La force de vivre

Titre : La force de vivre

Auteur : Valérie

Émail : valeriec2@wanadoo.fr

Avertissement : aucun
Catégorie : MulderAngst, MSR
Spoilers : Trilogie Biogenesis / 6th Extinction / Amor Fati
MOTS CLES : Espoir
RESUME : Mulder est retrouvé, au bord de la mort, après son enlèvement.

DISCLAIMER Non, je n’ai pas inventé les personnages de Mulder et de Scully. Chris Carter, notre père à tous, s’en est chargé et la Fox nous les a offert.

Feedback : obligatoire, please !

 

 

Au tout début, il y a juste des sons assourdis, indéfinissables, flottant dans sa tête, très loin de lui. Leur quiétude était un soulagement, un répit par rapport à ce dont il se souvenait, et il se laissa bercer par l’apaisement qu’ils lui procuraient.

Mais doucement, les sons prirent forme, un par un. D’abord le son de sa propre respiration. Calme, rassurante. Puis un son persistant, un petit beep, un peu plus d’un par seconde. Il connaissait ce son, il l’avait entendu bien des fois. Trop de fois. Il l’oublia pour se concentrer sur les autres sons.

Des voix. Étouffées, murmurées, mais des voix. Un homme. Skinner. Une femme.

Scully.

C’est elle qui parlait le plus, et il tentait d’écouter, mais seules des portions de phrases lui parvenaient.

- On ne sait pas vraiment, Monsieur... Une sorte de procédure chirurgicale. Le scanner n’apporte rien de concluant... Ca ressemble à une sorte de biopsie.

C’était Scully, il pouvait l’entendre. Il n’entendait qu’elle. Le sommeil l’appela et il se laissa emporter.

 

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- Allez, réveille toi.

Scully. Il ne pouvait qu’obéir. Avec difficulté, il ouvrit doucement ses paupières. Elle était là, souriante, rassurante, le visage un peu pale, les joues un peu creuses, mais dans les yeux une sorte de joie qui le réconforta.

Il porta sa main au tube qui sortait de sa narine gauche.

- Est ce que c’est ce que je crois ? Il savait qu’il murmurait, mais il ne pouvait pas faire mieux. Ses yeux firent le tour de la pièce. Une chambre d’hôpital.

Elle lui sourit.

- C’est bien une sonde gastrique, Mulder. Tant que tu n’auras pas la force de te nourrir, elle restera en place. Tu as perdu tellement de poids.

- Qu’est ce qui c’est passé ?

- J’avais espéré que tu puisses nous en dire plus. Je ne sais pas. On t’a enlevé, à l’hôpital. Quelque chose a été pratiquée sur toi, sur ton cerveau. Une opération. Mais nous ne pouvons pas dire quoi exactement.

Il soupira profondément, ferma et ouvrit ses paupières.

- Et bien, ça a marché...

- Les voix ont disparu, Mulder ?

Il se concentra un long moment et la regarda droit dans les yeux.

- Oui.

Une autre voix se fit entendre. Une voix familière.

- Nous avons pratiqué plusieurs électroencéphalogrammes depuis que vous êtes revenu. Ils sont tous apparus comme strictement normaux.

- Vous êtes le docteur Harriman, n’est ce pas ?

- Oui... Mais comment ... ?

- J’étais éveillé. Pendant tout ce temps...

Il ferma les yeux, soudain épuisé.

- Je suis fatigué...

- Sans doute l’anesthésie qu’ils ont employé. On va te laisser te reposer maintenant. Nous parlerons plus lorsque tu auras repris des forces.

Il se coucha sur le côté, et sentit que Scully arrangeait les diverses perfusions qui étaient branchées sur ses avants bras. Elle remonta les couvertures sur ses épaules et il se sentit glisser vers un sommeil lourd. Il entendit vaguement le docteur parler de tests. Plus tard. Il avait besoin de sommeil.

 

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Le seul son qu’il entendit cette fois en s’éveillant fut le beep insistant du moniteur cardiaque. Il ouvrit les yeux et immédiatement son regard se porta sur Scully, assise près de la fenêtre. Elle lisait, le menton posé sur ses genoux ramassés. La lumière faisait un halo autour de ses cheveux. Il était tôt le matin ou tard dans la journée.

Il la regarda un moment avant qu’elle s’aperçoive qu’il était éveillé. Elle lui sourit et s’approcha du lit en appuyant sur le bouton d’appel.

- Comment te sens-tu ?

- Bien... Enfin je me sens... bizarre...

Elle émit un petit rire et Mulder ne put s’empêcher de rire doucement lui aussi.

- C’est bon de t’entendre rire, Scully.

Elle prit sa main tendrement.

- C’est bon de TE voir, Mulder... J’ai eu si peur de te perdre...

- Je sais... Je suis désolé.

Il prit sa main et regarda presque avec étonnement ses avants bras libres.

- Plus de sangle ? commenta t’il en touchant le bandage qui entourait sa tête.

J’ai mal à la tête.

Avant que Scully puisse répondre, le docteur Harriman entra dans la chambre.

- A nouveau réveillé, je vois.

Mulder acquiesça prudemment de la tête.

- Si vous êtes d’accord, je voudrais procéder à quelques examens neurologiques simples.

Il s’approcha de lui et commença à l’examiner. En premier lieu, il regarda les yeux de son patient avec une petite lampe. Puis il lui demanda de suivre son doigt avec ses yeux, en haut, en bas, à droite, à gauche. Ensuite il vérifia les réflexes, aux coudes, poignets, genoux, chevilles, plante des pieds. Il fit le côte droit deux fois.

Il se plaça au bout du lit et plaça ses paumes de main sur la plante des pieds de Mulder.

- Poussez aussi fort que vous pouvez.

Il se déplaça sur le côté du lit et lui demanda de serrer ses mains.

Le médecin testa ensuite son audition, sa vision, sa sensibilité avec une petite aiguille, lui demandant pour chaque endroit examiné de lui dire s’il le piquait ou s’il le caressait, de la tête aux pieds. Mulder commençait à fatiguer.

- C’est bon, M. Mulder.

- Agent Mulder ou bien Mulder, s’il vous plait.

- Ok, Mulder. Encore quelques petites choses.

Mulder ferma les yeux et se couvrit les paupières avec sa main.

- J’ai mal à la tête. Ca suffit.

- Et je vous donnerai quelque chose dès que nous en aurons fini ici. Les médicaments risqueraient de fausser les résultats des tests. Je voudrais que vous fermiez les yeux et que vous touchiez votre nez avec le bout de vos doigts.

Mulder s’exécuta et toucha parfaitement son nez avec les doigts de sa main gauche. Avec sa main droite, il le manqua de peu et son doigt finit sur sa joue. Lorsqu’il ouvrit ses yeux à nouveau, il vit le regard que le médecin et Scully échangèrent.

- Quoi ?

- Rien, rien, répondit Harriman. Il réfléchit un moment, puis se décida. Pouvez vous vous lever quelques instants ?

La suggestion alarma Scully.

- Pensez vous que ce soit réellement nécessaire ? Il a été alité pendant des semaines, il n’a rien mangé de solide depuis je ne sais quand, et Dieu sait ce qu’il a subi.

- Je sais tout cela. Mais j’ai besoin d’établir un diagnostic rapidement, et l’orientation dans l’espace, la coordination sont essentielles. Qu’en pensez-vous, Mulder ?

Il jeta un coup d’oeil rapide à Scully, l’interrogeant du regard.

- Je ne sais pas, Mulder. Comment te sens-tu ? Tu disais que tu avais mal à la tête.

- Oui. J’ai la tête dans un étau. Il n’ajouta pas que la lumière commençait à le faire souffrir. Mais allons y. Il voulait savoir ce que le médecin recherchait.

- Bon. Nous allons juste l’aider à se lever. Pas de marche.

Il se mit en place, et chaque centimètre de gagné sur la station debout lui provoquait une souffrance exponentielle. Il ne dit rien, il voulait connaître les raisons de l’inquiétude du médecin.

Ils le mirent debout doucement, le soutenant de chaque côté. La douleur finit par stagner enfin et il soupira de soulagement.

- Ca va ? lui demanda Scully.

- Oui... Il retenait sa respiration;

- Relaxez vous. Vous êtes tendu, je peux le sentir. Essayez simplement de rester debout.

Il n’aurait jamais pensé que se tenir debout lui causerait autant d’anxiété. Il se concentra pour se détendre, et Scully et le médecin le sentirent, puisqu’ils cessèrent de le soutenir.

- Ok. Restez là où vous êtes et fermez simplement les yeux.

Mulder obéit, se demandant combien de temps il devrait rester ainsi avant que le médecin soit satisfait. Mais brusquement il sentit les mains puissantes du médecin le soutenir fermement et il ouvrit les yeux, alerté. Personne n’eut besoin de lui dire qu’il tombait sur la droite. Ils l’aidèrent à se rasseoir sur le bord du lit.

- Qu’est ce que cela signifie ?

- Je n’ai pas encore d’opinion. Nous aurions d’autres tests à faire.

- NON ! Ce n’est pas normal. Qu’est ce que cela signifie ?

Scully lui prit le bras et tenta de le calmer.

- Cela signifie que ton équilibre est légèrement perturbé, Mulder. Mais cela peut être provoqué par différentes choses. Laisse le finir.

Mulder se rallongea lentement sur le lit, posant sa tête douloureuse sur les oreillers.

- Mulder, je vais juste vous faire exécuter quelques taches simples. Ensuite je vous laisserai vous reposer. D’accord ?

Mulder acquiesça de la tête.

- Je vais nommer trois objets et je vous demande de les répéter après moi. Pomme, stéthoscope, fenêtre.

- Pomme, stéthoscope, fenêtre.

- Bien. Maintenant comptez à rebours depuis 100 tous les 7.

Mulder ferma les yeux pendant sa réponse. 100, 93... Il s’interrompit un court instant. 86, 79, 72, 65...

- C’est bon.

- Je connais mieux ma table de 6.

Le médecin sourit.

- Non, c’était bien. Maintenant répétez moi les trois mots précédents.

- Pomme, stéthoscope, fenêtre.

- Et qu’est ce que c’est ?

Le médecin désigna son poignet et Mulder se força à ouvrir les yeux.

- Une montre. Une belle montre.

- Et ceci ? Il sortit un stylo de sa poche.

Mulder regarda l’objet un moment et pâlit. Ses yeux s’écarquillèrent quand il s’aperçut que le mot ne venait pas immédiatement, puis il souffla lorsque le mot lui revint.

- Un stylo.

Il tenta de masquer ce qui venait de se passer en ajoutant :

- Et avec une telle montre vous devez avoir les moyens de vous offrir un plus beau stylo.

Il ferma les yeux de lassitude.

- Il est fatigué.

Scully le regarda avec anxiété.

- Nous avons presque fini, Mulder. Pouvez vous me regarder, s’il vous plait ?

Mulder ouvrit les yeux et le médecin prit une feuille de papier.

- Prenez cette feuille avec votre main droite, pliez la et posez la sur la table de chevet.

Mulder prit la feuille avec sa main droite, et la posa sur la table, mais ne la plia pas. Il eut juste le temps de voir le regard affolé de Scully en direction du neurologiste, mais il ne sut pas la raison de sa crainte, et ne lui demanda pas. Il commençait à penser qu’il ne voulait pas savoir. Il regarda le médecin, qui prenait une autre feuille de papier et où il inscrivit : Fermez les yeux.

Il s’exécuta avec soulagement.

- Merci.

- Encore deux choses, Mulder. Le médecin approcha la table et lui tendit le stylo. Écrivez une phrase.

- Que voulez vous que j’écrive ?

- Ce qui vous passe par la tête.

Mulder prit le stylo et écrivit : Ma tête me fait mal. Le stylo lui paraissait bizarre dans sa main, mais il ne dit rien.

Le médecin reprit le stylo et dessina deux pentagones.

- Reproduisez ceci, s’il vous plait.

Mulder le fit et posa le stylo.

- Ca fait deux. Vous avez fini. Que se passe t’il ?

Le médecin s’éclaircit la voix.

- J’ai noté des signes de faiblesse de votre côté droit. Et l’équilibre à droite semble être affecté également. Vous avez eu un blanc sur un mot, et vous avez manqué une commande à l’exécution d’une tache simple. Rappelez vous simplement ce que vous a dit votre partenaire il y a quelques minutes.

- Vous ne savez pas ce qu’ils m’ont fait.

- Exactement. Il y a des empreintes creuses sur toute la circonférence de votre crâne, ce qui semble être les traces d’un appareil de contention utilisé pour les interventions cérébrales, et surtout une large cicatrice d’ostéocraniotomie. Sur le derrière du crâne, un peu à gauche.
Ceci, couplé aux déficiences de votre côté droit, indique que quelque chose a été pratiqué à ce niveau. Nous avons procédé à un scanner cérébral lorsque vous êtes arrivé, mais il n’a rien montré de concluant.

Mulder était fatigué, et la douleur était là, obsédante.

- Donc ?

Il vit le docteur soupirer.

- Je ne sais pas. Bien sûr, vous êtes en bien meilleur état que la dernière fois que je vous ai vu ici. Mais les déficits neurologiques m’ennuient, aussi mineurs soient-ils. Ils peuvent être provoqués par une hémorragie intracrânienne. Je voudrais que vous refassiez un scanner avec injection.

- Maintenant ?

- Je sais que vous êtes épuisé, mais oui, maintenant.

Mulder soupira.

- On peut me donner quelque chose pour le mal de tête ?

 

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Une fois de plus il l’entendit. Murmurant, chuchotant. Rien qui puisse le tirer du confortable état où il était maintenant, pas vraiment endormi, pas vraiment éveillé. Entre les deux, en fait. Les examens étaient finis, sa tête ne lui faisait plus vraiment mal, il était couché douillettement sur son côté droit. Son corps lui paraissait lourd, il se sentait... léthargique et cela lui convenait parfaitement.

- Je pense qu’il a plus besoin de dormir que de manger.

Il entendit la voix de Scully, loin, très loin et il sourit dans son sommeil.

 

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Il se réveilla cette fois en sursaut. Il faisait noir et tout paraissait calme autour de lui. Ses yeux trouvèrent seulement la faible luminescence des différents moniteurs qui entouraient son lit. Le silence était terrifiant. Il n’avait pas de souvenir d’un silence si épais.

Son attention fut attirée par une lumière qui venait du couloir. Une infirmière entra rapidement et se dirigea vers son lit.

- Tout va bien, M. Mulder ?

- Oui... Je crois.

- J’ai vu votre rythme cardiaque s’affoler sur le moniteur.

- Rien. C’est trop calme.

Elle répéta quelques uns des tests que Harriman avait pratiqué quelques heures auparavant. Mais il s’en désintéressa rapidement. Lorsqu’elle eut fini, elle remonta les couvertures sur ses épaules.

- Essayez de dormir maintenant.

- Pouvez vous mettre la télé en marche ?

- Vous avez besoin de sommeil, M. Mulder.

- Je sais. Mais c’est trop calme. C’est cela qui m’a réveillé. J’ai l’habitude de m’endormir avec la télé.

L’infirmière le regarda un instant, puis prit la télécommande.

- Les sports. S’il vous plait.

- Cinq minutes.

 

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L’infirmière éteint la télé pour la 5ème fois en une heure.

- M. Mulder, est ce que je vais devoir retirer cette télécommande de cette chambre ?

- Non. Écoutez, je ne sais ce que vous savez de mon histoire, mais j’ai été...

Le mot lui échappa un instant et il paniqua.

- J’ai été mis hors circuit pendant un long moment et j’aimerais faire quelque chose de normal... Comme regarder un match...

- Je suis au courant, M. Mulder et c’est précisément pourquoi j’insiste sur le fait que vous devez vous reposer. Il y aura d’autres matchs.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et sortit, la télécommande à la main.

Il laissa aller sa tête sur l’oreiller en soupirant.

 

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Il finit par se résigner et cherchait le sommeil lorsque la porte s’ouvrit brusquement.

- Vous êtes encore réveillé, M. Mulder ?

C’était une autre infirmière. La lumière était trop faible pour qu’il la voit, mais un petit sourire se dessina sur ses lèvres.

- Oui, Sarah... Je suis réveillé. Qu’est ce que vous allez me faire encore ?

Elle alluma la petite rampe lumineuse au dessus de son lit et lui sourit à son tour, un peu étonnée malgré tout.

- Vous me reconnaissez ?

- Sarah, n’oubliez pas que nous avons été très intimes il y a quelques semaines...

La jeune femme le regarda avec tendresse. Il faisait bien sûr allusion aux soins qu’elle avait pu lui donné pendant sa première hospitalisation, avant sa disparition. Elle se souvenait de chaque trait de son visage, des contours de sa bouche, des courbes de son corps. Elle le retrouvait un peu amaigri, changé par les épreuves qu’il avait subi. Mais son regard la bouleversa. Elle masqua son trouble en vérifiant les différentes perfusions mais elle sentait sur lui ses yeux qui ne la quittaient pas.

- Je suis heureuse de vous voir ainsi, M. Mulder. Et de vous entendre. Vous étiez si...

- Je sais, Sarah. J’étais très loin. Et je voulais vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi.

- Je n’ai rien fait d’exceptionnel...

Il la coupa immédiatement.

- Ne dites pas cela. VOUS m’avez ....... Une fois encore, le mot lui échappait.....compris. VOUS avez deviné ce que je pouvais ressentir. Rappelez vous, Sarah. Lorsque vous m’avez interpellé... sans une parole. Vous m’avez réconforté. Vous m’avez apaisé. Vous m’avez nourri. Souvenez vous, Sarah. C’était plus que votre simple devoir.

La jeune femme baissa les yeux, les souvenirs lui revenaient par bribes, si réels, si forts. Elle se rappela de la détresse de son patient, de ses yeux vides et pourtant si présents, et soudain de son ébahissement lorsqu’elle se rendit compte qu’il répondait à ses pensées. Elle se souvenait de cette scène étonnante, lorsque s’était posé la question d’un gavage par sonde, alors même que sa partenaire avait interdit formellement qu’on le nourrisse ainsi. Elle s’était approchée de lui, lui avait pris la main, essayant de capter son intention.

- Fox... Si vous ne faites pas un petit effort, vous savez que qu’ils vous poseront cette sonde que vous semblez détester. Laissez moi vous aider. Je vais apporter un plateau, avec des aliments très simples. Je vais vous nourrir. Vous n’aurez qu’à ouvrir la bouche. Je vous en prie, Fox... Laissez vous aider.

Elle avait pensé ces mots... Pas une parole n’était sortie de sa bouche. Elle avait soudain senti un léger frémissement dans sa main et ses yeux, ses yeux si épuisés l’avaient fixé quelques instants, avec un soudain espoir. Elle s’était précipitée sur un plateau repas et lentement, avec la patience d’une mère nourrissant son plus faible enfant, lui avait donné, cuillère après cuillère, un repas complet.

Les médecins la regardaient faire, interloqués. Elle avait répété ce geste à chaque fois qu’il lui avait possible de le faire, prenant sur son temps de repos maintenant qu’elle savait ce qu’elle pouvait faire pour lui.

Sa disparition l’avait perturbé, la douleur de sa partenaire l’avait bouleversé et l’annonce de son retour l’avait rempli de joie. Elle était là maintenant, devant lui, sachant parfaitement ce qu’ils avaient partagé.

Ils se regardèrent un long moment et soudain des larmes jaillirent des yeux de la jeune femme, qu’elle essuya très vite du revers de sa main. Elle prit la télécommande et remit la télé en marche.

- Je me souviens de l’état dans lequel vous vous trouviez il y a peu de temps. Et je pense que vous méritez bien ce plaisir simple.

Elle tourna les yeux vers l’écran.

- Base Ball ?

Il lui sourit et hocha la tête.

 

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Il ne dormait plus. Sa tête lui faisait terriblement mal à nouveau, et il essayait de se persuader qu’en ne bougeant pas sa tête, les yeux clos, ce n’était pas si mal. Mais il était épuisé. Réellement. Il fallait qu’il dorme.

Il entendit les talons hauts de Scully frappés le sol du couloir menant à sa chambre et sa voix, toujours basse.

- Pourquoi dort-il encore ?

Il n’avait pas réalisé qu’il y avait quelqu’un d’autre dans la chambre.

- Le docteur Harriman lui a prévu une journée bien remplie et il est resté éveillé tard hier soir. Nous avons décidé de le laisser dormir.

Une journée bien remplie ? Mulder se demanda soudain ce qu’ils entendaient par là mais sa tête le faisait tant souffrir qu’il renonça à penser plus.

- Je ne comprends pas.

La voix de Scully était interrogative.

- A t’il été malade ?

- Non... Il a regardé la télé. Base-Ball. Tard dans la nuit.

- C’est pas vrai. Je ne peux croire ça...

Mulder entendit la porte se fermer et il se risqua à ouvrir un oeil.

- Salut, Scully.

- Mulder ? Tu ne dormais pas ?

- Non... Scully, peux tu éteindre la lumière ?

- Que se passe t’il ?

Mulder couvrit ses yeux avec sa main et répondit faiblement.

- Mal de tête.

- Comme hier ?

- Non... Pire.

Scully approcha du lit rapidement et ôta la main de son partenaire de son visage.

- Regarde moi dans les yeux.

Il lui obéit mais la douleur était si forte qu’il réitéra sa requête.

- La lumière me fait mal, Scully. S’il te plait, ferme la lumière.

- C’est à ce point, Mulder ?

- Oui.

- J’appelle Harriman. Ce n’est pas normal. Ca devrait aller mieux, pas pire.

 

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Quarante minutes plus tard, il était à l’agonie. Les anti-douleurs ne lui faisaient aucun effet. Les lumières étaient éteintes, le store de la fenêtre baissé, et il couvrait pourtant ses yeux avec sa main.

Scully était à ses côtés, la main juste posée sur la sienne, silencieuse, sachant très bien quelle souffrance il endurait. Il essayait de refouler l’obsédante torture, immobile, lorsque le médecin arriva.

Il alluma immédiatement la lumière et Mulder grimaça de douleur. Harriman nota tout de suite l’inquiétante pâleur de son patient, et la fine pellicule de sueur qui luisait sur son visage.

Scully prit la parole, sachant parfaitement que Mulder n’était pas en état de disserter.

- La douleur s’est accentuée en quelques dizaines de minutes.

- Est ce que vous ressentez des symptômes identiques à votre première crise, il y a deux semaines ?

- Non. Pas de voix. Douleur.

- Où cela, Mulder ? Un endroit particulier dans votre tête ?

- Non. Partout. Me sens pas bien.

- Je veux que vous ouvriez les yeux.

Il le fit et le regretta immédiatement. L’assaut de la petite lampe fut si violent que cela lui coupa le souffle.

- D’autres symptômes, Mulder ?

- Noooon... Ca fait mal... Je crois que je ... je..

Avant qu’il puisse finir sa phrase, il se mit à vomir. Sur lui même, sur le lit, sur Harriman, qui fit un pas en arrière, manquant de tomber. Quand Mulder eut finit, il se laissa aller sur l’oreiller, trop faible et souffrant trop pour même s’excuser.

- Nous allons refaire un scanner, décida Harriman.

 

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Il passa l’examen dans un état semi comateux qui lui convenait finalement assez bien, malgré sa souffrance et son aversion pour les injections. Il eut simplement la force de refuser après l’examen la forte dose de calmants que lui proposait Harriman, qui l’aurait totalement anéanti pendant des heures. Il avait eu si peu son mot à dire pendant ces dernières semaines qu’il voulait prendre une part active à ses traitements. Et même si c’étaient les mauvaises décisions.

Il se retrouva dans sa chambre, dans son lit refait à neuf, frais et propre, et il se sentit redevenir humain à nouveau. Les calmants avaient fait reculé son mal de tête, et un médicament anti-nauséeux lui procurait un relatif confort.

Scully ne l’avait pas quitté. Ils n’avaient pas échangé une parole, mais sa présence le réconfortait. Ils échangèrent un long regard et Scully lui sourit faiblement. Il savait qu’elle était soucieuse.

- Ta tête ?

- Mieux.

- Tu devrais essayer de dormir un peu.

Il ferma les yeux, mais il savait parfaitement que le sommeil ne viendrait pas.

 

 

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La porte s’ouvrit et Mulder sut que Harriman était là, au regard que Scully lui lança. Il abandonna la position qu’il affectionnait lorsqu’il souffrait, couché sur le côté, recroquevillé sur lui même, et s’allongea sur le dos. Le verdict allait tombé.

Scully questionna le neurologiste.

- Alors ?

Il haussa les sourcils de dépit et se lança :

- J’ai demandé à trois collègues d’analyser le scanner. Les trois sont d’accord. Il n’y a aucune anomalie particulière.

- Mais pourquoi alors j’ai si .... Le mot à nouveau fuyait. Pourquoi je souffre autant ?

- Pourquoi votre activité cérébrale s’est modifiée deux semaines auparavant, Agent Mulder ? Nous ne le savons pas. Symptômes. Ce ne sont que des symptômes et nous ne pouvons pas trouver la cause. Il y a encore une chose à vérifier, qui pourrait expliquer les céphalées. Votre taux de leucocytes est normal, mais il peut tout de même y avoir une infection cérébrale débutante. Ou il peut y avoir une augmentation de la pression du fluide cérébro-spinal.

- Une ponction lombaire...

Scully soupira en prononçant ces derniers mots.

- Exactement. Nous pourrons vérifier la pression et analyser le liquide.

- Quand ? demanda Mulder.

- Nous pouvons le faire dès maintenant.

Soudain Mulder se remémora.

- Vous m’en avez déjà fait une, n’est - ce - pas ?

Le médecin parut surpris.

- Oui, il y a plusieurs semaines. Vous vous en souvenez ? Je pensais que vous étiez...

- Non... Et ça fait mal.

- Nous ferons tout pour atténuer la souffrance cette fois ci, Mulder.

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Il était couché sur son côté gauche, pratiquement en position foetale, pratiquement au bord du lit. Il pouvait entendre l’activité autour de lui, mais ne pouvait pas bouger.

- Qu’est ce qu’ils font, Scully ?

Il ne la regarda pas, on lui avait demandé de garder son menton contre sa poitrine.

- Ils vont commencer, Mulder. Détends toi.

- Ok, Mulder, on va y aller. Je vais vous anesthésier par deux fois au niveau de la ponction. Voici la première injection.

Mulder sentit l’aiguille, mais la douleur fut ténue.

Harriman attendit un moment, puis l’avertit de la seconde.

- Ce sera un peu plus profond, et sans doute un peu plus douloureux. Surtout ne bougez pas.

Mulder sursauta lorsque l’aiguille pénétra sa chair mais ne bougea pas. Ce n’était pas si désagréable.

- Nous allons commencé la ponction. Vous devriez sentir la pression de l’aiguille, mais sans douleur. Dites le moi dans le cas contraire.

Mulder hocha la tête et prit une profonde inspiration. Il entendit Scully donner le feu vert à Harriman. Il imaginait l’aiguille qui entrait dans sa colonne vertébrale. Soudain Scully lui parla à l’oreille.

- Respire, Mulder. Tu retiens ta respiration.

Ce qu’elle ne pouvait pas savoir, pas voir, c’était que ses yeux et ses dents étaient crispées par l’appréhension. Il se força à inspirer et à expirer lentement, sa tête lui faisait à nouveau mal, il entendait les bruits s’assourdir autour de lui, et le trou noir qui le happait.

- Il perd connaissance ! Mulder, reste avec moi !! Mulder !

Il s’efforça de se concentrer sur la voix de Scully qui lui parvenait, lointaine, mais sentait qu’il était au bord du gouffre.

- La pression est normale. Le liquide est clair.

Harriman semblait soulagé.

- Je retire le trocart.

- C’est fini, Mulder. Tu vas pouvoir bouger très bientôt.

Il sentit vaguement qu’on lui appliquait une compresse à l’endroit ponctionné, puis on le tourna précautionneusement sur le dos, totalement à plat. Il couvrit ses yeux avec sa main. Il sentait à nouveau près à vomir, et avait une étrange envie de pleurer. Il se sentait si mal qu’il demanda faiblement à ce qu’on lui administre une forte dose de calmants. Peu lui importait maintenant de sombrer dans le néant.

 

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Il entendit, vaguement. Et sentit qu’on le secouait. Pas assez fort toutefois pour le forcer à le tirer de son hébétude. Il était épuisé. Il voulait dormir encore.

Mais la voix se fit plus autoritaire et persistante. Elle pénétra finalement dans son esprit embrumé.

- REVEILLEZ VOUS !

Il finit par ouvrir les yeux avec difficulté et tenta de focaliser son regard sur Sarah puis sur un médecin qu’il ne connaissait pas. Le visage de la jeune femme afficha une expression de soulagement.

- Vous nous avez fait une petite frayeur, pour tout vous dire. Votre rythme cardiaque était vraiment trop bas.

Il ne répondit pas, incapable de garder ses yeux ouverts plus de dix secondes.

- Il faut que je ....... Encore une fois un blanc. Dormir...

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Il se réveilla de lui même cette fois ci. Il était allongé sur le dos, mais on lui avait glissé un oreiller plat sous la tête. Son dos était endolori, mais la douleur dans son crâne était pratiquement un souvenir. Il sourit dans la pénombre. Il tourna la tête prudemment vers le moniteur cardiaque pour tenter d’avoir une indication sur l’heure. L’écran affichait deux heures du matin. Il déglutit avec difficulté et appuya sur le bouton d’appel.

Son voeu silencieux fut exaucé.

Sarah entra quelques minutes plus tard, et s’approcha de lui en souriant.

- Vous semblez aller mieux. Vous avez repris quelques couleurs.

- Sarah, je pensais à quelque chose... Est ce qu’on ne pourrait pas m’enlever ce .... Il chercha un instant le mot qui le manquait, et ne le trouvant pas en employa un autre . Ce tube ?

- Vous pensez être suffisamment solide pour avaler quelque chose ?

- Oui... Enfin je crois. A vrai dire j’ai presque faim.

- Je vais voir ce que je peux faire, Fox. Pardon, M. Mulder.

Elle observa le visage de son patient alors qu’elle rectifiait son erreur, mais il lui sourit gentiment.

- Je déteste mon prénom.... mais vous pouvez l’employer... Je vous dois bien ça.

Elle le regarda un instant puis sortit de la pièce.

Mulder ferma les yeux et sentit la douleur revenir peu à peu dans son crâne.

La jeune femme revint quelques minutes plus tard accompagnée d’un interne de garde, qui procéda à quelques examens neurologiques simples et autorisa à la dépose de la sonde. Sarah s’en chargea rapidement et l’interne quitta la chambre.

- Je vais voir ce que je peux vous trouver à manger.

Mulder ne lui dit pas que ses maux de tête avaient repris, presque aussi intenses qu’il y a quelques heures. Il se sentait nauséeux et fatigué. Il prit de grandes respirations et essaya d’oublier l’étau qui enserrait ses tempes.

Sarah arriva quelques minutes plus tard avec un bol de soupe fumante. Mais la simple odeur de la nourriture souleva le coeur de Mulder. Il ne voulait pas la vexer et commença à avaler quelques cuillerées du potage brûlant. Il se sentit soudain si mal qu’il se laissa aller, la tête sur l’oreiller, les yeux crispés de douleur.

- Fox ? Ca ne va pas ?

- Non... J’ai mal... Je crois que je vais vomir....

Elle se précipita sur lui et ôta rapidement la table roulante où se trouvait le bol, mais il rejeta le liquide qu’il venait d’avaler, souillant le lit et la chemise d’hôpital qui lui servait de pyjama. La nausée persista quelques minutes et il en sortit exténué et en proie à de violentes douleurs.

Sarah essuya son front couvert de sueurs froides et le réconforta doucement. Ses yeux étaient fermés et il entendit un murmure à son oreille.

- Ca va aller... Je suis là... Je vais vous aider.

Il se laissa aller à sa lassitude, et entendit Sarah appeler pour qu’on l’aide à le changer. Il sentit des bras qui l’aidaient à se soulever, des mains qui ôtaient sa chemise, qui caressaient sa peau avec un linge frais, des voix douces qui flottaient autour de lui. Avant qu’il puisse remercier les anges qui lui redonnaient sa dignité, il s’enfonça dans un sommeil lourd peuplé de cauchemars.

 

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- Vous perdez votre temps avec moi, dit Mulder à l’orthophoniste qui se trouvait devant lui. Donnez moi le New York Times et je vais vous montrer.

La thérapeute sourit indulgemment.

- Bien sûr, et elle lui présenta une autre carte.

- Maison. Je savais lire à l’âge de trois ans.

Elle lui présenta une nouvelle carte.

- Sapin de Noël. J’ai lu Guerre et Paix. Et pas la version condensée.

La jeune femme souriait à ses commentaires après chaque carte.

- Maintenant vous allez m’énoncer l’objet et faire une phrase avec le mot.

Elle sortit une nouvelle carte.

- Bougie. Il y avait trop de bougies sur mon dernier gâteau d’anniversaire pour jouer à ce genre de jeu. Ca va ?

La jeune femme essayait de contenir son rire.

- Très bien. La suivante.

- Montre. Vous voulez le nom ou le verbe ? Peut être les deux.

Il regarda sa montre, impatient que ce test stupide se termine.

 

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- Comment cela s’est-il passé ? demanda Scully à l’orthophoniste qui sortait de la chambre.

- Pas mal, répondit-elle.

- Pas terrible, répondit Mulder, d’un air sombre.

- Juste une touche légère d’aphasie. Dans l’articulation des objets. Rien de bien méchant.

Elle se tourna vers son patient.

- Ne vous découragez pas.

Elle chuchota à Scully qui se tenait dans l’entrée.

- Il est frustré, contrarié, expliqua t’elle.

Scully acquiesça.

- Son amour propre en prend un coup. Il est assez fier de son phrasé.

La thérapiste laissa échapper un petit rire.

- Même ainsi, il s’exprime mieux que la plupart d’entre nous !

Scully s’approcha de son partenaire alors que la jeune femme sortait de la chambre.

- Est ce que ça va ? demanda t’elle simplement.

- Je regarde quelque chose. Je sais ce que c’est, et impossible de trouver le mot qui correspond. Et cinq minutes plus tard, BING ! Ca me revient.

- C’est bon signe, Mulder. Les mots n’ont pas disparu. Ils sont simplement déplacés.

Elle essaya de rendre les choses moins dramatiques.

- Comment va ta tête aujourd’hui ?

- Ca va. Mieux que cette nuit.

- Tu as souffert cette nuit ?

- Oui. J’ai vomi sur mon lit. On m’a changé comme un gosse. Je me dégoûte.

Il était manifestement de mauvaise humeur.

- Qu’est ce qu’il y a de prévu aujourd’hui ?

- Une séance de kiné. Pour voir les autres choses que je ne peux pas faire.

Scully s’assit près de lui sur le lit et prit ses joues entre ses mains.

- Mulder écoute. Considère ce que tu as subi. Ce qui aurait pu arriver. Ce qu’ils auraient pu te faire, et dans quel état tu étais il y a quelques semaines. Tu devrais être terrorisé. Si oublier un mot pendant cinq minutes et avoir une petite faiblesse sur ton côté droit est le prix à payer, considère que c’est un moindre mal.

Elle s’arrêta un instant, puis décida de continuer.

- Quand tu as repris connaissance, on ne savait pas si tu serais toi à nouveau. Tu vois ce que je veux dire ? Mais tu es toi, Mulder. Toutes les choses qui font que tu es toi, ta vivacité d’esprit, tes sarcasmes, ton intelligence, ta personnalité entière, sont là. Tu es là, Mulder et tu vas aller mieux.

Il plongea dans son regard et vit avec étonnement qu’elle était au bord des larmes. Elle avait raison. Elle avait toujours raison.

 

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- Je m’attendis à pire, dit en souriant le kiné alors qu’il ôtait les différentes électrodes qu’il avait placé auparavant sur les jambes de Mulder. Je savais que vous n’alliez pas piquer un sprint aujourd’hui, mais vu les notes d’Harriman, je m’attendais à plus de différence entre le côté droit et le côté gauche.

Mulder était assis sur la table d’exercices. Tout ce qu’il avait eu à faire était de contracter les muscles de ses jambes.

- Ce qui veut dire ?

Le kiné sourit.

- Ce qui veut dire que nous n’allons pas passer beaucoup de temps ensemble, M. Mulder. Vous voulez essayer de marcher un peu ?

Il l’aida à descendre de la table pour s’installer dans la chaise roulante qui l’avait transporté jusqu’ici.

- Essayer ? Je suis presque sûr que je me souviens de la façon dont ça se passe.

Le kiné le roula jusqu’aux barres parallèles.

- Bien sûr. Mais votre équilibre à droite est légèrement perturbé et vous risquez d’avoir quelques soucis. Vous allez devoir vous concentrer sur ce que vous faites. Allez, debout.

Il installa Mulder entre les deux barres.

- Je suis juste derrière vous. Essayez de ne pas vous tenir aux barres, mais elles sont là au cas où vous vous sentiez déséquilibré.

Mulder regarda le kiné un moment. Il détestait le ton qu’il employait. Il regarda ses pieds et fit un pas. Le kiné l’arrêta aussitôt.

- Regardez vous vos pieds lorsque vous marchez ? lui demanda t’il.

- Vous m’avez dit de me concentrer sur ce que je fais.

- Regardez droit devant vous.

Mulder releva la tête, prit une grande respiration et marcha entre les deux barres. Il les agrippa uniquement en fin de parcours.

- Parfait. C’est comment ?

- Bien.

- Avez vous remarqué quelque chose de particulier ?

- Que voulez vous dire ?

- Ce n’était pas une marche automatique.

Comment pouvait-il savoir ça ?

- Non. Je me concentrais simplement sur ma jambe droite.

- Et vous ne la levez pas autant que la jambe gauche. Mais c’était bien. Votre poids est bien équilibré sur vos deux jambes. Maintenant faites demi-tour et revenez.

Mulder fit le chemin quatre fois, chaque fois plus assuré. Finalement le kiné l’arrêta.

- Parfait. Maintenant je veux que vous placiez vos mains juste au dessus des barres, mais sans les toucher, et que vous marchiez les yeux fermés. Je suis juste derrière vous.

Mulder prit une grande respiration. Il se souvenait de ce qui c’était passé la dernière fois qu’il avait fermé les yeux debout. Mais il ferma les yeux et fit un pas. Il était à peu près à mi parcours lorsque il se sentit déséquilibré. Il ouvrit ses mains et agrippa les barres, sans jamais ouvrir les yeux, juste pour rétablir son équilibre, puis continua à marcher. Au bout des barres, il les serra fort pour ne pas tomber.

- Merde, murmura t’il.

- Non, c’était bien. Vous n’avez pas perdu l’équilibre, mais vous avez eu l’impression de le perdre.

- C’est la même chose, répondit Mulder, désabusé.

- Non. Allez, vous allons vérifier votre motricité fine maintenant. Vous n’êtes pas trop fatigué ?

 

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Le claquement pourtant discret de la porte sortit Mulder de sa sieste. Il attendit une minute, et lorsque personne n’essaya de le réveiller, de vérifier sa perfusion, il crut que c’était Scully qui était entrée dans la chambre.

Il avait tort. Il se redressa légèrement sur l’oreiller et regarda s’avancer la femme qui l’enveloppa de ses bras.

- Maman, murmura t’il dans son épaule.

- Fox. Je ne peux pas le croire. J’ai eu si peur, Fox.

Il tapota ses épaules.

- Ca va, maman, je vais bien.

Elle s’éloigna un peu de lui et caressa gentiment sa joue. Elle n’avait pas fait ce geste depuis des années.

- Je ne savais pas quoi faire. Ils disaient que tu étais...

Elle se tut, incapable de prononcer la suite.

- Mourant. J’étais mourant, maman. Tu as fait ce que tu devais faire.

Le choc se refléta dans ses yeux.

- Tu es au courant ?

Il acquiesça de la tête.

- Scully m’a dit. Je serais mort, maman. Tu as pris la bonne décision. Je t’en suis reconnaissant.

Il regarda sa mère dont le visage changeait progressivement. Elle ferma les yeux, prit une grande respiration, serra les lèvres, ouvrit les yeux. Il l’avait vu faire ça toute sa vie. Confessions évitées, crises détournées, on oublie tout, comme d’habitude.

- Comment vas tu, Fox ? demanda t’elle succinctement.

- Je vais bien. Mieux.

- Est ce que je t’ai réveillé ?

- C’est bon, tu sais. Je dors beaucoup.

- C’est que tu en as besoin. Rendors toi.

Elle lui caressa la joue une nouvelle fois, mais du bout des doigts. Il se laissa aller contre les oreillers et ferma les yeux. Il savait que leur conversation était déjà finie.

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Lorsqu’il les ouvrit à nouveau, Scully était assise à la place de sa mère.

- Où est ma mère ? demanda t’il, la voix encore ensommeillée.

- Ta mère ?

- Oui, dit-il en baillant. Elle était là. Quelle heure est-il ?

- Presque dix sept heures, Mulder. Je l’ai pas vu.

- Elle a du partir.

Scully demanda prudemment.

- Vous avez discuté ?

Il sourit tristement.

- Discuter ? On peut dire ça.

- Est ce qu’elle t’a expliqué ce qui s’est passé ?

- Non, Scully. Elle ne sait pas. Je crois qu’elle n’en sait pas plus que nous.

- Mais elle a fait un pacte avec le diable, Mulder.

- Oui, dit-il. Et heureusement pour moi.

Scully sentit que le sujet était clos. Elle n’avait jamais compris les relations qu’entretenaient Mulder et sa mère. C’était si différent de ce qu’elle vivait elle même avec sa propre mère. Elle changea de conversation.

- J’ai lu le rapport du kiné quand tu dormais.

- Et alors ?

Il essayait de paraître intéressé.

- Ca a l’air bon, Mulder. Il semble que tous les troubles soient temporaires.

- Je sais. Il me l’a dit. Mais ça a été un désastre également.

- Qu’est ce que tu veux dire ?

- Scully, j’ai pu lui donner en détail, étape par étape, la façon de nettoyer et de remonter mon arme, mais lorsqu’il a posé une chaussure devant moi, j’ai été incapable de la lacer.

- Bien sûr que tu a pu.

- Le rapport est détaillé, n’est ce pas ? Bien sûr, j’ai pu. Mais j’ai du penser pour cela, Scully. J’ai du penser à chaque geste pour lacer cette chaussure.

Elle se leva et s’assit sur le bord de son lit.

- Ca ne fait rien, Mulder. Comment puis je te le faire comprendre ? Ce n’est pas comme si les gestes, ou ces mots, étaient définitivement oubliés. Ils sont là, simplement il te faut y penser pour que cela te revienne. Ce n’est pas encore automatique. Mais ça va venir, Mulder. Ca va peut être prendre un petit peu de temps, mais tout va rentrer dans l’ordre. Crois moi.

Il hocha la tête et lui sourit tristement.

Elle sortit un stylo de sa poche et lui présenta.

- Qu’est ce que c’est ?

- Un stylo, répondit-il sans aucune hésitation. Je peux me lever, maintenant. Allons faire un tour.

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Mulder regarda avec intérêt ce que Sarah lui injectait dans la perfusion.

- Qu’est ce que c’est ?

- Un anti-convulsant, jeune homme.

- Super !

Mulder regarda la jeune femme et vit qu’elle le fixait avec un air confondu.

- Quoi ?

Elle secoua la tête.

- Je me souvenais simplement de votre état il y a seulement quelques jours. Les progrès sont miraculeux.

- Vous n’avez pas besoin de me le dire, répondit-il d’un air gai.

- Étiez vous réellement conscient de ce qui vous arrivait ?

- Pas toujours. Mais oui, la plupart du temps.

Il mentait. Il avait tout vécu avec une intensité terrifiante.

La jeune femme eut un frémissement.

- Ca a du être effrayant.

Elle le regarda et sentit qu’il était mal à l’aise de parler de son état antérieur.

- Pardon. Je ne voulais pas vous faire replonger dans ce cauchemar.

Ils échangèrent un regard chargé d’émotion, chacun se remémorant ce qu’ils avaient partagé dans ces jours sombres. Elle plongea son regard dans le sien et ils restèrent ainsi de longues minutes en silence.

- Fox, un jour ou l’autre une infirmière rencontre un patient qui lui fait se rappeler pourquoi elle aime ce métier plus que tout au monde. Vous êtes ce patient pour moi. Et je voulais vous en remercier.

Elle déglutit avec difficulté et posa rapidement un baiser sur son front. Lorsqu’elle se redressa, ses joues étaient rougies par l’émotion, et elle sortit de la chambre rapidement.

Mulder tenta de calmer les battements de son coeur et un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

 

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Il se sentait particulièrement optimiste aujourd’hui. La séance de kiné s’était particulièrement bien déroulée. Il se sentait bien sur ses jambes, presque normal. Le kiné lui avait conseillé d’avoir une cane avec lui quelques temps, au cas où il perd son équilibre. Elle était posée sur ses genoux alors qu’il regagnait sa chambre dans le fauteuil roulant qu’on lui avait imposé pour quelques jours encore.

L’infirmier ouvrit la porte de sa chambre et il se déplaça ensuite seul à l’intérieur jusqu’à son lit. Il s’aperçut rapidement de la présence de Frohike et de Byers et ne put s’empécher d’afficher un très large sourire. Ca faisait si longtemps.

La réaction de Frohike lui fit particulièrement chaud au coeur. Il avait l’air d’un bon chien qui avait attendu le retour de son maître. Byers avait juste un large sourire aux lèvres.
Mulder réalisa soudain qu’il était assis dans un fauteuil roulant et ne voulut pas faire une mauvaise impression à ses deux amis. Il se leva facilement, prit la paterne de sa perfusion et sa cane et alla s’installer sur son lit, en accrochant la perfusion. Il s’assit en tailleur au milieu du lit.

- Comment ça va ?

Il ne s’attendait pas à ce que Frohike s’approche de lui et le serre dans ses bras et se mit à rire, ainsi que son ami.

- Mulder, c’est un véritable miracle ! Ils ne voulaient pas qu’on te voit, mais on a insisté. Mon Dieu, t’étais dans un sale état et maintenant regarde toi !

Mulder haussa les sourcils.

- Je suis guéri. Où est Langly ?

- Tu le connais, il a horreur des hôpitaux. Il a hâte de te revoir lui aussi.

Byers enchaîna.

- Donc physiquement, ça va bien ? C’est stupéfiant.

Mulder réfléchit un moment à ce qu’il voulait réellement leur dire.

- Je vais presque pratiquement bien. Je dors, je prends mes médicaments, j’ai mal à la tête, je dors.

Il posa la main doucement sur le derrière de sa tête, là il savait que l’incision avait eu lieu.

- Ils n’ont apparemment pas trop fait de dommages. J’ai seulement quelques maux de tête, et il y a quelques mots qui m’échappent quelquefois. C’est tout.

- C’est incroyable, répéta Frohike.

Mulder décroisa ses jambes et se laissa aller sur l’oreiller. Il se sentait soudain fatigué. L’énergie qui l’habitait il y a quelques instants semblait brutalement l’avoir quitté. Byers le vit immédiatement.

- Tu es fatigué. On va te laisser.

- Non, protesta Mulder. C’est juste que je sors d’une séance de thérapie physique. Je n’ai plus d’endurance. Il faut que je travaille là dessus. Vous pouvez rester.

- Ce n’a rien d’étonnant que tu sois épuisé après ce que tu a vécu, Mulder. On va y aller. Appelle nous quand tu seras rentré chez toi, on fera un poker.

Byers poussait Frohike vers la porte tout en parlant.

- Merci encore, les gars.

Les deux hommes sortirent, Mulder entendit Frohike répéter une fois encore " c’est un miracle " et il sourit.

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Il sortit de son sommeil quelques heures plus tard en entendant des voix murmurées près de lui. Sa partenaire et son médecin.

- Parlez plus fort, je ne peux pas vous entendre, dit-il d’une voix gaie sans ouvrir les yeux.

- Mulder !!! Combien de fois as tu fait ça ? Faire croire que tu dors ?

La jeune femme semblait particulièrement heureuse.

Il ouvrit les yeux.

- C’est ma chambre. Impossible de dormir tranquillement dans ma chambre, maintenant ? Si vous voulez comploter, parlez... Le mot lui échappa un instant, mais il s’en souvint très rapidement ....... ailleurs. Il se redressa dans son lit.

- Alors ?

- Nous parlions de ta prochaine sortie, Mulder, dit Scully en souriant.

Il avait entendu la rumeur, mais s’était gardé d’y prêter attention.

- Bien.

Harriman entra dans la conversation.

- Nous n’avons pas trouvé de problème physique avec vous, vos maux de tête sont contrôlables avec les médicaments habituels, l’électroencéphalogramme de ce matin était normal, vos problèmes neurologiques disparaissent de jour en jour.
Il n’y a plus de raison de vous garder ici plus longtemps.

Il souriait tout en parlant.

Mulder prit une profonde respiration.

- Wow...

Cela lui semblait irréel.

- Il a eu un moment où...

Mais il ne finit pas sa phrase. Non pas que les mots lui manquaient. Mais finalement il décida ne pas parler. Il y avait eu un moment où il avait pensé qu’il ne sortirait jamais d’ici. Il n’eut pas besoin de finir sa phrase. Scully avait compris.

- Je sais, Mulder. Tu as trouvé la force de vivre.

- Il y a des conditions, continua Harriman. Je veux que vous continuiez vos séances de motricité, de kiné et d’orthophonie pendant quelques semaines. Au moins deux fois par semaine. Je veux être sûr que vos progrès continuent. Je veux vous suivre avec des scanners et des EEG toutes les deux semaines pendant quelque temps. Nous ne savons pas ce qui a causé ça, nous ne savons pas ce qui l’a fait disparaître. Ca peut revenir, on ne sait pas.

- Non, ça ne reviendra pas, dit Mulder. Mais je suis d’accord pour tout.

- Et vous devez prendre du repos. Vous verrez par vous même de combien de sommeil vous avez besoin, aussi bien dans la journée que la nuit. Prenez du bon temps, reposez vous, restez chez vous, dormez. L’épreuve a été rude. Votre organisme mettra peut être quelque temps à récupérer.

Mulder hôcha la tête. Il savait tout ça.

 

 

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Il fit ses adieux aux différentes infirmières et médecins qui l’avaient aidé pendant ces longs jours et se mit en quête de Sarah. La jeune femme apparut dans sa chambre alors qu’il préparait ses quelques affaires personnelles.

- Ca y est, c’est le grand jour ?

Il se retourna en souriant. Il était si différent du pauvre être prostré qu’elle avait connu quelques semaines auparavant qu’elle porta sa main à sa bouche pour étouffer une exclamation. Il portait un jean noir et un tee shirt gris qui flottait un peu sur son corps amaigri, et ses yeux verts et gris étaient éclatants du bonheur de quitter l’hôpital. Elle le vit prendre sa cane, se diriger d’un pas sûr vers la salle de bains, pour en sortir quelques secondes plus tard, un magnifique bouquet de fleurs blanches à la main.

Il lui tendit d’un air tendre.

- Pour vous Sarah. Pour tout ce que vous avez fait pour moi.

Des larmes d’émotion mouillèrent les yeux de la jeune femme. Elle regarda un moment le bouquet avant de le prendre, puis l’enlaça rapidement, le serrant contre elle.

- Vous irez de mieux en mieux, compris ?

Il la serra un peu plus contre elle, puis ils se séparèrent en silence. Sur leurs joues, les mêmes larmes de bonheur ruisselaient.

 

FIN

 

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