Homeless

Titre : Homeless
Auteur : Valérie
Email : valeriec2@wanadoo.fr
Spoiler : Requiem
Catégorie : MSR, MulderAngst, ScullyAngst.
Disclaimer : Les personnages crées par Chris Carter n’appartiennent qu’à lui seul et à la Fox. Je n’écris que pour mon plaisir, et le votre.
Résumé : Trois ans après l’enlèvement de Mulder, Scully trouve une information qui la met sur la piste de Mulder.

HOMELESS

Dana Scully poussa la porte de son immeuble d’un geste las. Sa journée avait été fatigante et elle n’avait qu’une envie, se plonger dans un bain chaud, enfiler des vêtements confortables et se mettre au lit avec un bon livre.

Elle prit son courrier machinalement et se dirigea vers la porte de son appartement, fouilla dans son sac pour récupérer ses clés et se retrouva chez elle.

Elle posa les enveloppes sur la table du salon et écouta d’un air distrait les messages laissés sur son répondeur : sa mère qui prenait des nouvelles d’elle tous les jours, une amie qui lui proposait une soirée ciné, un message commercial qu’elle ignora. Rien de bien excitant.

Elle fit couler son bain et se glissa dans la baignoire, savourant le plaisir simple, écoutant d’une oreille rêveuse la musique qui lui parvenait du salon. Son corps fatigué était lourd, les journées qu’elle passait à Quantico l’épuisaient, mais elle aimait faire partager son savoir aux étudiants avides et passionnés qu’elle côtoyait maintenant depuis deux ans.

Elle resta un moment dans l’eau chaude et parfumée, puis se rinça et enfila un sweat shirt confortable et un pantalon ample. Elle avala rapidement un repas léger dans la cuisine et ouvrit le courrier qui l’attendait.

Des factures... et son quotidien qu’elle ouvrit machinalement. En voyant la photo sur la première page, sa surprise fut si grande qu’elle le fit tomber à terre. Retenant un cri, elle se baissa et ses yeux se troublèrent l’espace d’un instant. Ce n’était pas possible... Devant elle, sur les photos en noir et blanc, s’étalait le visage de l’homme dont elle rêvait toutes les nuits depuis trois ans. Ses yeux se remplirent de larmes, sa main se posa sur sa bouche, et elle laissa échapper un sanglot incontrôlable.

Agenouillée, elle prit le journal entre ses mains, et ses doigts glissèrent sur le papier, et elle traça les contours du visage aimé. Des myriades de souvenirs lui revinrent à l’esprit l’espace d’un instant et ses larmes coulèrent sur le papier.

La photo était sombre, mais c’était bien lui, le visage anguleux, les joues creuses, les yeux ténébreux et mélancoliques, les cheveux longs, plus longs qu’il ne les avait jamais portés.

Elle détacha ses yeux un instant de ce fantôme du passé et ils se posèrent sur l’article de presse qui accompagnait la photo. C’était un reportage sur les sans abris d’un quartier populaire de la ville. Sa mémoire chercha vaguement l’emplacement de cet endroit et sans hésitation, elle prit le journal, enfila des baskets et un blouson de sport et sortit de son appartement.

*****************

Le trajet jusqu’à la 52ème rue n’était pas long, mais il lui suffit pour se remémorer les trois dernières années de sa vie...

... Le désespoir qui l’avait englouti après avoir appris la disparition de Mulder dans une forêt de l’Oregon, la joie immense qui avait suivie l’annonce de sa grossesse, la dépression après avoir perdu son bébé à dix semaines de grossesse, sa quête éperdue pour retrouver l’homme qu’elle aimait, le soutien de Skinner et des Lone Gunmen. Un an après sa disparition, elle avait renoncé, désespérée, quitté le service des XFiles, et avait demandé sa mutation à Quantico en tant que cadre enseignant. Son travail était la seule chose qui la maintenait en vie.

Arrivée à destination, elle se gara à la hâte sur le boulevard et sortit de la voiture. Le quartier était populaire, et les rues aux alentours sombres et sinistres. Elle marcha le long des boutiques déjà décorées pour Noël, dévisageant chaque homme grand et mince, s’arrêtant souvent pour montrer la photo aux vendeurs de rues, espérant chaque fois que quelqu’un puisse la renseigner, et son coeur se brisant à chaque dénégation.

Au bout de deux heures de recherche infructueuse, elle finit par retourner à sa voiture, accablée. Son regard se tourna alors vers les rues perpendiculaires au boulevard, et suivant son intuition, elle s’enfila dans la pénombre.

De nombreux sans-abris avaient pris possession du quartier, et elle s’approcha d’un pas décidé vers l’un d’eux.

Une odeur âcre l’assaillit lorsque elle s’approcha de lui.

- Je peux vous aider, petite madame ?

- Peut être. Connaissez vous cet homme ?

Des mains crasseuses se posèrent sur l’article et les yeux aux paupières plissées observèrent avec attention le document.

- Non, petite madame. Désolé. Mais vous pouvez aller voir Decker. Il connait tout le monde dans le coin.

L’homme lui indiqua une ruelle glauque un peu plus loin et replongea dans sa stupeur alcoolique. Scully se dirigea vers l’endroit indiqué. Plusieurs hommes étaient affalés sur des cartons sales, buvant de la bière et s’esclaffant en la voyant arriver vers eux.

- Et la bourgeoise ! Tu t’es perdue dans le quartier ?

- Je chercher Decker.

Un homme grand, vêtu de guenilles, se leva en titubant et s’approcha d’elle. Elle recula d’un pas, son haleine suffisant à l’intoxiquer.

- Je suis Decker. Je peux vous aider ?

- Je cherche cet homme.

Il scruta la photo et la dévisagea.

- Vous êtes flic ?

- Non.

- Il a fait quelque chose de mal ?

- Non... Il a disparu depuis trois ans. Je cherche à le retrouver.

- Vous êtes sa femme ?

- Non... C’est un ami... Un ami très proche. Je vous en prie, le connaissez vous ?

- Il est arrivé dans le coin il y a quelques mois.

Le coeur de Scully se mit à battre très fort dans sa poitrine.

- Où est-il ? Je vous en prie. Il faut que je le vois.

- C’est un solitaire, et je crois qu’il est un peu dérangé. Il reste des heures assis par terre... Il ne parle presque pas.

- Où est-il ? S’il vous plait...

- Vous le trouverez deux rues plus loin, sur la gauche.

Scully ferma les yeux et prit une grande inspiration.

- Merci, Decker. Merci.

- Vous n’auriez pas un p’tit billet, M’dame ?

Elle sortit un billet de dix dollars et le glissa dans la main calleuse.

*******************

La rue que Decker lui avait indiqué était sombre et malodorante, jonchée de poubelles et de débris de toute sorte. Scully scruta l’obscurité avidement et finit par découvrir, dans un coin sombre et humide, celui qu’elle cherchait désespérément. Elle se glissa entre les poubelles et le discerna dans la pénombre. Il paraissait dormir, allongé sur un carton, une main sur le visage. Elle observa son corps trop maigre, ses mains maculées de traces noires, aux ongles rongés, ses vêtements sales et usés. Des mèches de cheveux crasseux lui tombaient sur le visage.

D’un geste timide, elle prit la main posée sur les yeux, et découvrit doucement son visage.

- Mon Dieu, Mulder... Sa voix n’était qu’un murmure, mais cela suffit à le réveiller. Il ouvrit les yeux et posa un regard apeuré sur l’inconnue agenouillée près de lui.

La gorge de Scully était si serrée que sa voix était étranglée par l’émotion.

- Mulder ? C’est toi ?

Il ne lui répondit pas, mais se leva, manifestement terrorisé, les yeux remplis de frayeur. Il se recula contre le mur et la dévisagea.

- Mulder...

Elle fit un pas dans sa direction, les mains tendues en signe d’apaisement.

- Ne crains rien...

- Qui êtes-vous ?

C’était sa voix, même si elle était plus rauque que dans son souvenir. C’était son visage, même différent, avec des rides nouvelles, une cicatrice sur le front qu’elle ne lui connaissait pas. Mon Dieu c’était bien lui.

- Dana Scully. Tu ne te souviens pas ?

Ses yeux tragiques la fixèrent intensément, mais la frayeur semblait se dissiper peu à peu.

- Je ne vous connais pas.

Elle ferma les paupières, ses yeux se remplirent de larmes, mais elle se reprit rapidement.

- Tu as disparu il y a trois ans. Je t’ai cherché pendant des mois...

Il fronça les sourcils, cherchant dans sa mémoire troublée un souvenir, un visage. Mais il secoua la tête.

- Non... Je ne vous connais pas.

- Comment t’appelles tu ?

La question le prit par surprise. Personne depuis qu’il avait trouvé refuge ici ne lui avait jamais demandé son nom.

- Sam ?

C’était plus une question qu’une affirmation.

- Non... Tu t’appelles Fox Mulder. Tu étais un agent du FBI. Tu as disparu dans une forêt de l’Orégon il y a trois ans. Oh mon Dieu, qu’est-ce qu’ils t’ont fait, Mulder ?

- Non, je m’appelle Sam. Je ne sais pas qui vous êtes... Laissez moi en paix. Ne me faites pas de mal...

- Je ne te ferai jamais de mal, Mulder. Laisse moi simplement t’aider. Je t’en prie, Mulder... Tu m’as tellement manqué.

Il voulait croire en elle, mais rien ne lui revenait, il ne se souvenait pas d’elle. Il ne souvenait de rien, il était un homme sans passé, sans identité.

- Viens avec moi. Je vais te conduire chez moi, tu pourras prendre un bain chaud...

- Non...

Il était terrorisé à nouveau, il avait peur de la suivre, qu’elle découvre l’homme misérable qu’il était. Il avait peur de décevoir cette femme qui avait l’air de tant attendre de lui.

Scully soupira. Elle ne pouvait rien faire de plus que d’essayer de le persuader, elle ne pouvait pas l’emmener de force chez elle. A part la ressemblance physique évidente, rien ne lui prouvait qu’elle avait bien Mulder devant elle. Elle avait peur de l’effrayer plus qu’il ne paraissait l’être déjà. Elle se résigna.

- Très bien. Je te laisse.

Elle lui tendit une carte de visite qu’elle sortit hâtivement de son portefeuille, ainsi qu’un billet de vingt dollars.

- Voici mon numéro de téléphone, et un peu d’argent. Je n’ai que cela.

Il accepta avec hésitation ce qu’elle lui donna et murmura un remerciement timide.

- Merci.

- Je peux revenir demain ?

Sans la regarder, il lui répondit oui. Après tout, elle lui avait donné de l’argent.

*********************

Elle rentra chez elle, le coeur lourd, attristée de l’avoir laissé dans la nuit froide, incapable de chasser de ses pensées son visage tant aimé, tant désiré, tant espéré. Les derniers mois passés avec Mulder lui revinrent avec une acuité déchirante, ces jours heureux et ces nuits passionnées, son sourire, autrefois si rare, qui illuminait ses traits lorsque ils étaient en tête à tête. Il lui avait terriblement manqué.

Et il était là maintenant, mais ce n’était plus vraiment lui. Il ne se souvenait pas d’elle ni de leur histoire. Elle se mit à maudire les responsables, quels qu’ils soient. Ils avaient réussi à briser cet homme fier et indomptable à l’esprit prodigieux qu’il était devenu malgré les blessures profondes de son âme.

Demain, elle pourrait peut être le persuader de venir chez elle. Elle se coucha, et essaya de s’endormir.

*******************

La sonnerie du téléphone la réveilla en sursaut. D’un geste automatique, elle attrapa le combiné et répondit.

- Dana Scully.

- Mademoiselle, c’est Decker. On s’est vu tout à l’heure dans la rue. L’homme que vous cherchiez... Il m’a demandé de vous appeler.

Le coeur de Scully se mit à battre à cent à l’heure.

- Que se passe t’il ?

- Il a été emmené à l’hôpital il y a quelques minutes. Il s’est fait agressé.

...Non, se dit t’elle... Pas alors que je viens juste de le retrouver...

- Quel hôpital ?

- Georgetown. Il m’a donné votre carte avant d’être pris en charge par les secouristes.

- Merci Decker.

Elle se leva instantanément, se rhabilla hâtivement et fonça à sa voiture.

*********************

C’était une nuit agitée aux Urgences de l’hôpital de Georgetown. La salle d’attente était surchargée de malades et de blessées, les infirmières se pressaient de salle en salle, l’air préoccupé. Scully essaya d’obtenir des renseignements, sans succès. Agacée, inquiète, elle finit par parcourir les couloirs en quête de Mulder. Son coeur s’arrêta lorsque elle le vit enfin, allongé sur un brancard le long d’un mur, le visage ensanglanté. Ses yeux s’éclairèrent lorsque il la vit s’approcher de lui.

- Vous êtes venue...

- Decker m’a appelé. Mon dieu, que s’est t’il passé ?

- Une bande de voyous m’a pris pour cible. Ils étaient cinq ou six et se sont acharnés sur moi. Ils m’ont pris vos vingt dollars.

- Pourquoi m’avoir fait appelé ? Je veux dire... vous... tu...

Il esquissa un sourire devant son hésitation.

- Tu, c’est bien. J’ai pensé que vous pourriez m’aider. Je n’ai pas l’habitude d’avoir un ange gardien.

Il lui sourit faiblement et fit une grimace quand ses lèvres tuméfiées se réouvrirent, laissant échapper un filet de sang.

Scully prit un mouchoir en papier dans sa poche et très doucement le pressa contre ses lèvres blessées.

- Tu as été examiné par un médecin ?

- Non... Ils m’ont juste mis là sur ce brancard en attendant. Ils ont l’air particulièrement occupé.

- Laisse moi regarder.

Devant son air perplexe, elle ajouta :

- Je suis médecin. Je peux t’examiner.

Scully lut une sorte de honte sur son visage.

- Je ne suis pas très présentable.

- Je travaille sur des morts. Les odeurs ne me font pas peur.

Il laissa échapper un petit rire nerveux, et précautionneusement ôta ses vêtements sales. Sa poitrine était marbrée par des hématomes. Il laissa échapper un grognement de douleur quand Scully palpa délicatement ses côtes saillantes.

- Je pense que tu as au moins deux ou trois côtes cassées. Il faut qu’on te radiographie pour en être sûr et s’assurer qu’il n’y a pas de lésion pleurale. Tu souffres ailleurs ?

Il allait répondre quand une infirmière s’approcha d’eux, l’air courroucé. Elle s’adressa directement à Scully.

- Je peux savoir ce que vous faites ?

- J’allais vous poser la même question. Cet homme a besoin de soins et personne ne s’occupe de lui.

- Nous avons eu beaucoup de blessés cette nuit et...

- Cet homme est blessé. Je veux qu’il soit examiné immédiatement et que des radios soient faites ; il souffre peut être de lésions internes.

- Je peux savoir qui vous êtes ?

- Agent Spécial Dana Scully, FBI.

L’infirmière lui prit le bras et l’entraîna un peu plus loin.

- Cet homme est un sans abri. Dans cette population, les rixes sont courantes et souvent sans gravité...

- Cet homme est agent du FBI, mademoiselle. Il est actuellement en mission et j’exige que des soins lui soient apporté le plus rapidement possible. Est-ce que c’est clair ?

- Très clair, Madame. Je vais faire en sorte qu’il soit traité au plus vite. Avec nos excuses, Madame.

L’infirmière lui sourit de façon contrite et s’éloigna.

Scully retourna près de Mulder. Il avait observé l’échange d’un air surpris.

- Vous aviez l’air... terrifiante. La pauvre femme...

- La pauvre femme va faire ce qu’il faut pour te soigner. Tu as mal ?

- Seulement quand je respire...

**************

Deux heures plus tard, ils étaient dehors, Scully portant un sac de médicaments d’une main et soutenant Mulder de l’autre. Elle l’aida à monter dans la voiture et il grimaça de douleur en s’installant sur le siège. Sa poitrine le faisait souffrir, malgré les calmants, et il avait soudain très envie de dormir. Les examens n’avaient pas révélé de lésions internes, mais il souffrait d’une contusion et de plusieurs fractures de côtes. Frissonnant, il se laissa aller contre l’appui tête.

- Ne t’endors pas, Mulder. Tu as entendu le médecin. Il faut que tu restes éveillé au moins pendant huit heures. J’habite à vingt minutes d’ici.

Le reste du trajet se fit en silence, Scully le surveillant d’un coin de l’oeil de temps à autre pour vérifier qu’il était toujours avec elle. Elle se gara devant chez elle et l’aida à descendre de la voiture. Alors qu’il s’appuyait sur elle pour monter les escaliers, elle se rendit compte pour la première fois de sa perte de poids, et des larmes montèrent à ses yeux. Elle se reprit rapidement et chassa les pensées sombres qui envahissaient son esprit. Il est là. Il est sauf. Il est vivant.

Ils pénétrèrent dans l’appartement sombre et il resta là dans l’entrée, ne sachant pas très bien quoi faire. Elle se retourna vers lui en souriant.

- Ma proposition tient toujours.

La stupeur se lut sur son visage fatigué.

- Votre proposition ?

Son esprit était embrumé par les calmants et entre la douleur et l’épuisement de ces dernières heures, il avait un peu de mal à mettre de l’ordre dans ses pensées.

- Le bain chaud. La salle de bains est par ici.

Ses joues se mirent à rougir et il se rendit compte de l’odeur que son corps dégageait. C’était proprement insupportable. Il suivit la jeune femme jusqu’à la salle de bains et la remercia d’un sourire gêné.

- Les serviettes sont là et tu trouveras du shampooing et du gel douche sur le bord de la baignoire.

Elle ouvrit un placard, sortit une brosse à dent neuve et lui tendit.

- Je suis à côté si tu as besoin de quelque chose.

Il ferma la porte derrière elle et commença à se déshabiller. Il laissa tomber ses vêtements souillés sur le sol immaculé et fit couler l’eau chaude. Son regard se porta soudain sur le miroir. Il s’en approcha et passa une main sur son visage. Il avait longtemps qu’il ne s’était pas regardé dans une glace et son reflet lui faisait peur. Ses cheveux, longs et sales, lui tombaient sur le front et dans la nuque. Son corps était maigre et couvert de fines cicatrices, ses os ressortant de façon tragique.

Il se glissa avec délectation dans l’eau chaude et se lava consciencieusement, grimaçant en voyant l’eau noircir à mesure qu’il ôtait la crasse accumulée depuis des semaines. Il se rinça une première fois et recommença le processus jusqu’à ce que l’eau soit claire. Il apporta un soin tout particulier à ses cheveux, allant même jusqu’au luxe de l’après shampooing. Enfin propre, il resta quelques minutes dans l’eau chaude, et sourit à sa bonne fortune. Les derniers mois, cauchemardesques, s’effaçaient enfin. Cette nuit, près de cette jeune femme qui disait le connaître, il allait peut être enfin se retrouver.

Il entendit la porte s’entrouvrir et sursauta. Il s’était presque endormi dans l’eau tiède. La porte se referma doucement et il vit que des vêtements avaient été soigneusement posés au sol. Il se rinça une dernière fois et sortit du bain, grelottant maintenant malgré la douce température de la pièce. Il s’essuya et enfila les vêtements offerts. Ils étaient trop larges, mais lui semblaient étrangement familiers. Il se brossa les dents, se coiffa du mieux possible et sortit de la salle de bains.

- Dana ?

- Dans la cuisine.

Il la rejoignit et lorsque il franchit la porte, la jeune femme ne put retenir un cri de surprise. Dans ces vêtements, coiffé et propre, il était tellement lui même que les doutes qu’elle avait pu avoir s’effacèrent immédiatement. C’était lui.

- Vous avez vu un fantôme ?

Elle lui sourit.

- Non... j’ai retrouvé quelqu’un.

****************

Ils s’étaient installés dans le salon, devant un chocolat chaud et quelques gâteaux secs. Elle brûlait de lui poser des questions, mais il le devança.

- Dana... Raconte moi ce qui s’est passé... Ce qu’il m’est arrivé.

- Tu n’as aucun souvenir ?

- Non...

- Dis moi ce dont tu te souviens.

Il soupira, s’installa confortablement dans le fond du canapé, et commença à dérouler l’histoire de sa vie depuis trois ans.

- J’ai repris connaissance dans une chambre d’hôpital, au Texas. J’étais dans un triste état. Je n’avais aucun souvenir de mon identité, ou de ce qui m’était arrivé. J’étais aussi faible qu’un nouveau né, maigre comme un chat écorché. Je souffrais énormément. J’étais paniqué dès que quelqu’un s’approchait de moi. Je n’arrivais pas à parler. Ils m’ont expliqué que je souffrais d’une amnésie post-traumatique. J’avais tout oublié. J’étais incapable de me nourrir moi même, je ne savais plus marcher... J’ai du rester là bas une dizaine de jours, puis ils m’ont envoyé dans un centre de réadaptation pour grands blessés. C’est là que j’ai réappris à vivre. Ils ont pris soin de moi. Peu à peu, j’ai retrouvé mes fonctions motrices, mais je n’avais toujours aucun souvenir. Je faisais des cauchemars toutes les nuits, mais je ne me souvenais de rien à mon réveil. Dix huit mois après mon arrivée dans ce centre ils m’ont laissé partir. J’ai menti pour pouvoir sortir, en leur disant que j’avais des amis qui pourraient m’héberger. J’ai pris la route.

Scully l’écoutait en réfrénant son émotion.

- J’ai survécu en faisant des petits boulots, ça et là, en échange d’une nuit ou d’une semaine d’hébergement, la plupart du temps des fermes. Les gens étaient corrects avec moi, et j’ai retrouvé des forces.

Elle ne put s’empécher de sourire en l’imaginant en travailleur agricole. Lui, le cérébral, avec son insatiable curiosité d’esprit...

- Je me suis retrouvé plusieurs fois en prison pour vagabondage, avec les ivrognes... Ce ne sont pas de bons souvenirs. Ca m’a pris plusieurs mois pour arriver jusqu’à Washington. Et j’ai découvert que la survie en ville était dure. Sans emploi, sans rien à manger, sans toit.. Et l’hiver qui arrivait... J’ai trouvé refuge dans le quartier où tu m’as trouvé. J’ai survécu en faisant la manche, comme les autres. Et avec la soupe populaire...

- Pourquoi Washington ?

- Je ne sais pas... quelque chose me poussait à venir ici.

Le visage de Scully s’éclaira.

- Tu as bien fait.

- Comment es tu sur que je sois bien celui que tu cherches ?

Scully se leva et se dirigea vers sa chambre. En revenant dans le salon, elle portait un cadre à la main.

- Regarde toi même. La ressemblance est flagrante.

Il prit le cadre et regarda intensément la photo. L’homme qui souriait, une main posée sur l’épaule de la jeune femme, était incontestablement lui. Plus jeune, le visage moins marqué, mais c’était lui.

- J’ai du mal à le croire... Tu as du avoir un choc en me revoyant il y a quelques heures. J’ai changé...

- Tu as vécu des épreuves... Moi aussi j’ai changé.

- Non... Tu es toujours aussi belle que sur la photo... Raconte moi ma vie... Notre vie.

- Je fais ta connaissance lorsque qu’on m’a assigné à ton service, les affaires non classées. Tu t’occupais des dossiers restés sans réponse, des dossiers qui tournaient autour du paranormal. J’étais une scientifique, et j’avais du mal à épouser tes théories. Mais tu m’as convaincu dans la plupart des cas qu’elles étaient fondées. Nous avons travaillé sept ans ensemble, et nous avons vécu des choses éprouvantes ensemble. Nous avons tous les deux été durement touchés pendant ces années, aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Nous avons mis à jour une conspiration du gouvernement visant à masquer l’existence des extra-terrestres.

Les sourcils de Mulder se levèrent en signe de surprise.

- Le soir où tu as disparu, tu cherchais une nouvelle preuve, et je t’ai laissé partir... Je n’aurai jamais du. Tu m’as terriblement manqué.

Le visage de la jeune femme était bouleversé et des larmes coulaient sur ses joues. Il s’approcha d’elle et doucement les essuya.

Une question brûla les lèvres de Mulder. Il voulait savoir pourquoi cette femme s’intéressait tant à lui.

- Nous étions... intimes ?

- Nous avons mis un temps fou avant de nous rendre compte de nos sentiments l’un pour l’autre. Nous sommes devenus intimes quelques mois seulement avant ta disparition. Je crois que nous avions peur l’un et l’autre de gâcher l’incroyable amitié qui nous unissait.

- Mais ça n’a pas été le cas...

- Oh non... Ca a été la plus merveilleuse chose qu’il nous soit arrivé depuis très longtemps. Nous étions un seul être, parfaitement connecté l’un à l’autre.

Les yeux de Mulder étaient remplis à leur tour de larmes.

- Quand tu as disparu, c’est comme si le monde s’était écroulé autour de moi...

- Je suis désolé de t’avoir fait souffrir...

- Rien de tout cela n’est ta faute, Mulder.

Ils restèrent un long moment à se regarder, sans oser se toucher, les yeux dans les yeux. Puis la jeune femme se leva et revint quelques instants plus tard avec un carton dans les bras.

- J’ai gardé ton passé, Mulder. A toi maintenant de le redécouvrir. Peut être cela t’aidera à te souvenir...

Il était maintenant plus de trois heures du matin et ils avaient tous les deux du mal à garder les yeux ouverts. Scully se dirigea vers la chambre d’amis et prépara son lit. Il la suivit, le carton à la main. Alors qu’elle s’apprêtait à quitter la pièce, il lui déposa un baiser sur le front.

***************

Les premiers rayons du soleil hivernal réveillèrent Scully. Elle avait fini par dormir quelques heures, épuisée par l’émotion. Son coeur s’affola en pensant que les retrouvailles avec Mulder n’avaient été qu’un merveilleux rêve. Elle se précipita dans la chambre d’amis et ouvrit la porte presque brutalement. Ses yeux se posèrent alors sur lui. Il était allongé sur le côté, recroquevillé dans les couvertures. Elle s’approcha du lit et scruta son visage. Le sommeil lui donnait un air presque juvénile, serein. Les lèvres entre ouvertes, il dormait profondément, mais elle remarqua sur son visage des traces de larmes. Elle caressa amoureusement les mèches de cheveux bruns qui tombaient sur son front, et y déposa un baiser léger. Il ouvrit ses paupières gonflées par le manque de sommeil et il sourit sans retenue. C’était la première fois depuis qu’ils s’étaient retrouvés. Ses yeux aux reflets d’or et d’émeraude, teintés de triste nuance se posèrent sur elle et son coeur se gonfla d’allégresse.

- Scully...

Dans la seule prononciation de son nom, elle sut. Ses yeux se posèrent sur le journal qu’il avait découvert dans le carton qu’elle lui avait donné la veille, abandonné sur la table de nuit. Son journal, qu’elle avait conservé religieusement, ainsi que quelques affaires qui lui rappelaient l’homme qu’elle avait perdu : son blouson de cuir, sa batte de base-ball, la photo de lui et de Samantha.

- En lisant ces pages, tout m’est revenu, Scully. C’est encore embrouillé dans ma tête, et j’ai l’impression d’avoir subi un lavage de cerveau, mais ça me revient. Je sais enfin qui je suis, et d’où je viens. Ce que j’ai fait, ce que tu as subi, tout est là... Je ne sais pas si je peux redevenir l’homme que j’ai été, mais je suis là, et si tu m’acceptes tel que je suis, je sais que rien ni personne ne pourra jamais plus nous séparer.

- Je t’accepte tel que tu es, Mulder. Et ensemble nous construirons notre futur.

FIN

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