Convalescence

Titre : Convalescence
Auteur : Valérie
Email : fanficsxfiles@free.fr
Résumé : Scully et sa mère sont au côté
de Mulder lors d’une nouvelle tragédie.
MT, MSR
G
Feedbacks : autorisés, désirés !

CONVALESCENCE


Elle était là depuis la première heure, silencieuse
vigile, veillant sur l’homme au visage émacié qui
gisait sur le lit d’hôpital depuis plus de sept jours,
dormant à peine, ne se nourrissant guère plus,
attentive et grave, son doux visage marqué par la
crainte de voir la vie s’échapper du corps supplicié
qu’elle couvait des yeux.

A chaque fois qu’elle fermait les paupières, elle revivait
avec une acuité terrible le moment où sa vie avait
basculé, où elle avait cru perdre l’homme qu’elle
considérait comme son âme soeur, l’homme qui partageait
sa vie depuis cinq ans, l’homme merveilleux, complexe,
brillant, quelquefois égoïste et tête brûlée, mais qui
rendait sa vie plus passionnante.

Elle revoyait avec une effroyable précision le moment
où il s’était jeté sur l’homme qui menaçait une entière
salle de conférence avec une ceinture bourrée d’explosifs,
alors même que l’équipe d’assaut allait faire feu sur lui.
Elle le revoyait tomber à terre, le corps criblé de balles,
elle entendait encore les hurlements de la foule et
son propre cri d’horreur alors qu’elle se précipitait
sur son corps ensanglanté.

Elle sursauta, et ouvrit les yeux, pour se retrouver dans
cette chambre d’hôpital, sa main posée dans la sienne.
Une fois encore, elle examina son visage plus blanc
que les draps dont il était recouvert, sa poitrine
couverte de bandages se soulevant doucement,
d’une façon rassurante. Il était en vie. Il avait survécu
aux longues heures de chirurgie, aux trois jours de coma
qui avaient suivi, à l’infection post-opératoire qui avait
failli le terrasser. Elle ne vivait que pour le moment où
il allait ouvrir les yeux, ses yeux si beaux, si tristes, si vivants.

Elle passa une fois encore, une fois de plus,
la main dans ses cheveux, repoussant d’un geste
automatique la mèche rebelle qui tombait sur
son front pale. Elle caressa sa joue légèrement
rugueuse, ses lèvres pleines et sensuelles, tout en
lui murmurant des paroles douces à l’oreille.

“Mulder... Tu m’as fait assez attendre maintenant...
Réveille toi, je t’en prie...”

Et doucement, ses paupières frémirent, exauçant ses prières.

***********

Son corps n’était qu’un océan de douleurs. Des mots
lui parvenaient, lointains, et il tenta de les repousser
pour replonger dans la douce inconscience. Mais les
mots étaient insistants, et désespérés. Il savait au fond
de lui qu’il était temps de retrouver la voix triste et
aimante qui les prononçait. Il ouvrit les yeux avec peine,
et les prunelles azur qu’il rencontra lui fit presque oublier son corps meurtri.

Scully lui adressa le plus merveilleux des sourires.

************

“ Scul..”

Il se demanda où était partie sa voix. Sa gorge était
plus sèche que le désert et ses lèvres lui semblaient momifiées.

“Chut... n’essaye pas de parler. Tu as été sous respirateur
pendant plus de quatre jours. Tiens, bois un peu”

Elle lui présenta une paille et un filet d’eau fraîche coula
dans sa gorge déshydratée. Il avala avidement le merveilleux
liquide avant que Scully ne lui retire.

“Pas trop, Mulder. Tu en auras plus dans quelques minutes.”

“Combien de temps ?”

Scully lui sourit tendrement. Les années d’expérience passées
auprès de lui, à attendre son réveil dans une chaise
inconfortable d’hôpital, lui avaient appris qu’en trois
mots, il lui demandait depuis combien de temps il était là,
et combien de temps il allait devoir rester à l’hôpital.

“Tu es là depuis une semaine, Mulder. Tu as reçu cinq
balles, trois au niveau de l’abdomen et deux au niveau
du thorax. Tu es resté six heures en chirurgie, un record,
même pour toi, pour y retourner deux heures après pour
une hémorragie. Tu es resté trois jours dans le coma.”

La jeune femme fit une courte pause, soupira et reprit.

“La fièvre est apparue au quatrième jour. Les médecins
ont cru que tu ne survivrais pas à tes blessures. Mais tu
t’es battu, et tu es resté en vie. Maintenant il va falloir
que tu reprennes des forces. Ton corps a subi un traumatisme
qu’il mettra un long moment à oublier. Tu vas devoir être patient.”

“Combien ?”

“Tu devras rester au moins quinze jours ici, Mulder, si tout va bien.”

“Tu vas bien ?”

Sa voix n’était qu’un murmure rauque, mais elle y perçut de l’inquiétude.

“Oui. Simplement fatiguée.”

“Rentre chez toi. Ca va aller maintenant.”

Elle plongea dans la profondeur de ses yeux gris vert et secoua la tête.

“Non. Je reste encore un peu. Mulder... Tu as fait une chose
incroyablement stupide...”

Il fronça ses sourcils et elle reprit :

“Et incroyablement courageuse...”

Il sourit faiblement à ses paroles.

“Tu nous as sauvé la vie à tous, Mulder. Merci. Mais ne
t’avise jamais plus de faire une chose pareille.”

Elle lui prit la main et la serra doucement, et Mulder
comprit qu’elle le pardonnait. Ils restèrent un long
moment les yeux dans les yeux, tout simplement heureux
d’être réunis une fois de plus.

********

“Je n’aurai jamais du t’écouter, Mulder.”

La jeune femme était furieuse. Il avait tenu à quitter
l’hôpital malgré les recommandations de ses médecins.
Il ne supportait plus la nourriture, il ne supportait plus
les incessants examens, ou prises de sang, les infirmières
qui le réveillait alors qu’il avait sommeil. Ces dernières
avaient presque applaudi lorsque il était sorti, tellement
il avait été désagréable avec elles.

Et il était là maintenant, avachi dans le siège de sa
voiture, les yeux fermés, les paupières cernées par
de larges ombres grises, incapable de lever ses grandes
jambes amaigries pour sortir et faire les quelques pas
qui le séparaient de l’escalier menant à son appartement
tant l’effort même de sortir de l’hôpital l’avait épuisé.
Et elle était furieuse de l’avoir écouté.

Avec difficulté, avec maints encouragements, elle l’aida
à sortir de la voiture, à franchir les marches. Il
s’appuyait lourdement sur elle, les mâchoires crispées
par l’effort, les paupières contractées par la douleur.
Il ne pouvait s’empêcher de laisser échapper de temps
à autre de petits gémissements et Scully réfréna sa colère.

Il s’arrêta un instant, pantelant, la sueur roulant sur son
front. Elle était prête à sortir son portable pour appeler
une ambulance lorsque il l’arrêta d’un geste, le regard suppliant.

“Je t’en prie, Scully. Pas ça. Je ne veux pas retourner à l’hôpital.”

Elle s’approcha de lui et l’aida à marcher jusqu’à
son appartement. Une fois à l’intérieur, elle le dirigea
immédiatement vers sa chambre et il s’allongea sur le lit
presque instantanément, exténué. Elle caressa ses cheveux
humides de sueur et il s’endormit en un instant.

***************

Il avait dormi presque quatre d’affilée, et Scully,
en regardant l’heure, s’aperçut qu’il était l’heure de
ses médicaments. Elle entra dans la chambre et tira les
rideaux, laissant entrer la douce lumière de la fin du jour.
Elle s’assit doucement sur le bord du lit et il sentit sa
présence. Il cligna des yeux.

“Comment te sens tu ?”

“Mieux. Fatigué. Sale.”

Il s’assit lentement, légèrement étourdi par le changement
de position. Il tira sur le col de son tee-shirt, se renifla et grimaça.

“Je vais prendre une douche.”

“Tu plaisantes, j’espère ?”

“Oh non... J’attends cela depuis deux semaines.”

“Mulder, tu ne peux pas prendre de douche. Les cicatrices
sont encore trop fraîches !”

“Peu importe. Je ne peux plus me supporter. Je vais
prendre une douche.”

Il se leva avec difficulté et Scully le vit se diriger
péniblement vers la salle de bains. Dieu qu’il pouvait
avoir la tête dure quelquefois !

“Très bien, Mulder. Mais si tu dois retourner à l’hôpital
dans quelques jours avec une infection, tu seras bien avancé.”

Il s’arrêta près de la porte et y posa ses mains,
avant de se retourner vers elle.

“Tu crois vraiment que je risque quelque chose ?”

“Mulder... Je suis médecin, ne l’oublie pas.
Tes défenses immunitaires ont été gravement abaissées
par tes blessures et par les transfusions... Tu risques une infection, oui.”

Il soupira et son visage prit l’allure boudeuse à laquelle
elle ne pouvait pas résister.

“Mais il faut que je me lave...”

“Tu tiens à peine debout, Mulder...Je te propose un
marché. Tu t’assois dans la salle de bains, tu fais ce que
tu peux et tu m’appelles quand tu as fini.”

Un petit sourire malicieux apparut sur ses lèvres.

“Tu me laveras le dos ?”

Elle lui sourit en retour.

“ Oui.”

“Et tu me laveras les cheveux ?”

“Oui, Mulder, je te laverai les cheveux.”

Son visage s’éclaira.

“Marché conclu, Scully.”

************

Quinze minutes plus tard, ils étaient installés tous les
deux dans la salle de bains. Il était assis sur une chaise,
le dos au lavabo, la tête retournée en arrière, et un
sourire béat sur les lèvres. Scully lui massait doucement
les cheveux et elle ne pouvait s’empêcher de sourire
elle aussi. Il ronronnait presque sous ses caresses. Elle
se fit intérieurement la remarque qu’il avait vraiment
besoin d’aller chez le coiffeur, ses cheveux étant plus
longs que d’habitude, mais elle appréciait néanmoins leur
riche texture. Elle le rinça une première fois, puis appliqua
une dose généreuse d’après shampooing.

“Scully, tu avais raison à propos de la douche...
J’ai vraiment bien fait de t’écouter... Tu as du être
coiffeuse dans une autre vie...”

“Ca te plait, Mulder ?”

“Oui... c’est très agréable...”

Elle rinça une nouvelle fois et l’aida à se relever.
Intérieurement, elle ne put s’empêcher d’admirer
son corps qui malgré les épreuves qu’il avait subi,
restait totalement, absolument désirable. Elle chassa
rapidement les pensées troubles qui lui venaient et
commença à l’aider à s’habiller. Il la chassa en riant,
demandant un peu d’intimité. Elle sourit en pensant
à toutes les fois où, à l’hôpital, elle l’avait entièrement
lavé à l’éponge. Mais il était inconscient et elle avait
gardé pour elle ce petit secret.

**********

Leur “lune de miel” ne dura toutefois que quelques jours.
Au bout d’une petite semaine, ils finirent par se lasser
l’un de l’autre. Elle lui reprochait son manque d’ordre,
elle ne supportait pas qu’il passe des heures à zapper
d’une chaîne à l’autre, avachi dans son canapé. Elle avait
besoin d’air.Il lui reprochait de trop le materner, de lui imposer
une nourriture “saine” alors qu’il ne rêvait que de frites
grasses et de hamburgers. Il allait mieux et reprenait des forces chaque jour.

Le clash eut lieu le septième jour.

*************

“Je rentre chez moi, Scully. Tu vois bien que nous ne
pouvons plus nous supporter.”

Les lèvres pincées, elle lui rétorqua qu’il ne faisait
rien pour arranger les choses.

Le ton monta rapidement, et toutes les frustrations et
les angoisses de ces dernières semaines remontèrent
à la surface sous la forme de phrases acérées et amères.

Elle finit par se diriger vers sa chambre, ouvrit son
sac de sport qui traînait à terre et enfourna toutes ses affaires dedans.

Il la regarda faire, heureux à l’idée de rentrer
enfin chez lui, attristé aussi de l’avoir poussé à bout, comme toujours.

Une heure plus tard, ils se séparèrent sans un
mot devant la porte de son appartement.

***************

Le tambourinement continu venant de sa porte d’entrée
finit par le sortir du sommeil agité dans lequel il était
plongé depuis plusieurs heures. Il ouvrit les yeux avec
difficulté et les ferma aussitôt. Le mal de tête qui le
tenait depuis la veille était revenu avec vengeance.
Grimaçant, gémissant, il se leva avec peine, tentant
vainement de réprimer les tremblements qui le secouaient.
Il avait envie de vomir et ses jambes supportaient à peine
le poids de son corps. Il ouvrit la porte et les trois hommes
qui se tenaient dans le couloir écarquillèrent les yeux en
voyant l’état de leur ami.

Il leur fit signe d’entrer et aussitôt se précipita dans
la salle de bains pour vomir bruyamment le peu de nourriture
qu’il avait réussi à ingurgiter la veille.

Lorsqu’il réapparut, Byers l’aida à s’allonger sur le canapé, la mine inquiète.

“Qu’est ce que vous faites là ?”

Il leur avait posé la question les yeux crispés,
écoeuré d’entendre sa voix si faible.

“On est venu prendre de tes nouvelles, Mulder.
On t’a appelé toute la soirée hier, mais tu ne répondais pas.”

“Je me suis couché tôt. Je n’ai pas du entendre le téléphone.”

“Ca n’a pas l’air d’aller, Mulder.”

Un petit sourire ironique apparut sur ses lèvres desséchées.

“Tu devrais rentrer au FBI, Frohyke. Tu es vraiment
un investigateur hors pair.”

“Tu es comme ça depuis quand ?”

Même Langly était soucieux de le voir ainsi. Il était
trempé de sueur, son visage était pale et ses yeux brillaient de fièvre.

“Ca m’a prit il y a deux jours. J’ai du prendre froid pendant mon joggin...”

Les trois amis ne lui laissèrent pas le temps de finir
sa phrase. Ils se mirent à parler tous en même temps.

“Après ton jogging ?”

“Mais t’es malade, Mulder...”

“Tu sors tout juste de l’hôpital...”

Mulder se mit à tousser et leva les mains en signe d’apaisement.

“C’est bon, les mecs. Je sais que je n’aurai sans
doute pas du sortir pour courir d’un temps pareil,
OK ? Du reste, je n’ai pas pu courir, tout juste
marcher. Maintenant puisque vous êtes là, l’un de vous pourrait
peut être aller me chercher des médicaments.”

“Tu as prévenu Scully ?”

Le visage de Mulder prit un air embarrassé.

“Euh... non. On ne s’est pas quitté en très bons termes.
J’ai passé quelques jours chez elle après ma sortie de l’hôpital
et j’ai fini par lui taper sur les nerfs. Vous la connaissez...”

“Oui et on te connaît aussi, Mulder. Et vu ta prédisposition
à attirer les ennuis, je crois qu’il serait sage de te conduire à l’hôpital.”

Byers accompagna sa phrase en posant sa main sur le front
de son ami, avant d’ajouter.

“Tu es brûlant de fièvre, Mulder.”

“Vous n’allez pas vous y mettre... J’en sors, de l’hôpital.”

Une violente quinte de toux le secoua et il mit un
long moment à pouvoir rependre sa respiration.
Chaque inspiration lui provoquait une douleur
violente dans la poitrine, il grelottait de froid.
Il se mit en boule sur le canapé, ignorant ses amis
perplexes, ne sachant quelle attitude adopter avec une telle tête de mule.

Ils se regardèrent, s’éloignèrent de quelques pas
et conspirèrent silencieusement.

“ Il a vraiment beaucoup de fièvre...”

“Il a une sale tête...”

“ Vous avez entendu sa respiration ?”

“On l’emmène à l’hôpital, qu’il le veuille ou non. Scully
va nous tuer si on le laisse ainsi.”

Byers s’agenouilla près de son ami, et essaya de lui
faire entendre raison calmement.

“Tu ne peux pas rester ainsi, Mulder. On n’est pas médecin...
Si tu fais une pneumonie après tes blessures, ça va
compromettre ton retour au boulot... On t’emmène à
l’hôpital, tu te laisses examiner et on te ramène dès
qu’on a le feu vert. Ca te va, Mulder ?”

“Faites chier... D’accord...”

*************

Dans un état semi comateux, tremblant, toussant,
maugréant, il se laissa traîner aux urgences les plus
proches, où les médecins lui diagnostiquèrent une
pneumopathie bilatérale. A la lumière de sa récente
hospitalisation et de son impressionnant dossier médical,
il fut admis immédiatement et se retrouva dans un
lit aussitôt que les examens furent terminés.

Penauds d’avoir trahi leur ami, mais soulagés de le
savoir en sécurité, les trois hommes quittèrent la
chambre de Mulder sur la pointe des pieds aussitôt
après qu’il se soit endormi, une intra-veineuse sur
le dos de la main, une canule à oxygène dans les narines.

Le téléphone portable de Frohyke sonna quelques
minutes après qu’ils aient quitté l’hôpital.

“Frohyke, c’est Scully. Vous n’auriez pas des nouvelles
de Mulder par hasard ? J’essaye d’appeler chez lui depuis
hier, mais ça ne répond pas et son portable n’est pas branché...
J’avoue que ça commence à me rendre un peu nerveuse.”

Frohyke, embarrassé, regarda ses camarades, ne sachant quoi répondre.

“Euh... salut Dana... Comment ça va ?”

“ Frohyke !”

“ On vient juste de... enfin... euh... il est à l’hôpital.”

“Quoi ???”

“Rien de grave, Scully... Il a juste pris un peu froid.”

“Comment a t’il pu prendre froid en restant chez lui ???”

“ ........”

“Il est sorti ? C’est ça ?”

“Oui... enfin, je crois...”

“Il a été courir, n’est-ce-pas ?”

“Il a essayé, au moins. “

“Cet homme est un GRAND MALADE ! Comment a t’il pu
faire une chose pareille ?? Où est t’il ?”

“A Georgetown... comme d’hab....”

“J’arrive. Je suis à Baltimore chez ma mère. Je serai
là dans quelques heures.”

**************

Mulder ouvrit les yeux et se rendit compte qu’il était
toujours à l’hôpital. Les enfants de salauds !!!
Ils lui avaient promis qu’ils le ramèneraient chez lui
aussitôt les examens effectués.

Il essaya de se détendre et de voir le bon côté des choses.
Après tout, il n’était pas blessé, il n’avait pas de sonde
urinaire, pas de respirateur... Les choses n’allaient
finalement pas trop mal. Et l’oxygène lui procurait un bien être
dont il avait tant besoin après les deux jours passés
à respirer si difficilement. Et puis Scully n’était pas au
courant et il n’aurait pas droit à ses remontrances...
Il se rendormit en un clin d’oeil.

**************

Les chaussures de Scully résonnèrent dans le couloir
qui la menait à la chambre de Mulder. Elle avait
quitté sa mère à la hâte, en lui expliquant la situation,
et conduit jusqu’ici sans s’arrêter. Elle prit une grande
inspiration et entra dans la chambre. Mulder semblait
dormir paisiblement et elle prit le temps de consulter
son dossier. Il était arrivé avec une forte fièvre qui
paraissait se résorber depuis qu’il avait été admis.
Sa radio pulmonaire était impressionnante, montrant
deux foyers infectieux, mais malgré tout rien qui ne
puisse se résoudre avec une bonne dose d’antibiotiques.
Sa colère retomba quand son regard se posa sur le visage
de son partenaire. Il était si différent quand il dormait,
si vulnérable, presque infantin.

Elle s’approcha du lit et lui prit la main doucement.
Il ne réagit pas, complètement et profondément endormi.

Elle caressa ses longs doigts fins, aux ongles soignés.
Des doigts de pianiste, lui avait elle dit un jour, et il avait ri,
lui dévoilant que sa mère avait voulu qu’il apprenne la musique.
Il avait fait du piano jusqu’à l’âge de douze ans, avec succès,
jusqu’à la disparition de Samantha. Jamais plus une note
ne s’était élevée dans la maison familiale après le drame.
Le piano s’était recouvert d’une couche fine de poussière
et il n’avait jamais plus joué depuis ce jour.

“Mulder tu es incorrigible...”

Elle avait murmuré mais cela suffit à le réveiller. Les yeux
embrumés de sommeil, il lui sourit tendrement et pressa sa main dans la sienne.

“ Tu es là...”

“Où veux tu que je sois ?”

Elle le regarda avec une telle tendresse qu’il
se sentit coupable de lui avoir encore une fois
causé des soucis. Il dégagea sa main qui alla se loger
sur sa joue, relevant d’un geste affectueux une mêche
de cheveux acajou derrière l’oreille délicate de son amie.

“ Je te demande pardon, Scully. Je me suis mal
comporté avec toi. Je sais que je suis impossible à vivre
quand je suis malade. Je te promets que...”

Elle l’arrêta avec un sourire et posa un doigt sur sa bouche.

“Pas de promesse que tu ne pourras pas tenir, Mulder.
Tu es comme tu es. Ce n’est pas moi qui vais te changer.
Tu n’as tout simplement pas l’habitude d’avoir quelqu’un
auprès de toi, qui prenne soin de toi. Je l’ai compris maintenant.”

Une lueur de tristesse passa dans les yeux de Mulder
et elle regretta immédiatement les paroles qu’elle
venait de prononcer. C’était cruel de sa part de lui
rappeler que depuis son enfance, il vivait dans une
telle solitude affective. Ni sa mère, ni son père
n’avaient pris soin de lui après l’enlèvement de sa soeur.
Il avait grandi seul, se forgeant des barrières contre
les difficultés de la vie, ne comptant que sur lui même.
Pas étonnant qu’il soit si différent, tellement unique.
Il avait surmonté les épreuves grâce à son brilliant
esprit, à son intelligence remarquable, et une force de
vivre peu commune. A elle de s’adapter si elle voulait
conserver son amitié.

“J’ai rencontré le médecin qui s’occupe de toi
dans le couloir. Tu pourras sortir dans un jour ou
deux, dès que ta température sera redevenue normale.
Tu devras prendre des antibiotiques pendant au moins dix jours,
mais par voie orale. Il a suggéré que tu quittes Washington quelque temps. “

Mulder haussa les sourcils à cette phrase.

“Tes poumons sont considérablement affaiblis et
tu aurais besoin de grand air. “

“ Je pourrais passer quelques jours à Martha’s Vineyard.”

Elle secoua la tête doucement.

“Pas question que tu restes là bas tout seul. Si tu as une rechute...”

Un petit sourire en coin apparut sur les lèvres de Mulder.

“Je suppose que tu as un plan, Scully ?”

*********************

“Je ne peux pas croire que j’ai accepté ça...”

“Mulder, arrête un peu. On en a parlé suffisamment.
On ne va pas revenir là dessus...”

“ Oui mais...”

“ Mulder !”

“Ok Scully. Je ne dis plus rien. Regarde la route.”

Le sourire de la jeune femme s’élargit et elle se concentra
sur les véhicules devant elle. Elle sentit son passager se
relaxer sur le siège à côté d’elle et posa sa main sur sa cuisse.

“Tu seras très bien là bas Mulder. Tu vas te refaire une santé.”

*****************

Ils arrivèrent en fin d’aprés midi. Mulder avait fini par s’endormir,
bercé par le ronronnement du moteur. Scully se gara devant la
maison familiale et se tourna vers son partenaire.

“Mulder... Nous sommes arrivés.”

Il ouvrit les yeux, se frotta les paupières et s’étira comme
un chat, avant de grimacer de douleur en sentant son
corps engourdi.

“Déjà arrivés ?”

Scully sourit en entendant sa voix endormie.

“On est en route depuis quatre heures, Mulder. Le
voyage t’a paru plus court qu’à moi.”

“Désolé, Scully. Tu n’es pas trop fatiguée ?”

“Un peu. Mais je suis heureuse d’être arrivée.”

Ils sortirent de la voiture et virent Maggie qui
se précipita vers eux, un large sourire aux lèvres.

“Bonjour ma chérie.”

Elle étreignit sa fille affectueusement, avant
de se tourner vers Fox.

“Oh Fox... Je suis tellement heureuse que vous
ayez accepté mon invitation. Je vous ai préparé votre
chambre et j’espère que vous vous sentirez chez vous
ici.”

Elle le serra dans ses bras et Mulder ne put s’empêcher
de penser à sa propre mère, si peu affectueuse. Les
larmes lui montèrent aux yeux. Il répondit à son geste en
la serrant tendrement contre lui.

“Vous n’avez que la peau sur les os, Fox. Je vais me
faire un devoir de vous remplumer un peu.”

Ils se mirent à rire tous les trois de bon coeur et se
dirigèrent vers la maison. Les deux femmes se regardèrent
d’un air concerné quand elles virent Mulder gravissant
péniblement les quelques marches du porche, en se
tenant à la rambarde. A peine entré dans la maison,
il s’assit lourdement sur le canapé du salon, le visage
pâle et le souffle court. Scully s’agenouilla à côté
de lui, ses mains sur ses genoux.

“Tu devrais te reposer un peu pendant que j’aide
maman à préparer le dîner.”

Tout en parlant, elle l’aida à se dévêtir, se déchausser
et à s’allonger sur le canapé.

Il hocha la tête, ses paupières se fermèrent et
son corps se détendit en un instant. Scully le couvrit
d’une couverture lègère et se dirigea vers sa mère qui
se tenait dans la cuisine.

“Maman, je ne sais pas comment te remercier de
l’accueillir. Il a vraiment besoin de repos.”

“Oui. Je suis préoccupée de le voir ainsi. Je crois
que je ne l’ai jamais vu aussi faible.”
Scully soupira, le visage tendu, puis se mit à sourire.
“Il a heureusement de formidables capacités de
récupération. Dans quelques jours, tu verras, il
se sentira mieux. Et les ennuis commenceront...”

Maggie haussa les sourcils.

“Que veux-tu dire ?”

“Il va vouloir rentrer chez lui. Et nous le
laisserons partir. Il n’a pas l’habitude que des
gens prennent soin de lui.”

“Pas question de le laisser partir avant Noël. Il
va passer les fêtes avec nous deux. Je me charge
de le persuader, Dana.”

******

Mulder se réveilla doucement, cligna des yeux et
chercha à se rappeler où il était. Il sourit en voyant
l’intérieur chaleureux de la maison de Maggie. . Il se
laissa un peu de temps avant de se lever, grimaça de douleur
en essayant de se relever et finit par se retrouver en
position verticale. Sa tête tournait, il se sentait fébrile
et douloureusement engourdi. Il détestait se sentir ainsi,
vulnérable et fatigué. Il se dirigea vers la cuisine où il
entendit les voix douces des deux femmes qu’il aimait et
respectait le plus au monde.

Les deux femmes se tournèrent vers lui quand il entra
dans la cuisine. Elles ne purent s’empêcher de se regarder
en le voyant ainsi, les cheveux en bataille, les yeux gonflés
par le sommeil, le tee shirt à moitié sorti de son pantalon, les
pieds nus. Il avait l’air d’un petit garçon.

Inconsciemment, Mulder passa sa main dans ses cheveux et
les regarda interloqué devant leurs sourires amusés. Et il
vit dans leurs yeux une tendresse qui le bouleversa.
Chassant l’émotion qui manquait de le submerger, il tenta
de la masquer avec humour.

“Alors, qu’y a t’il au dîner ? Antibiotiques ? Anti-douleurs ?”

Les deux femmes se mirent à rire et ils passèrent à table.
Maggie s’inquiéta du manque d’appétit de son hôte, mais
Dana la rassura d’un regard. Elle connaissait les
habitudes alimentaires de Mulder et savait qu’il lui faudrait
quelques jours avant qu’il ne reprenne goût à la nourriture. Et elle avait confiance dans les qualités culinaires de sa
mère, qui ne manqueraient pas de satisfaire Mulder.

Le reste de la soirée se passa agréablement, elles lui
proposèrent de regarder un film, devant lequel il s’endormit
au bout de vingt minutes. Un léger ronflement émanait de lui,
ce qui ne manqua pas de les faire sourire. Il dormait les lèvres
à moitié ouvertes, la tête renversée en arrière, complètement
détendu. En silence, elles le laissèrent ainsi le reste du film
et il se réveilla au générique de fin. Il s’excusa avec un sourire
gêné et Maggie le conduisit dans la chambre qu’elle réservait
aux invités. Son sac de voyage était posé sur le lit, et elle lui
montra le cabinet de toilette. Il la remercia chaleureusement
de son hospitalité. Quand elle quitta la chambre, il se déshabilla,
épuisé, et se coucha pour s’endormir aussitôt.

*********
Dix jours plus tard.

Il se réveilla avec l’impression d’avoir dormi pendant
des jours. Le corps lourd mais reposé, il cligna des yeux
plusieurs fois, ébloui par la lumière crue de décembre qui entrait
dans la chambre à travers la vitre. Il s’étira et se leva, et se
dirigea vers la salle de bains. La maison était silencieuse, et une
douce odeur de café lui parvint aux narines. Il descendit
les escaliers et une fois dans la cuisine se servit une tasse
du merveilleux breuvage. Il s’assit et se plongea dans le
journal déposé sur la table, tout en dévorant un bol de
céréales. Il se sentait presque chez lui maintenant.

Le temps était passé plus vite qu’il n’avait prévu. Maggie
était une hôtesse merveilleuse, affectueuse et douce, sans
être intrusive. Elle respectait ses silences et son rythme de vie,
et il essayait d’être le plus sociable possible, s’obligeant à
parler et à sourire. Mais plus le calendrier se rapprochait
de Noël, plus il sentait qu’il devait quitter cette maison
qui lui rappelait tant de souvenirs de jours heureux à jamais
disparus.

Il s’était promis de lui annoncer la nouvelle de son départ
la veille, mais Maggie lui avait demandé de l’aider à acheter
l’arbre traditionnel. Après ce qu’elle avait fait pour lui, il ne pouvait
pas lui refuser ce service sans l’offenser. Il l’attendit donc dans
le salon, et quand elle descendit de sa chambre, souriante, ils
partirent tous les deux à la recherche du plus beau des sapins.

Ils passèrent deux heures dans une pépinière et trouvèrent
enfin celui dont Maggie rêvait. Une fois rentrés à la maison,
ils se mirent à déballer les cartons de décoration que Maggie
avait cherché dans le grenier. Mulder lui offrit son aide, malgré
la nostalgie que ces gestes oubliés lui amenait.

Après trois heures d’effort et de rires, l’arbre au milieu du
salon s’illumina et Maggie se tourna vers Mulder et l’embrassa
chaleureusement, avant de découvrir dans son visage était
baigné de larmes et que sa poitrine se soulevait difficilement
aux rythmes de sanglots qu’il peinait à retenir.

Étonnée de le voir aussi bouleversé, elle l’entraîna sur
le canapé du salon où ils s’assirent tous les deux. Mulder
s’essuya les yeux du revers de sa manche et sourit à
travers ses larmes. Maggie posa sa main sur son épaule.
En dix jours, elle avait appris à cerner cet homme enfant
complexe et sensible, si drôle parfois et pourtant si
grave, et l’amour maternelle qu’elle éprouvait pour lui
n’avait fait que grandir.

Il essaya de cacher son désarroi, mais ses yeux brillants
ne pouvaient pas dissimuler la tristesse qu’il éprouvait.

“Fox ? Ca va mieux ?”

“ Désolé, Maggie, c’est une réaction stupide. “ Il détestait
se sentir ainsi exposé, vulnérable, même s’il était conscient
et quelque peu rassuré que Maggie ne chercherait jamais
à exploiter cette faiblesse.

“Il y si longtemps que je n’avais pas fait ça.”

“Décorer un sapin de Noël ?”

“Oui. Nous avons cessé de fêter Noël après la
disparition de Samantha.” Il soupira, avant
de continuer d’une voix triste. “La première
année, j’étais encore à l’hôpital, je ne m’en suis
pas rendu compte. Mais l’année suivante...” De nouveaux
sanglots l’étouffèrent. “ quand j’ai réalisé que mes
parents n’avaient rien prévu...” Les larmes coulèrent
de nouveau sur ses joues.

“Oh Fox.. Je suis désolée... Je ne savais pas...”

“Nous n’avez rien fait de mal, Maggie. Simplement vous
comprenez pourquoi je n’insistais pas pour rester
avec vous jusqu’aux fêtes. Cela a toujours été une
période difficile pour moi. Je ne suis jamais de
très bonne compagnie...”

“Je ne vous oblige en rien, Fox. Mais mais cela me
ferait mal au coeur de vous savoir seul pour Noël.Restez avec nous. Nous serons en toute intimité. Vous, Dana et moi. Rien que nous trois. Bill est en mer et Tara
déteste voyager seule avec les enfants. Quant à Charlie...”

Le visage de Maggie se teinta d’une tristesse soudaine.

Mulder réfléchit quelques secondes et lui prit les mains,
affectueusement.

“Je serai là, Maggie. Comptez sur moi. Et prévoyez une
énorme dinde.. J’adore ça.”

Ils se mirent à rire et se levèrent pour ranger toutes
les boites qui traînaient par terre.

**********
Dana arriva de Washington vers seize heures et
son visage s’éclaira de joie quand elle vit Mulder
et sa mère s’affairer dans la cuisine pour mettre
la touche finale au dîner qu’ils avaient concocté
pour le soir. Elle les embrassa chaleureusement
et se délecta de le voir aussi complices et aussi
joyeux. Elle n’avait jamais vu Mulder si détendu
et intérieurement elle remercia sa mère d’avoir
su le retenir pour les fêtes. Depuis qu’elle
le connaissait, elle détestait le savoir seul
pour Noël et malgré son insistance, elle n’avait
jamais réussi à lui faire accepter une invitation.

Et il était là, à nouveau rayonnant de santé,
encore un peu trop mince mais séduisant en diable,
avec au fond des yeux une joie de vivre qui
faisait plaisir à voir. En le regardant plaisanter
avec sa mère, insolemment attirant, une pensée
fugitive l’envahit et la troubla. Elle l’aimait. Elle
avait été aveugle et sourde à ses sentiments depuis
trop longtemps. Les dix jours passés sans lui avaient
été les plus longs de son existence, même s’il ne
s’était pas écoulé un seul jour sans qu’ils ne
s’appellent.

Elle savait que son amour était
réciproque. Il lui avait déclaré un jour,
délirant de fièvre, dans un lit d’hôpital
après sa folle expédition dans le triangle
des Bermudes. Elle, trop émue, trop surprise,
l’avait tourné gentiment en dérision. Puis il
y avait eu cette nuit de Noël délirante dans
cette maison hantée. Le soir quand elle
l’avait rejoint dans son appartement, ils
s’étaient échangés des cadeaux pour la
première fois. Elle avait lu pour la première fois
une passion qui lui avait presque fait peur. Peur
d’être consommée par son amour exclusif, par
son intensité.

Il y avait eu enfin ce soir du
millénium où il l’avait embrassé, timidement,
presque en s’excusant ; elle chérissait ce moment
plus que tout, mais n’avait jamais tenté d’aller
plus loin. Une peur insurmontable s’était emparée
d’elle. C’était la première fois qu’elle était amoureuse
d’un homme qui la traitait en égal, elle qui n’avait
jamais rencontré que des hommes qui tentaient
de la dominer. Elle avait eu peur de briser
la fabuleuse amitié qui les unissait.

Elle fut interrompue dans sa rêverie par les
regards insistants des deux êtres qu’elle chérissait
plus que tout au monde. Confuse, elle leur sourit
et s’affaira avec eux pour préparer la table
de Noël. Ils passèrent à table après s’être changés,
et Scully ne put s’empécher d’admirer l’élégance
naturelle de Mulder, tout de noir vêtu, et elle
lut dans ses yeux qu’il appréciait tout autant la
robe de soie prune qu’elle portait, mettant en valeur
son teint pâle. Elle avait relevé ses cheveux en un chignon
souple, et Mulder la dévora des yeux tout le long du
dîner. Maggie les observait d’un oeil amusé, leur
passion transpirant dans chaque regard, chaque geste.
Elle comprenait mal comment ces deux là ne pouvaient
pas s’avouer leurs sentiments.

La soirée se passa, chaleureuse et douce ; ils échangèrent
leurs cadeaux à minuit, devant un feu de cheminée. Le visage
de Scully s’empourpra de plaisir quand elle découvrit
le bijou que Mulder avait choisi pour elle, une rivière
d’améthyste qui s’harmonisait parfaitement avec le ton
chaud de ses cheveux. Un frisson la parcourut quand il
lui passa le collier autour du cou, en lui murmurant à l’oreille
de sa voix suave un compliment qui la fit rougir de plus belle.
Il ne put s’empécher de lui déposer un tendre baiser dans
le creux de la nuque avant de la serrer contre elle en une
tendre étreinte. Elle savoura le contact de son corps
contre le sien et quand elle plongea son regard dans le
sien, elle lut dans ses yeux aux reflets changeants qu’il
était prêt à l’embrasser. Avant qu’il ne puisse accomplir
son geste, paniquée cette idée, elle enserra ses joues
de ses mains et lui déposa longuement un tendre baiser sur le front.
Quand elle eut accompli son geste, elle lut dans ses yeux
une lueur de tristesse qui lui serra le coeur. Mais elle
ne pouvait pas le laisser faire, pas devant sa mère,
pas avant qu’ils aient pu discuter de leurs sentiments
respectifs.

*********

Maggie se réveilla avec l’impression de n’avoir pas
dormi assez. Elle regarda l’heure à son réveil et se
frotta les yeux quand elle lut des chiffres. Il était
trois heures du matin. Elle connaissait par coeur les
bruits de sa maison et elle était sûre d’avoir entendu
du bruit. Elle enfila sa robe de chambre et descendit
doucement les escaliers qui menaient au salon. Les guirlandes
du sapin de Noël éclairaient la pièce et elle distingua
Fox, assis sur le canapé, les yeux dans le vague. Il
se tourna vers elle doucement.

“ Maggie... Je suis désolé, j’ai essayé de ne pas faire
de bruit... Je vous ai réveillé...”

Elle s’assit près de lui, encore un peu endormi, mais
intriguée. Il portait un pantalon de pyjama en flanelle
et un tee shirt blanc, son visage reflétant une tristesse
qu’elle se rappelait lui avoir vu pendant les pires
moments de la disparition de Dana, plusieurs années
auparavant. Elle distingua sur ses joues des traces de
larmes.

“ Vous n’arrivez pas à dormir, Fox ? “

Il ne lui répondit pas tout de suite et détourna son
regard d’elle, les yeux brillants.

“ Non... Je n’arrive pas à trouver le sommeil.”

Il soupira profondément et le coeur de Maggie se serra
en le voyant si triste.

“ Vous avez quelque chose sur le coeur, Fox. Je le sais.
Vous pouvez m’en parler, vous savez.”

Il soupira à nouveau, des larmes se formèrent au coin
de ses paupières et un sanglot, un seul, le secoua l’espace
d’un instant.

Elle le serra dans ses bras et il se laissa aller contre elle,
pleurant maintenant à chaudes larmes. “Oh Fox...”

A travers ses sanglots, il réussit à parler, la voix brisée par
l’émotion qui le submergeait. “C’est trop dur, Maggie... Mais
j’avais tellement espéré... ce soir... quand je lui ai offert
ce bijou...”

Maggie se remémora l’instant où sa fille l’avait tendrement
embrassé sur le front, et la tristesse qu’elle avait pu lire
dans les yeux de Fox.

Mulder recommença à parler, les mots se bousculant dans
sa bouche entre deux sanglots. “Je l’aime tellement, Maggie.
Je pensais que... je pensais qu’elle m’aimait aussi...”

“Elle vous aime, Fox, elle vous aime...”

“Comme un frère oui... Comme un ami fidèle... Mais je
ne suis que cela pour elle...”

“Vous lui avez avoué vos sentiments ?”

Il se dégagea presque brusquement de son étreinte,
et elle lut presque de la colère dans ses yeux.

“Bien sûr que oui ! Elle a quitté la pièce en pensant
que je délirais ! Je n’ai jamais réussi à lui ouvrir
mon coeur une nouvelle fois. Ca m’a fait trop souffrir...
Mais je lui ai exprimé mon amour des dizaines de fois...
Je suis allé au bout du monde pour la retrouver... Je
ferai n’importe quoi pour elle... Pour qu’elle m’aime...”

Maggie posa une main apaisante sur son épaule. “Il est
peut être temps que vous le lui disiez une nouvelle fois...”

“Et être rejeté une fois encore ?”. Il essuya rageusement
les larmes qui trahissaient son émotion. “Non, pas question.
Je suis peut être dingue, mais pas maso. J’ai ma fierté.”

“Dites le lui, Fox. Je suis certaine de ses sentiments
pour vous. C’est simplement qu’elle est... terriblement
indépendante, et qu’elle a peur, tout comme vous,
de briser votre amitié. Mais elle vous répondra sincèrement.”

“Je me sens si seul quelquefois... J’ai l’impression de passer
à côté de ma vie... Elle pense que je ne suis attaché qu’au
boulot, qu’à ma quête de la vérité, mais elle a tort. J’aspire
à autre chose... J’aspire au bonheur, comme n’importe quel
être humain...”

“Venez là, Fox.” Elle l’attira contre elle et le berça
tendrement, comme une mère.

En haut des escaliers menant aux chambres, Scully,
assise sur la dernière marche, pleurait à chaudes larmes.

*********
Il avait passé la nuit éveillé, se remémorant toutes
les paroles prononcées la veille. Au petit matin,
épuisé, il était descendu silencieusement dans la
cuisine pour se préparer une tasse de café. La
maison était endormie, on n’entendait que le
bruit des oiseaux dans le jardin. Frissonnant,
les yeux dans le vague, il but à petites gorgées
le breuvage brûlant. Il se sentait honteux de
s’être dévoilé, vulnérable, devant cette femme
qu’il aimait presque comme sa propre mère, peut
être plus encore. Il se frotta les yeux, et
s’apprêtait à remonter dans sa chambre pour
s’habiller quand on frappa doucement à la porte.
Étonné, il ouvrit la porte pour se retrouver nez à nez
avec l’homme qui le détestait peut être plus que
tout au monde.

“Mulder. Qu’est-ce que vous foutez là ?”

Mulder grimaça en entendant le ton agressif
du frère aîné de Scully. Il recula instinctivement
d’un pas, impressionné malgré lui par son
imposante silhouette.

“Euh... Bonjour Bill. Je vous croyais en
mer.”

“Et vous en avez profité pour vous installer
ici, d’après ce que je vois.”

Mulder se souvint pour la première fois
qu’il était en pantalon de pyjama et
en tee-shirt, pieds nus. Le feu lui monta
aux joues.

“Je vais aller prévenir Magg.. votre
mère que vous êtes arrivé.”

“Ne prenez pas cette peine, Mulder. Je
vais le faire. Et je vous conseille de préparer
vos valises. Je n’ai pas l’intention de partager
un repas de Noël avec vous.”

Les mots venimeux de Bill lui firent l’effet
d’un coup de poignard. Il prit conscience
avec déchirement qu’il n’aurait jamais sa
place dans cette famille.

Plus triste qu’en colère, il monta à pas
pesants l’escalier pendant que Bill le suivait
des yeux, lui délivrant le coup final.

“Je vais même vous appeler un taxi. Vous avez
dix minutes pour préparer.”

Mulder serra les dents, écoeuré par l’animosité
de l’homme qui se tenait derrière lui, sentant
son sourire victorieux. Il rassembla ses affaires,
les jetant rageusement dans son sac de voyage et
redescendit l’escalier, son sac en bandoulière.
Bill était dans le salon, un sourire triomphant aux
lèvres.

“Votre taxi sera là dans quelques minutes.

***********

Mulder ouvrit la porte de son appartement d’un geste
las. Une odeur de renfermé lui sauta à la gorge. La
lumière crue de décembre s’infiltrait dans le salon
à travers les vitres sales. Il déposa son sac de voyage
sur le sol poussiéreux. Fatigué, démoralisé, il se laissa
tomber sur le canapé. Des éclats de voix joyeux lui
parvenaient à travers les murs. Autour de lui, on
fêtait Noël. Lui n’avait sa place nulle part. La solitude
qu’il ressentait l’oppressa soudain et il se coucha sur
le côté, se recroquevillant sur lui même pour tenter de chasser
un irrésistible besoin de pleurer. L’air autour de lui
était glacé, l’appartement n’ayant pas été chauffé depuis
longtemps. Frissonnant, il se blottit dans son manteau,
incapable de réagir. Ses cicatrices étaient douloureuses,
mais plus encore son coeur était déchiré par l’intense
sentiment de rejet.

Il resta ainsi une bonne partie de la journée, ignorant avec
indifférence les sonneries répétées du téléphone, et c’est
seulement quand la lumière commença à décroître qu’il
se leva, le corps engourdi d’être resté dans la même
position si longtemps. Abattu, il mit en marche la télévision,
pour sentir une présence, et commença à ranger ses affaires
dans son armoire de chambre.

Le téléphone sonna une fois de plus, et il résista à
l’envie de répondre. Il voulait prendre du recul, et
lécher ses plaies en privé. Son ego en avait pris un
sacré coup et il ne se sentait pas assez solide pour
affronter la compassion de Scully ou la sollicitude
de Maggie.

Une fois de plus, il était seul pour Noël ; après tout,
c’était une situation qu’il connaissait bien. Dans quelques
jours, il retournerait travailler et tout ça ne serait plus
qu’un mauvais souvenir de plus.

La soirée s’avançant, il se commanda une pizza par
téléphone, * une pizza pour Noël, Mulder. Tu as
vraiment toucher le fond, mon vieux*, et se plongea
dans un vieux magazine en l’attendant. Quelques minutes
plus tard, on frappa à la porte. *les livreurs ne sont pas
débordés aujourd’hui, forcément*. Il se dirigea vers la
porte et l’ouvrit sans même vérifier l’identité du visiteur.

Interloqué, il se retrouva face à face avec l’homme qui
l’avait humilié ce matin même, l’air contrit.

“Mulder... Euh...”

“Je vous retourne la question que vous m’avez posé ce
matin. Qu’est-ce que vous faites là ? Vous avez oublié
de me botter le cul ? Ou prenez-vous un malin plaisir
à m’humilier ?”

“Non, non... Mulder. Est-ce que je peux rentrer ?”

Mulder fronça les sourcils, et sans un regard pour Bill le
laissa pénétrer dans l’entrée, puis dans le salon plongé
dans la pénombre. Il s’assit dans le canapé d’un geste
las, drainé de toute énergie. La colère qu’il avait ressenti
en le voyant apparaître à sa porte était tombée et il
ne portait à présent en lui qu’une immense amertume.

Bill regarda autour de lui, l’air gêné. Contrastant
de façon détonante avec l’ambiance chaleureuse
de la maison qu’il avait quitté quelques heures
auparavant, l’appartement de Mulder était triste, sombre
et glacial, remarqua t’il en réprimant un frisson. Il se
gratta la gorge un instant avant de prendre la parole.

“Mulder, je suis là pour vous présenter des excuses. Ma
conduite ce matin a été tout à fait... grossière. Dana et
maman m’ont expliqué pourquoi vous étiez là et je me
suis senti... enfin... euh...”

“Stupide ?”

Bill grimaça en entendant le mot que sa mère avait
prononcé ce matin même quand elle avait pris qu’il
avait mis son invité dehors. Elle était entrée dans
une telle colère qu’il n’avait pas eu d’autre solution
que de promettre de s’excuser auprès de l’homme qu’il
avait offensé. Dana quant à elle lui lui avait signifié
son indignation par des mots très durs.

“Et vous ne répondiez pas au téléphone... donc
je suis venu.”

Devant l’air presque penaud de Bill, Mulder esquissa
un petit sourire.

“J’imagine combien ça du être difficile pour vous, Bill.
Je ne vous en veux pas. Je serais parti demain quoi qu’il
arrive. Je comprends très bien votre réaction. Je sais que
vous avez des griefs contre moi, et que ces reproches sont
amplement justifiés. Nous ne serons jamais les meilleurs amis
du monde, je le conçois.”

“Bien. Maintenant que nous avons crevé l’abcès, vous ne
m’offririez pas une bière, par hasard ?”

***********

Et ils s’étaient retrouvés au pub le plus proche, alignant
bière après bière, puis l’alcool aidant ils avaient fêté
Noël devant quelques verres de whiskies. Au bout du
troisième, Mulder avait commencé à pâlir, pour se retrouver
quelques minutes plus tard vomissant ses tripes dans les
toilettes, gémissant de douleur. Bill avait paniqué en voyant
Mulder s’effondrer inconscient sur le carrelage, un filet de sang
à la commissure de ses lèvres. Brusquement dégrisé, il avait
appelé à l’aide d’une voix paniquée.

**********

“Dana, je suis désolé... Je ne savais pas...”

“Tu n’es qu’un abruti, Bill. Je t’ai expliqué ce matin que
*cet* homme, celui là même que tu as poussé à boire, se
remettait seulement de graves blessures, qu’il était encore
sous traitement antibiotique et anti-douleur, et tu n’as rien
trouvé de mieux que de l’emmener boire dans un pub ! Tu
es désespérant.”

“Eh, petite soeur, il savait ce qu’il faisait ! Merde, ce n’est
pas un gamin quand même !”

Dana sourit un peu tristement en regardant son partenaire une
fois encore allongé sur un lit d’hôpital, le visage plus pâle encore que
les draps, les paupières cernées d’ombres grises. Elle caressa
avec tendresse les doigts de Mulder, attentive à ne pas
toucher l’intraveineuse qui avait été insérée sur le dos de sa main.

“Quelquefois il agit comme tel, Bill. Il devait être si heureux
que tu l’invites à boire un verre qu’il n’a pas su refuser.”

Bill prit une mine boudeuse.

“Dans ce cas, ne me blâme pas, Dana. Je n’ai rien fait de mal
cette fois.”

“Pardonne moi, Bill. Mais cette journée a été difficile pour nous
tous. J’ai réagi sous le coup de la colère, rien de plus. Quand tu
as appelé pour dire ce qui était arrivé, j’étais folle d’inquiétude.”

Bill ouvrit les bras et invita sa soeur à se blottir contre lui, ce
qu’elle fit avec tendresse. Il lui murmura doucement à l’oreille.

“Quand vas-tu enfin t’admettre que tu l’aimes, Dan ? * oups,
c’est bien moi qui dis ça ??? * Tu réagis comme une femme
amoureuse, pas seulement comme une partenaire concernée
par sa santé. Et lui crève d’amour pour toi, je l’ai bien compris
quand nous avons commencé à discuter au pub, après quelques
bières. Quand allez-vous enfin ouvrir les yeux ?”

Mulder choisit ce moment précis pour se réveiller. Il émit
un gémissement sourd qui fit précipiter Scully à ses côtés.

“Scully... je me sens... horriblement mal...”

Elle caressa sa joue tendrement. “En vomissant, tu
as simplement déplacé quelques agrafes, ce qui a provoqué
un saignement, Mulder. Et alcool et médicaments font
rarement bon ménage.”

“Je suis désolé, Scully.”

Le regard qu’ils s’échangèrent et dont Bill ne perdit rien,
valait toutes les paroles : l’amour, dans sa plus belle expression,
se lisait dans les yeux gris vert de Mulder et ceux azur de sa soeur.

Il s’éclipsa à pas feutrés, espérant sincèrement que ces deux là
allaient enfin s’avouer leurs sentiments respectifs. Il ne pouvait
pas imaginer qu’aussitôt la porte refermée, leurs lèvres s’étaient
enfin rejointes, scellant une histoire d’amour qui avait commencée
plusieurs années auparavant.

FIN