Laissez moi...

Matheson s’agenouilla près de lui.

- Fox... Nous devons prévenir les secours. Vous devez aller à l’hôpital.

- Non... Mon geste sera considéré comme une tentative de suicide... Je vous en prie... J’ai seulement besoin de repos.

- Vous avez besoin d’aide, Fox.

- Il a surtout besoin d’un break. Vous lui avez redonné une affaire, c’est bien ça ? Vous êtes malade ou quoi ? Vous ne voyez donc pas qu’il n’en peux plus ! Vous le lui laissez pas un instant de répit, Paterson. Ce gamin a quelquefois plus de dix affaires en cours. Vous le harcelez, vous le pressez comme un citron.

Reggie se retourna contre Paterson, le visage furieux.

- C’est un gamin, bon dieu ! Il ne peut pas encaisser toute cette violence !

- Agent Purdue, je vous conseille de modérer votre ton ! N’oubliez pas à qui vous vous adressez !

Reggie ramassa d’un geste enragé les photos tombées à terre.

- Vous croyez qu’il peut continuer à rester sain avec des affaires pareilles ? Vous ne voyez donc pas ce que ces dossiers lui rappellent ? Bon dieu c’est vous qu’il faudrait enfermer ! Ce gosse a un QI de 200, c’est un putain de génie ! Vous pensez que cela le protège de la folie qui le guette ? Tout ce que vous voulez, c’est voir vos affaires résolues, et vous vous foutez de la santé mentale de vos agents !

- Reggie... arrête...

Mulder se colla les mains sur les oreilles et des sanglots le secouèrent violemment.

- Je ne veux pas... finir... à l’hôpital... J’ai ....simplement besoin... de temps...

- Fox, je vous promets une chose. Je ne vous laisserai pas enfermer dans un hôpital psychiatrique.

Mulder se focalisa sur le regard inquiet du sénateur. Il essuya d’un geste maladroit les larmes qui coulaient sur ses joues et essaya de reprendre le contrôle de ses émotions. La douleur, la fatigue, la tension nerveuse l’avait laissé sans force et il avait à peine l’énergie de garder les yeux ouverts. Il sentit qu’on l’aidait à le redresser et il se laissa relever par Reggie et Skinner qui le soutinrent sur ses jambes tremblantes.

- Fox, je connais une institution où vous pourrez prendre du repos. Rien ne sera consigné dans votre dossier. Le médecin responsable de cet endroit est un ami. Il sera prendre soin de vous. Est ce que vous acceptez de me suivre ?

Fox hocha la tête lentement. Il n’avait de toute façon aucun autre choix. Les deux hommes l’entraînèrent lentement parmi les couloirs déserts et il se retrouva bientôt devant une luxueuse limousine, entre Reggie et Skinner qui l’aidèrent à s’installer sur le siège arrière. Ses larmes recommencèrent à couler et il pleura silencieusement, conscient de son échec, de sa faiblesse et de son impuissance. Ses avants bras se faisaient cruellement souffrir et sa tête était vide et légère. Le véhicule se mit en route lorsque Matheson fit signe au chauffeur.

Purdue et Skinner regardèrent le véhicule s’éloigner, alors que Paterson, dépité, rebroussait chemin vers les salons de réception.

*****************

Deux jours plus tard.

Mulder se réveilla en sursaut, désorienté et tenta de se rappeler les événements qui l’avaient conduits dans cette chambre luxueuse. Il se souvint de son arrivée, de la panique qui l’avait envahi lorsque il avait compris qu’on allait l’enfermer ici, malgré la réassurance du sénateur qui avait tenté de le calmer. Il se souvint des bras fermes et musclés qui l’avaient contenu alors qu’il tentait d’échapper à l’injection de tranquillisants, indispensables dans son état. Il se rappela l’apathie qui avait suivie, les sutures au niveau de ses mains blessées, ses paupières si lourdes et les mots rassurants du docteur Jameson. Personne ne lui ferait de mal. Il fallait simplement qu’il se repose.

Il reposa la tête sur l’oreiller et observa la pièce autour de lui. Rien à voir avec une chambre classique d’hôpital ou une cellule de service psychiatrique. La chambre était meublée avec raffinement, comportant une armoire de bois sombre, un petit bureau, une chaise et un fauteuil. De son lit, il pouvait apercevoir la salle de bains dont la porte était restée ouverte. Il sourit amèrement en découvrant que rien n’était laissé au hasard. Pas de rideau, pas de fil électrique, même le miroir semblait incassable. On l’avait placé sous observation et apparemment le docteur Jameson craignait une tentative de suicide.

Il n’était pas suicidaire. De cela il était sûr. Son comportement n’était qu’un appel à l’aide, un cri désespéré qu’il avait lancé dans l’espoir que s’arrête la descente aux enfers orchestrée par Paterson. Le psychologue en lui reconnaissait les symptômes de la dépression qui le minait peu à peu, le manque de sommeil, le stress permanent, le dégoût de la vie. Mais une force insoupçonnée le poussait à combattre, à survivre malgré tout. L’espoir de retrouver sa soeur était plus fort que sa détresse.

Il se leva en grimaçant, passa la main dans ses cheveux. Il avait l’impression que son corps pesait des tonnes. Il s’étira un long moment, étouffa un bâillement et se dirigea lentement vers la salle de bains. Il s’arrêta brièvement devant le miroir, et eut presque du mal à reconnaître son reflet. Il avait les paupières cernées, sa mâchoire saillait tant il avait maigri, ses cheveux pendaient devant ses yeux. Il se détourna rapidement, ôta son caleçon et se glissa sous la douche. Il resta longuement sous l’eau tiède, savonnant son corps douloureux, notant au passage ses côtes trop saillantes, la maigreur de ses cuisses, et soupira. Il ne s’était pas vu dans cet état. Il n’avait pas vu la lente dégradation de son état physique. Des larmes se mirent à couler lentement sur ses joues, et des sanglots le secouèrent une fois encore. Il se laissa glisser dans la douche, impuissant.

*************

Le docteur Jameson entra doucement dans la chambre de son nouveau patient. Il le trouva allongé sur le lit, le corps simplement recouvert d’une serviette de bains humide, des traces de larmes sur le visage. Il posa une main sur son épaule pour le réveiller.

- Agent Mulder ?

Le jeune homme ouvrit les paupières et cligna des yeux, et se redressa en voyant le médecin assis près de lui.

- Je suis le docteur Jameson. Vous vous souvenez de votre arrivée ici ?

- Oui...

- Qu’attendez vous de votre séjour ici, Agent Mulder ?

- Je ne sais... Prendre du recul, faire le point sur ma vie.

- Depuis quand faites vous partie du FBI, Fox ? - Mulder, s’il vous plait. Depuis deux ans.

- Et depuis quand êtes vous profiler ?

- Depuis un an.

- Avez vous choisi cette spécialité ?

- C’est plutôt la spécialité qui m’a choisi. Il semble que j’ai une sorte de don à plonger dans l’esprit des criminels.

- Vous êtes conscient que ce job a une répercussion néfaste sur votre santé ?

Mulder grimaça et frotta inconsciemment ses pouces contre les cicatrices de ses avants bras.

- Oui. J’en suis parfaitement conscient.

- Vous avez pensé à changer de boulot ?

- Naturellement. Mais mon supérieur n’autorisera pas ma mutation dans un autre service.

- J’ai cru comprendre que vous aviez des relations au Congrès. Le sénateur Matheson pourrait faire quelque chose pour appuyer votre demande. Je pense que vous devriez considérer cela.

- J’y penserai. Oui.

*****************

Matheson entra lentement dans le salon où était assis Mulder. Il l’avait eu plusieurs fois au téléphone depuis son admission, heureux de constater que son séjour avait été bénéfique pour son jeune protégé. Il le regarda quelques instants avant de s’approcher de lui, notant avec satisfaction que le jeune agent avait repris du poids, que son visage était moins sombre et plus détendu.

- Agent Mulder.

Mulder se leva et lui tendit la main chaleureusement. Ils s’assirent tous les deux face à face et Matheson lui présenta la lettre qui motivait sa visite.

Mulder prit quelques instants pour parcourir le document et leva les yeux vers lui, étonné.

- Paterson est furieux, vous devez vous en douter. Vous vous êtes fait un ennemi au sein du FBI. Mais il n’a pas eu son mot à dire. Vous êtes transféré. C’est effectif à partir de demain. Mais s’il vous faut plus de temps...

- Non... Je vais bien. Je ne sais pas comment vous remercier, sénateur. Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi.

- Restez en vie, Fox. Vous avez de grandes choses à faire au sein du FBI. Prenez un nouveau départ.

Mulder le regarda, les yeux brillants d’émotion contenue.

- Vous serez placé sous les ordres directs de Walter Skinner. C’est un type bien. Je pense que votre collaboration sera efficace au sein de ce service.

- Merci. Je ne sais pas quoi vous dire.

Ils se levèrent et Mulder s’apprétait à prendre congé quand le sénateur le retint par l’épaule.

- Agent Mulder, il y a des dossiers secrets entassés au sous sol du bureau. J’aimerai que vous y jetiez un oeil. Je pense qu’ils peuvent vous intéresser.

- Des dossiers secrets ? Que voulez vous dire ?

- Des dossiers non classés... Comme celui de votre soeur.

Mulder le regarda avec étonnement et attention.

- Je vous promets que je suivrai votre conseil, sénateur.

******************

Deux ans plus tard.

Mulder était plongé dans l’étude d’un document photographique quand il entendit des coups frappés à la porte.

- Désolé. Il n’y a personne à part l’agent le plus mal aimé du FBI.

La porte s’ouvrit et une jeune femme entra. Les murs de la pièce était couverte de photos, de papiers divers et d’une affiche montrant une soucoupe volante avec cette mentien : I WANT TO BELIEVE. Il se tourna vers elle, un sourire narquois aux lèvres.

- Agent Mulder. Je suis Dana Scully. J’ai été chargé de vous assister.

 

 

FIN

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