La réminiscence du passé

Titre : La réminiscence du passé

Auteur : Valérie

Émail : valeriec2@wanadoo.fr

Avertissement : PG 13
Catégorie : MulderAngst, MSR
Spoilers : Aucun
MOTS CLES : Maltraitance
RESUME : Une affaire particulièrement difficile fait remonter à la surface les souvenirs douloureux de Mulder.

DISCLAIMER Non, je n’ai pas inventé les personnages de Mulder et de Scully. Chris Carter, notre père à tous, s’en est chargé et la Fox nous les a offert.
Feedback : obligatoire, please !

 

 

Scully regardait la route avec attention mais ne pouvait pas s'empêcher de donner des coups d'oeil furtifs à son partenaire. Il était resté silencieux depuis qu'ils avait repris la route, chose plutôt inhabituelle chez lui, surtout juste après la résolution d'une affaire.

- Mulder? Est ce que ça va?

- Ca va.

Le ton de sa voix était sourd et Scully se rendit compte de son malaise. Elle se permit d'insister le connaissant trop bien pour savoir que quelque chose n'allait pas.

- Mulder?

- Arrête toi Scully.

- Mais..

- ARRÊTE TOI.

Elle stoppa le véhicule sur le bas côté et il se précipita sur la portière, l'ouvrant à la hâte. Elle l'entendit vomir sur l'herbe, courbé en deux par l'effort.

Elle sortit de la voiture et lui tendit un mouchoir en papier, qu'il prit sans un mot. Le visage livide, il se rassit sur le siège lourdement. Ses mâchoires étaient crispées et il avala sa salive avec difficulté.

- Tu vas mieux?

- Ce n'est rien. Le repas n'est pas passé, c'est tout.

Scully soupira et remit le contact. Ils avaient prévu de s'arrêter pour la nuit dans un motel et elle se concentra sur la route. Quelques minutes plus tard, elle dut stopper à nouveau pour Mulder.

Motel 6. 0h20.

Scully avait fini par s'endormir, épuisée par la tension nerveuse de ces deux derniers jours. Elle s'inquiétait pour Mulder, qui avait à peine touché à son dîner et qui contrairement à son habitude avait filé directement dans sa chambre après lui avoir souhaité bonne nuit. D'habitude, il aimait rester avec elle pour discuter un peu en regardant un vieux film. Assis l'un contre l'autre, ils savouraient ces trop rares moments d'intimité et se laissaient aller à quelques confidences. Elle adorait ces moments où il était si proche d'elle, pas seulement physiquement, mais où il ouvrait son coeur et son âme. Elle aimait l'entendre rire à ses blagues, elle aimait se perdre dans ses yeux quand il lui racontait des anecdotes . Leurs mains s'effleuraient, leurs regards devenaient plus intenses. Chaque fois ils étaient près de passer à autre chose, chaque fois ils regagnaient leur chambre respective, frustrés mais le coeur léger et presque soulagés d'avoir contenu leur attirance qu'ils savaient réciproques. Un jour peut être...

Elle se réveilla en sursaut, le coeur battant. Un cri avait déchiré la nuit et elle savait qu’ il venait de la chambre d'à côté. Elle s'habilla rapidement et franchit les quelques mètres qui la séparaient de la chambre de son coéquipier en rassurant les clients affolés qui commençaient à sortir de leur chambre. Elle savait que Mulder venait d'avoir un cauchemar.

Elle ouvrit doucement la porte et alluma la petite lampe de chevet. Il était assis sur le lit, le visage couvert de sueur, ses yeux exorbités reflétant une peur intense. Son souffle était rapide et elle s'empressa de s'asseoir près de lui en lui caressant le dos, lui murmurant des mots d'apaisement. Peu à peu, sa respiration se fit plus lente et il se frotta les yeux, essuyant des larmes d'angoisse.

D'une voix douce, elle lui demanda:

- Samantha?

Il ne répondit pas immédiatement, les yeux perdus dans le vague.

- Non... C'était autre chose... Pardon de t'avoir réveillé.

- Ce n'est rien... Tu veux qu'on en parle?

- Non...

- Tu veux que je reste un peu avec toi?

Il la regarda avec gratitude. Elle savait qu'il avait besoin d'une présence après un épisode de ce genre. Il se poussa sur le côté du lit et tapota l'oreiller près de lui.

Elle lui sourit et s'allongea après avoir éteint la lampe. Elle écouta son souffle qui devenait de plus en plus régulier et elle sut qu'il s'était endormi. Elle essaya de trouver le sommeil.

La chambre était toujours plongée dans le noir lorsque elle s'éveilla. Elle tâtonna le dessus de la couverture et s'étonna de trouver le lit vide. Elle alluma la lumière et regarda sa montre. Il était deux heures du matin. Elle se redressa et vit soudain Mulder assis sur ses talons, contre le mur de la chambre, se balançant doucement d'avant en arrière. Ses yeux étaient à moitié ouvert mais son regard était totalement vide. Il murmurait des paroles que Scully n'arrivait pas à comprendre. Elle se leva doucement. Arrivée à quelques centimètres de lui, elle vit avec effroi la lueur d'une lame de rasoir qui s'approchait dangereusement de son poignet. Avant qu'elle ait pu faire le moindre mouvement pour l'en empêcher, il s'était ouvert les veines. Elle se précipita sur lui et il eut la force de la repousser brutalement avant de s'entailler l'autre avant-bras. Elle se releva rapidement et composa le 911 pour appeler les secours. Mulder s'était laissé tomber par terre, recroquevillé sur lui même, regardant la large flaque de sang qui s'étalait sur la moquette. Il ne fit pas un geste lorsque elle tenta de contenir l'hémorragie.

Huit jours plus tard. Hôpital de Georgetown Washington DC. Secteur Psychiatrique

La jeune femme regardait avec lassitude la vue qui s'offrait à elle depuis trois jours à travers les vitres de la chambre. Elle avait envie de pleurer, de crier son angoisse et sa rage. Elle se tourna vers le lit où il reposait. Elle ne pouvait pas s'habituer à sa vue. Le visage creux et pale, les yeux éteints, les cheveux poisseux par la sueur, il était ainsi depuis trois jours. Une sonde sortait par sa narine gauche, permettant ainsi de le nourrir. Ses poignets bandés étaient maintenus par des sangles de contention, ainsi que ses chevilles et son torse. Ses avants bras étaient couverts d'ecchymoses et de meurtrissures. Elle caressa doucement le dos de sa main, essayant une fois encore d'obtenir une réponse. Les larmes commencèrent à rouler lentement sur ses joues.

Elle ne pouvait s'empêcher de revivre encore et encore la semaine qui s'était écoulée depuis cette nuit où Mulder avait tenté de se tuer. Il avait été transporté quelques minutes plus tard à l'hôpital le plus proche où on lui avait donné les premiers soins. Ses poignets avaient été suturé puis on l'avait installé en observation dans une chambre seule. Lorsque Il s'était réveillé deux jours plus tard, profitant de l'absence de surveillance, il s'était empressé d'ôter la perfusion et avait quitté la chambre, errant dans les couloirs, revêtu d'une simple chemise d'hôpital trop

courte pour lui. L'infirmière de garde l'avait vu avec effroi se précipiter sur la fenêtre la tête la première. Le choc avait été terrifiant et il s'était retrouvé à terre, inconscient, le visage couvert de sang. Il avait subi un scanner cérébral qui avait montré une simple contusion. Devant son comportement suicidaire, il avait été fortement sédaté, mis sous contention et transporté dans l'unité psychiatrique de Georgetown. Jamais il n'avait été capable de parler avec Scully, ne semblant pas la voir, ignorant sa voix. Il semblait avoir basculé dans un monde intérieur inaccessible. Lorsque les drogues ne faisaient plus effet, il se recroquevillait en lui même, refusant tout contact et toute nourriture.

Scully vit avec espoir les yeux de Mulder se tourner vers la fenêtre, puis doucement son regard se fixa sur elle. Elle lui sourit à travers ses larmes et serra sa main.

- Salut.

Il tenta de lui répondre mais sa gorge desséchée refusa de coopérer. Elle lui offrit un verre d'eau qu'il avala avec difficulté, lentement alors qu'elle soutenait sa nuque humide. Ses yeux ne la quittaient pas.

- Scully... Qu'est ce que je fais là?

Sa voix était rauque et sourde. Il se rendit compte avec angoisse que des sangles le maintenaient et qu'il ne pouvait pas bouger. Sa respiration se fit plus rapide.

- Calme toi... Ce sont des sangles de contention.

- Qu'est ce qui s'est passé? Enlève moi ça...

Elle soupira.

- Je ne peux pas. Mulder je suis désolée. Je ne peux pas t'aider.

- Mais...

- Tu as tenté de mettre fin à tes jours, Mulder. Deux fois. Tu ne te souviens donc pas?

Ses yeux reflétaient l'étonnement et la peur. Il continuait d’hyper ventiler et soudain Scully paniqua. Elle pressa le bouton d'appel et s'éloigna du lit, laissant les infirmières s'occuper de son partenaire qui s'était mis à crier en les voyant arriver. Il hurla encore plus fort pendant l'injection du calmant puis progressivement son corps se détendit et il retrouva une respiration normale. Les seuls mots qu'il prononça furent un appel au secours.

Deux jours plus tard.

Scully était assise dans le bureau du docteur Kerrington depuis bientôt deux heures. Ils cherchaient à comprendre la raison qui avait poussée Mulder à vouloir commettre l'irréparable. Il coopérait difficilement et le médecin avait demandé à la voir pour tenter d'expliquer son comportement. La complexité du sujet était un véritable challenge pour ce psychiatre expérimenté.

Son patient semblait être un être brillant mais au passé émotionnel chargé avec la disparition de sa soeur et l'intense sentiment de culpabilité qui l'habitait. Sa partenaire semblait toutefois persuadée que son tempérament suicidaire récent n'avait pas été déclenché par une réminiscence de son passé. Ils cherchaient donc tous les deux à savoir ce qui avait pu le conduire à cette douloureuse extrémité.

Ils relisaient ensemble le rapport sur leur dernière enquête que Scully avait rédigé. Un détail attira l'attention du praticien.

- Les enfants dont vous avez découvert les corps étaient battus n'est ce pas?

- Oui. Ils avaient subi des sévices corporels importants.

- Et sexuels?

- Certains, oui. Où voulez vous en venir ?

- A t'il déjà évoqué ce problème avec vous? Avez vous déjà parlé de la maltraitance infantile?

Scully fronça les sourcils.

-Non... Je ne crois pas.

- Pensez vous qu'il puisse avoir été victime de maltraitance ?

Scully resta silencieuse quelques instants.Elle connaissait peu l'enfance de Mulder, il avait toujours été très secret sur cette partie de son passé.

- C'est possible... En fait je ne sais pas. Pensez vous que cela soit l'explication à son comportement ?

- Il est possible que ces cas d'enfants maltraités ont réveillé en lui une partie de sa vie qu'il a voulu occulter. Il faut essayer d'en savoir plus. Avez vous la possibilité d'accéder à son dossier médical ? Je vais essayer moi même de le mettre face à cette hypothèse et voir comment il réagit, avec les précautions d'usage.

Scully acquiesça et quitta le bureau du psychiatre.

Trois heures plus tard. Hôpital de Georgetown - Secteur Psychiatrique - Chambre d’isolement.

Le docteur Kerrington regardait avec attention son patient qui avait choisi de rester debout, dans un coin de la pièce. Son visage était pâle et ses lèvres serrées, et il regardait avec dégoût les murs tapissés de mousse et la petite lucarne de la porte.

Il avait choisi lui même sa position préférée, assis en lotus, au milieu de la pièce. Il avait demandé à avoir un entretien avec Mulder alors que celui ci était sans neuroleptique depuis plusieurs heures. Il n’avait pas encore prononcé une seule parole, restant sur la défensive.

Kerrington choisit de parler en premier pour jauger de la pertinence de la réponse de son patient.

- Mulder, vous savez pourquoi vous êtes là. Nous allons tenter de découvrir la raison de votre geste. Je sais que vous ne voulez pas en parler, mais nous n’avons pas d’autre choix. Si vous ne coopérez pas, vous allez rester dans ce service pendant de longs mois. Est ce cela que vous souhaitez ?

Mulder le regarda d’un air agressif, mais très vite son regard se fit douloureux.

- Non...

- Vous savez que nous sommes obligés de prendre des précautions. Si vous coopérez, vous serez transféré dans une chambre telle que celle ci, vous ne serez plus sanglé dans votre lit et abreuvé de neuroleptiques. Si vous acceptez de vous nourrir, vous pourrez déjeuner au réfectoire avec les autres patients. L’infirmière de garde m’a dit que vous n’aviez pas touché à vos repas depuis deux jours. Vous préférez peut être la sonde gastrique ?

Mulder baissa les yeux et Kerrington vit ses épaules se soulever lentement. Son patient était épuisé et c’était le moment d’aborder le sujet de la maltraitance.

- Parlez moi de ces enfants que vous avez découvert, Mulder. Que leur est-il arrivé ?

Mulder le fixa soudainement et le psychiatre reçut comme une décharge la terreur au fond de ses yeux. Il vit Mulder respirer soudain plus vite et sa voix n’était qu’une murmure lorsque il lui répondit.

- Ils ont été battus... Battus à mort. Certains ont été violés. La plupart était des garçons de moins de dix ans...

- Comment avez-vous réagi à la vue de ces enfants, Mulder ?

- Je... J’ai été bouleversé. Scully était bouleversée elle aussi. Nous avons résolu l’affaire assez vite, et nous avons quitté la ville aussitôt après.

- Aviez-vous déjà été confronté à une telle affaire, Mulder ?

- Non... Non. C’était la première fois...

Kerrington le vit progressivement devenir plus agité, il triturait ses mains l’une contre l’autre, ses pouces passaient sur les cicatrices toutes fraîches de ses poignets. Il passait ses mains dans ses cheveux nerveusement et son regard fuyait. Des gouttes de sueur perlaient à son front.

- Vous même, avez-vous déjà été confronté à la maltraitance, Mulder ?

Il se tourna vers le mur, cherchant une issue, respirant de plus en plus vite.

- Mulder, répondez-moi.

Il se laissa tomber à terre et se mit à se balancer de façon automatique d’avant en arrière, murmurant des paroles que Kerrington ne pouvait pas entendre à l’endroit où il se trouvait. Il s’approcha de lui doucement, sans se lever, et essaya de comprendre le murmure qui franchissait difficilement les lèvres serrées de son patient.

- Laisse moi... Laisse moi... Laisse moi....

C’était comme une prière, et Mulder semblait à nouveau avoir coupé les liens avec le monde qu’il l’entourait. Il mordait ses lèvres au sang et se laissa rouler sur le sol capitonné, recroquevillé en position foetale.

Kerrington sut qu’il avait sa réponse. Il quitta lentement la pièce et demanda à deux infirmiers de veiller sur lui, après lui avoir fait une injection de Valium.

Quartier Général du FBI. Bureau de Skinner.

Scully lisait avec un dégoût croissant le dossier médical que Skinner avait fini par lui procurer, après maintes discussions. Les rapports se succédaient, effrayants de régularité.

Juin 1969 - Hôpital de Chilmark.

Contusions diverses sur le corps dues à une chute en vélo. Fracture de l’avant bras gauche, coupure profonde au front et à la lèvre inférieure.
Deux jours d’hospitalisation.

Octobre 1969 - Hôpital de Chilmark

Brûlures au deuxième degré au niveau des cuisses.

Janvier 1971- Hôpital de Vermont

Contusions diverses.

Scully déglutit avec difficulté en se forçant à lire le dossier jusqu’au bout. Comment se pouvait-il que toutes ces hospitalisations n’aient pas alertées un seul médecin ? C’était limpide. Mulder avait été maltraité pendant de longues années, avant que sa mère ne décide enfin à demander le divorce pour protéger son fils.

Elle relut avec attention le dernier rapport d’hospitalisation. Cela s’était produit en juin 1974, quelques mois après la disparition de Samantha. Mulder avait été victime d’un malaise qui avait conduit son institutrice à le faire hospitaliser. Avant que les parents soient prévenus, Fox avait été examiné et un médecin plus scrupuleux avait enfin fait la relation entre toutes ces blessures et l’état de son jeune patient. Il présentait alors de nombreuses cicatrices sur le dos et le haut des cuisses.

Le service social avait enfin été prévenu et les parents convoqués. Bill Mulder avait toujours nié de maltraiter son fils, mais sa mère, dans un sursaut de conscience, avait décidé de parler et profiter ainsi pour pouvoir divorcer.

- Connaissiez-vous ce rapport, Monsieur ?

Scully s’adressa à Skinner avec un sanglot dans la voix.

- Non. C’est un dossier médical, Agent Scully. Il est soumis au secret. Seules les circonstances actuelles ont permis que vous y ayez accès.

- Il faut le transmettre au docteur Kerrington. Il saura peut être comment aider Mulder...

Trois jours plus tard. Secteur Psychiatrique de l’hôpital de Georgetown

Kerrington écoutait parler Mulder depuis une heure. Pendant trois jours, il l’avait écouté relater le cauchemar de son enfance, avec chaque fois les mêmes sanglots, la même horreur dans la voix. Mulder semblait s’ouvrir chaque jour un peu plus, cherchant au plus profond de lui même les souvenirs traumatisants occultés depuis tant d’années.

Il ne semblait plus vouloir se détruire physiquement, comme s’il avait compris que la seule façon d’exorciser son drame était de le raconter.

Kerrington avait autorisé que Scully soit présente pendant les sessions et il la regardait pâlir à l’évocation des sévices endurés par son partenaire. Il la sentait prête à le prendre dans ses bras pour tenter d’atténuer sa douleur, mais elle savait aussi que la parole était nécessaire et qu’il fallait que Mulder aille juste au bout de son histoire.

Mulder portait son calvaire sur son visage. De grands cernes gris entouraient ses paupières, ses prunelles mordorées étaient délavées par l’épuisement et la douleur. Il avait perdu plusieurs kilos et flottait dans son jean et son tee-shirt. Sa voix était éraillée à force de sanglots et de cris et il murmurait maintenait plus qu’il ne parlait.

Kerrington regarda sa montre et se leva, mettant fin à la session du jour. Mulder le regarda avec gratitude, et se laissa conduire à sa chambre, suivi de Scully. Il marchait comme un automate, complètement perdu dans ses pensées. Les sessions l’épuisaient et il n’aspirait qu’à dormir. Il s’allongea lourdement, sans même prendre la peine d’ôter ses baskets. L’infirmier lui présenta un comprimé qu’il avala sans un mot. Scully resta près de lui jusqu’à ce qu’il s’endorme.

Bureau du docteur Kerrington

Le psychiatre lisait une fois encore le dossier médical de son patient. Il comprenait le mécanisme qui avait poussé Mulder à oublier son passé. La nuit de l’enlèvement de Samantha, Fox avait été battu si brutalement qu’il s’était retrouvé à l’hôpital dans le coma. Une fracture du crâne, des doses élevées d’anti-douleurs et le choc de cette dernière scène l’avaient conduit à occulter presque complètement les sévices de son père. La dépression qui avait suivie la perte de sa soeur avait fini par faire disparaître complètement ses souvenirs. Il s’était alors focalisé sur la recherche de sa soeur disparue, puis était venue la culpabilité. Les années aidant, il s’était reconstruit peu à peu, puisant sa force dans des études brillantes puis dans son travail au FBI.

Il était devenu l’un des meilleurs profilers de sa génération, avant de choisir une autre voix, plus étrange, mais au combien compréhensible.

D’après les témoignages de sa partenaire, sous des apparences trompeuses, il était un homme d’une extrême sensibilité, qui bâtissait des murs autour de lui pour se protéger. Elle ne lui connaissait pas de relation durable avec des femmes, exceptée avec elle même. Les rapports avec sa mère étaient des plus distants et le psychiatre en était fortement conscient puisque elle n’avait pas pris la peine de voir son enfant hospitalisé. Les rapports avec son père avaient été difficiles jusqu’à sa mort, il y a quelques années. Fox avait pourtant été atteint par ce décès soudain.

Kerrington savait que même les enfants battus gardaient des liens affectifs avec leurs bourreaux et Fox n’échappait pas à la règle.

Le défi maintenant était de voir comment cet être traumatisé par la réminiscence de ses souvenirs d’enfance allait pouvoir faire face à sa nouvelle réalité, en gardant suffisamment d’équilibre pour continuer à travailler dans un contexte de stress extrême.

Chambre de Fox Mulder. Hôpital de Georgetown.

Mulder regardait pensivement la neige tombée à travers l’épaisse vitre de Plexiglas. Les sessions avec le Docteur Kerrington s’étaient progressivement espacées et il en gardait un souvenir amer et douloureux. Le psychiatre l’avait mis sous antidépresseurs mais cela ne suffisait pas à contenir l’immense sentiment de tristesse qui l’envahissait à chaque fois qu’il laissait ses pensées s’évader. Il s’était toujours senti à part, pendant sa scolarité, pendant ses études à Oxford, au FBI et il en comprenait maintenant la raison profonde. Il se sentait rejeté, comme il avait été rejeté par son père, par sa mère puisque même elle n’était pas capable de contenir la fureur de son père envers lui, puisque elle avait fui la réalité après la disparition de Samantha.

Samantha... La jeune femme qu’il avait rencontré par l’intermédiaire du Fumeur, qui semblait être Samantha, elle même l’avait rejeté puisque elle avait refusé de le recontacter, malgré ses prières.

Un intense sentiment de solitude l’envahit. Il se sentait désespérément seul, sans famille, sans véritable ami. Sa seule référence, son seul repère était Scully. Scully à qui il n’était pas capable de témoigner son amour, un amour qui lui faisait peur... Au fond de lui, il était persuadé que personne ne pouvait l’aimer. Son analyse de psychologue savait maintenant pourquoi il possédait ce sentiment en lui. C’était une libération, mais la délivrance était plus que douloureuse.

Il était constamment au bord des larmes et s’interrogeait sur sa capacité à pouvoir réagir, à reprendre le cours "normal" de sa vie.

Il n’eut pas besoin de se tourner pour savoir que Scully était entrée dans la pièce. Il avait reconnu son pas. Il accrocha un sourire à ses lèvres et se tourna vers elle. Elle lui sourit en retour et lui déposa un baiser léger sur les joues.

Il savait malgré tout qu’elle n’avait pas de bonnes nouvelles. Elle se racla la gorge et d’une voix douce lui annonça le verdict.

- Mulder, Kerrington ne veut pas te laisser sortir... Pas avant plusieurs jours... Peut être quelques semaines.

Mulder ne put empêcher ses yeux de se remplir de larmes.

- Il veut être sûr que tu n’essayeras pas pas à nouveau de mettre fin à tes jours.

- JE NE SUIS PAS SUICIDAIRE, SCULLY !!! Est ce que quelqu’un peut comprendre ?

Il se laissa tomber à terre, enlaça ses genoux avec ses bras et baissa la tête. Des sanglots secouaient ses épaules.

Scully s’agenouilla près de lui et lui caressa la nuque tendrement.

- Je sais, Mulder... Je sais... Mais je pense aussi que tu as besoin de temps pour...

- Je ne pourrais jamais plus oublier, Scully... Il faut que j’apprenne à vivre avec ces maudits souvenirs. Mais je sens que je n’essayerais jamais plus de me tuer... J’ai commis ces deux tentatives alors que j’étais émotionnellement choqué, bon dieu ! N’importe qui aurait fait la même chose ! Comment faire autrement ? Comment ne pas avoir envie de mourir quand vous revoyez votre père vous rouer de coups et vous hurler dessus ? Comment ne pas vouloir mourir en ressentant la douleur comme si c’était hier, en revoyant le visage de l’enfant que vous étiez tuméfié et ruisselant de larmes ? Comment n’avoir pas envie d’oublier pour toujours la terreur et la solitude ?

Il sanglotait maintenant sans retenue, ignorant les gestes d’apaisement de Scully, la douceur de son corps contre lui, ses bras qui l’enlaçaient si fort.

- Chuuut.... Je suis là, Mulder. Je suis là....

Elle prit son visage dans ses deux mains et l’obligea à la regarder dans les yeux.

- Je serais toujours là pour toi, Mulder. Crois moi.

Il essaya de reprendre sa respiration mais des sanglots le secouaient encore par intermittence. Ses yeux étaient rougis par les larmes de désespoir et sa gorge lui faisait mal à force de pleurer. Il réussit tout de même à lui offrir un sourire timide et délicatement posa ses lèvres sur les siennes.

Scully répondit à la pression des lèvres de Mulder et se retira doucement, caressant ses cheveux.

- Je vais tout faire pour que tu puisses sortir bientôt, Mulder, tu m’entends ? Même si je dois faire le siège du bureau de Kerrington pendant des jours, tu seras sorti pour Noël ? Ca te va ?

Mulder fit un rapide calcul dans sa tête. Noël était dans deux semaines.

Domicile de Margaret Scully. Vendredi 24 décembre.

Maggie attendait sa fille avec impatience. Billy et Tara étaient arrivés la veille au soir, avec leur petit Matthew, Charles et Karen seraient là dans quelques heures avec leurs deux enfants. Dana l’avait tenu au courant de l’état de Mulder jour après jour et elle avait hâte de le serrer dans ses bras. Le fait de penser qu’il avait été maltraité toutes ces années l’avait dégoûté et elle comprenait maintenant son attitude un peu distante. Elle l’aimait. Elle l’aimait comme ses propres enfants. Elle l’aimait par ce qu’elle savait ce qu’il représentait pour sa fille. Et elle n’espérait qu’une seule chose : que ces deux êtres puissent enfin trouver le bonheur, pour effacer les démons du passé.

Elle sourit en voyant se garer la voiture de Dana. Elle prit son manteau et sortit à leur rencontre. Dana se précipita dans ses bras, le visage un peu pâle, les joues un peu creuses, mais le sourire aux lèvres. Puis Maggie se tourna vers Mulder, amaigri, les yeux cernés de gris, mais elle lut dans ses yeux la joie d’être là. Elle le prit dans ses bras et le serra de toutes ses forces.

- Soyez le bienvenu, Fox. Vous êtes chez vous ici.

Il ne lui répondit pas mais lui sourit faiblement. Retrouver Maggie et la chaleur de son foyer était pour lui plus important encore depuis quelques temps. C’est sa famille. Il était le bienvenu, et c’est un sentiment qui le bouleversait. Il essuya rapidement quelques larmes qui s’échappaient de ses paupières.

- Pas de ça aujourd’hui, Fox. Nous allons fêter Noël, tous ensemble, tous réunis. La joie doit être dans nos coeurs.

- Je ne peux pas vous promettre d’être heureux, Maggie. Je veux juste essayer de... de vivre à nouveau.

- Je suis sûre que vous saurez trouver le chemin du bonheur, Fox. Et sachez que je serais toujours là si vous avez besoin de moi.

- Je le sais, Maggie... Et je vous en remercie... De tout mon coeur.

Salon de Maggie - Soir de Noël.

Le repas s’achevait tranquillement, et les conversations se croisaient, gaies et animées. Scully suivait Mulder du regard avec attention, elle le trouvait courageux de faire des efforts pour s’intégrer à sa famille. Le plus difficile était avec Bill. Il n’avait pas oublier que son frère l’avait traité de salaud lorsque elle était entre la vie et la mort. Les deux hommes s’évitaient comme la peste et Maggie faisait tout pour atténuer la tension entre ces deux là.

Matthiew s’était lové contre la poitrine de Mulder et s’était endormi en quelques minutes, faisant sourire les quatre femmes présentes autour de la table. Mulder était devenu pour le petit garçon Oncle Mulder et il ne ratait pas une occasion de jouer avec lui.

Scully savait aussi pertinemment que Mulder était épuisé et luttait pour rester éveillé. Il avait peur de se coucher, peur de retrouver les cauchemars récurrents qui s’étaient manifestés depuis qu’il avait retrouvé la mémoire. Il avait peur de déranger ces êtres chaleureux et tendres qui étaient devenus sa famille.

Elle s’approcha de lui, posa la main sur son épaule et lui murmura à l’oreille :

- Ne serait-ce pas l’heure de te coucher ? Tu as l’air épuisé.

Il leva son regard délavé vers elle et acquiesça de la tête.

- Je te conduis à ta chambre.

Il déposa délicatement le petit garçon endormi sur le canapé du salon, esquissa un tendre baiser sur le front tiède de Matthew avant de prendre congé de chacun.

Scully l’entraîna à travers la maison et l’aida à se déshabiller, effleurant au passage son corps mince. Ils s’embrassèrent passionnément et elle lui tendit deux comprimés.

- On se retrouve demain matin devant le sapin, Mulder. Dors bien.

- J’ai peur de ...

- Je sais, Mulder. Mais tout ira bien. Je suis dans la chambre à côté. Si tu as besoin de moi, je suis juste à côté.

Il se coucha dans les draps frais et ferma les yeux. En quelques instants, il s’était endormi.

Jour de Noël. 8 Heures du matin.

Maggie sursauta en entendant des pas derrière elle. Elle sourit en voyant Fox s’avancer vers elle et l’embrasser tendrement.

- Trop impatient pour rester au lit, c’est ça ?

Il ne lui répondit pas et lui tendit un petit paquet qu’il maintenait derrière son dos.

- Je voulais vous l’offrir avant que tout le monde ne soit là... Joyeux Noël, Maggie.

- Oh, Fox... Merci. Vraiment merci.

Maggie ouvrit délicatement l’enveloppe qui accompagnait la petite boite enrubannée.

Le plus joli mot est sans doute celui de Maman. Et vous êtes la plus douce, la plus aimante des mères. Merci pour la joie que vous répandez autour de vous, merci pour l’amour que vous donnez.

Elle ouvrit le paquet et ne put se retenir d’étouffer un cri. Dans un écrin bleu, elle découvrit une magnifique croix sertie de turquoise.

- C’est magnifique, Fox.

Elle mit la main sur son coeur et l’étreignit avec force.

- Merci mon garçon...

- Maggie, je vous aime tant...

Mulder retint ses larmes mais ses joues furent bientôt humides.

Elle se dégagea de son étreinte et leva un regard lumineux vers lui.

- Je vous aime comme mes propres fils, Fox. Alors appelez moi Maman.

FIN.

 

2EME PARTIE

Titre : Les questions.

Auteur : Valérie

Catégorie : MulderAngst, MSR
Spoilers : Aucun
Mulder POV

RÉSUME : Cette histoire est la suite de LA RÉMINISCENCE DU PASSE. Mulder tente de comprendre les raisons de l’attitude de sa mère pendant son enfance.

DISCLAIMER Non, je n’ai pas inventé les personnages de Mulder et de Scully. Chris Carter, notre père à tous, s’en est chargé et la Fox nous les a offert.
Feedback : obligatoire, please !

 

 

Trois mois ont passés depuis que je suis sorti de l’hôpital psychiatrique. Skinner m’a autorisé à reprendre le travail dès que j’ai pu tenir debout une journée entière. L’épreuve que j’ai subi m’a épuisé, physiquement et moralement. Je vois deux fois par semaine la psychiatre du bureau, en qui j’ai toute confiance. Elle m’aide à mettre en place les sentiments complexes qui m’habitent.

Mais le poids des souvenirs est pesant et j’ai quelquefois du mal à surmonter l’immense désarroi qui me submerge. Seule la présence de Scully me délivre de mes angoisses et de mon désespoir, affectueuse et attentive. Notre relation gagne en tendresse et en intimité, à petits pas, comme si je n’avais pas encore la force de m’investir plus avant. Je sais qu’elle m’attend et j’apprécie qu’elle respecte non pas mon hésitation mais le fait que je ne sois pas prêt.

Maggie joue un grand rôle dans mon nouvel équilibre. Nous ne passons pas un week end sans qu’elle nous reçoive chez elle, et j’ai maintenant l’impression de revenir chez moi à chaque fois que je franchis le seuil de sa maison. Elle m’entoure de tendresse et de sollicitude, me traitant comme le plus fragile de ses enfants, mais sans pour cela me prendre en pitié. Elle me tance vertement lorsque je sombre dans la mélancolie, me rappelant à l’ordre avec humour et affection.

J’ai pris la décision d’aller voir ma propre mère, pour essayer de comprendre son attitude, et l’attitude de mon bourreau. Mes questions resteront peut être sans réponse, mais il faut que j’aille jusqu’au bout de mes souvenirs.

Scully s’est proposée de me conduire chez elle, car je n’ai toujours pas récupérer mon permis de conduire, du fait de la permanence de mon traitement médical. J’ai refusé gentiment, je veux être seul face à la femme qui se prétend être ma mère. Mes sentiments envers elle sont complexes car elle est la seule famille qui me reste et je ne peux m’empêcher de l’aimer, mais je ne peux également m’empêcher de la détester en me souvenant de son comportement passif durant toutes ces années.

 

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Dans le taxi qui me conduit à Greenwich je réalise soudain combien Sam me manque désespérément, malgré toutes ces années.

Elle était ma seule alliée. Quand mon père commençait à vouloir passer ses frustrations, c'était toujours sur moi. Mais je pouvais toujours compter sur elle pour se mettre à pleurer et le supplier d'arrêter de me battre, ce qu’il faisait la plupart du temps, après m’avoir donné un dernier coup de pied. Maman était dans la chambre, et le son de la télé était haut, très haut.

Je me mets à frissonner involontairement en repensant à ces moments de mon enfance.

Alors que je m'avance vers la porte de la maison, je deviens nerveux. Je ne lui ai pas parlé depuis des mois et je ne sais pas comment elle va réagir à ma visite. Je sais qu’elle est au courant de ce qui m’est arrivé il y a trois mois, Scully l’a appelé pour l’en informer et la supplier de venir me voir.

Je sonne, elle ouvre la porte. Je peux voir une certaine hésitation sur son visage.

- Fox. Que se passe t'il ? dit elle sans aucune émotion, le visage froid.

- Rien de spécial maman.

Je sens la pluie qui me coule dans le dos et me fait grelotter.

- Pourquoi es tu là ?

- J'aimerais de le dire dans la maison, si tu veux bien. Tu me laisses entrer ?

- Entre, tu vas être trempé.

Je réalise qu'elle parle d'une voix neutre et ça me fait mal.

- Alors ? Que fais tu là ?

- Je voulais te voir.

- Et ?

- Je voulais parler un peu avec toi. Tu m'offres un café ?

Elle me fait signe de la suivre dans la cuisine. La pièce est froide, incolore. On dirait une gravure de mode. Rien à voir avec la merveilleuse cuisine de Maggie, vivante et chaleureuse, pleine de vie.

Je remarque alors une bougie allumée .

- Maman, qu'est ce que cela signifie ?

- C'est une bougie du souvenir, Fox. Tu sais très bien ce que cela signifie.

- Je sais ce que c'est, maman. Mais je n'en comprend pas la signification... Oh mon Dieu....

Je réalise soudain ce que cette bougie signifie. Cette révélation me fait frémir.

- C'est son anniversaire, Fox. Tu comprends maintenant ?

Je réponds dans un état second.

- Mais elle n'est pas...... morte.

- Je t'en prie, Fox, cesse un peu. Quand tu avais douze ans, j'ai accepté cette version. Mais plus maintenant. C'est un peu déplacé. Comment ne peux tu pas croire qu'elle est morte ? Depuis bientôt six ans j'allume cette bougie du souvenir. Et j'ai fait dresser une pierre tombale pour elle dans un petit cimetière non loin d’ici, un endroit paisible où je peux me recueillir. J’ai accepté sa mort. Enfin.

- Mais elle n'est pas morte. Elle ne peut pas être morte, Maman.

Je me rends compte que ma voix se casse en prononçant ces derniers mots. Ma gorge est si serrée que je peux à peine parler.

- Ca suffit. Tiens voilà ton café.

Elle pose ma tasse presque brutalement sur la table, sans me regarder.

Est ce que c'est elle qui a raison ? Est ce que c'est moi qui préfère ne pas voir la vérité en face ? Mes pensées me submergent soudain.

Non... Je sais que mon intuition est bonne. Je sais qu'elle est vivante, même si je ne peux pas en apporter la preuve. Je veux tellement y croire...

- Maman, je suis sûr qu'elle est vivante.

- Pourquoi, Fox ? Pourquoi crois tu qu'elle est vivante ?

Ma mère commence à hausser le ton. La tension dans la pièce devient palpable. En la voyant, je m'aperçois qu'elle est enfin prête à me dire ce qu'elle a sur le coeur depuis si longtemps.

- Tu crois qu'elle est vivante pour te dégager de ta culpabilité, c'est ça ? Tu insistes sur ce fait pour éviter de penser que tu as une responsabilité directe sur sa mort ?

Le ton de sa voix est terrible, strident.

Je reste là, incapable de lui répondre. Ma propre mère pense que je suis responsable de la disparition de ma soeur. Ma propre mère... Je me sens dévasté. Le seul membre de ma famille qui me reste me rejette, définitivement.

- Mais elle était ma soeur ! Je ne peux pas étouffer mes larmes et mes sanglots. Elle était la seule sur qui je pouvais compter quand...

Je m'arrête un instant, car je ne suis pas sûr que maman se rende compte du rôle que jouait Sam à l'époque.

- Elle était mon protecteur, Maman. Je l'aimais, bien sûr, mais j'avais besoin d'elle. Tu te souviens de la vie qu'on avait avant ? Tu te souviens de ce qu'il me faisait ?

- Fox je ne vois pas ce que tu veux dire.

- Maman, comment peux tu éviter de comprendre ce dont je parle ? Maman, il me battait... Tu veux essayer de me dire que tu ne te souviens pas ? Il me battait tellement...

Je la regarde, et j'essaye de lui faire comprendre ce que je ressens. Mais pas de larme dans ses yeux, elle tente de refouler toutes ses émotions.

- Maman, quand papa rentrait du travail, souvent ivre, il était toujours en colère contre quelque chose. Et sa colère se déversait toujours sur moi. Il me giflait, me ruait de coups. Il y a une seule personne dans la maison qui pouvait l'en empêcher Et c'est pourquoi je voulais que Sam soit là quand il rentrait, parce que je ne savais jamais de quelle humeur il allait être en rentrant.

Je sais que ça peut être curieux de prendre sa petite soeur comme protecteur, mais elle l'était. Je l'aimais, et j'avais besoin d'elle. Je n'aurais jamais laisser quelqu'un lui faire du mal. Tu devrais le savoir.

Je la regarde enfin et je m’apprête à poser une question qui le tient à coeur depuis tant d'années.

- Maman, pourquoi n'as tu jamais essayé de l’empêcher ? Pourquoi allais tu dans ta chambre, pourquoi fermais tu ta porte pour ne pas entendre ses cris et mes pleurs ?

Ma voix est déformée par les sanglots, mais peu m'importe ma dignité. Je dois entendre sa réponse.

- Je n'avais pas le choix. Je ne pouvais pas me permettre de m'impliquer, répond t'elle d'une voix sourde.

- Je ne comprends pas.

- Ce n'est pas compliqué. Je ne pouvais pas me permettre de m'impliquer dans cet aspect de ta discipline.

- Discipline ? Oh mon dieu, maman, c'est la chose la plus stupide que j'ai jamais entendu. Discipline ? Tu appelles ça discipline ? Il ne se passait pas trois jours sans qu’il me batte, il ne se passait pas dix jours sans que j’atterrisse à l’hôpital pour les motifs les plus divers. J’ai eu accès à mon dossier médical, maman. J’ai lu les rapports des médecins, j’ai compris d’où me venait les différentes cicatrices que je porte sur mon corps... Ce n’était pas de la discipline, maman, c’était de la maltraitance poussée à l’extrême. Quand je me suis rappelé de ça, maman, j’ai essayé de me tuer... Scully t’a mise au courant.

- Il te dressait, et je n'avais rien à dire. Il m'avait dit de ne pas m'en mêler.

- Mais pourquoi ?

- Parce que il était supposé que ce soit toi, Fox. C'est toi qu'ils devaient enlever. Je le savais depuis que tu étais un bébé. Et je ne pouvais pas me permettre de m'impliquer émotionnellement et physiquement envers à toi. Je devais être capable de me détacher de toi lorsque ils t'auraient pris.

- Ca devait être moi ?

Je me souviens soudain de ce dossier secret aperçu dans l’ancienne mine.

- Oui. Depuis le début. Et je ne pouvais pas me permettre de ...

Je me permets de finir sa phrase.

- De m'aimer... C'est ça n'est ce pas ? Tu ne pouvais pas te permettre de m'aimer.

Ma voix n'est plus qu'un murmure. Ma gorge est si serrée que ça me fait mal.

- Même quand tu voyais qu'il me battait ? Même quand tu voyais le résultat de sa brutalité sur moi ? Tu ne pouvais pas m'aimer un peu ?

- Fox, je ne pouvais t'aimer, ou je serais morte moi même.

Sa dernière phrase est un murmure.

- Mais je suis ton fils...

- Non.

- Non ?

- Je t'ai donné la vie, Fox, mais je savais que tu ne m'appartiendrais pas. Tu étais voué au Projet, et je ne devais pas m'attacher à toi. Je devais t'élever, mais dans l'optique que tu disparaisses un jour. Ton père faisait de même. Mais il avait plus de mal à suivre cette idée, ce qui l'a poussé à boire, et à passer ses frustrations sur toi. En battant et en t'humiliant, il avait plus de force pour ne pas t'aimer.

Je me mets à frissonner soudain. Mon corps entre en état de choc en entendant ces révélations et je ne sais pas quoi faire.

- Je ne peux pas le croire... Comment as tu pu accepter cette situation ? J'étais ton fils, nom de Dieu....

J’essaye de reprendre un peu le fil de ma pensée.

- Et après ? Après que Sam soit partie, j'étais le seul qui restait. Comment as tu réagi à cette situation ?

- Ils devaient te prendre, Fox, et ils ont pris ma petite fille. Je ne pouvais pas croire qu'ils aient pris mon bébé à la place de toi. C'était supposé être toi. J'étais préparée à ce que cela soit toi. Je t'aimais pas, Fox. Mais j'aimais Samantha. Oh mon Dieu comme je l'aimais. Je lui ai donné tout mon amour, tout l'amour que je ne t'ai pas donné. Ton père était pareil. Il ne pouvait rien lui refuser. C'était l'enfant que nous avions le droit d'aimer.

- Et tu m'as détesté... Tu m'en as voulu de ne pas avoir été enlevé. Tu m'as détesté pour quelque chose dont je n'étais pas responsable, et tu n'as pas réagi plus quand Papa a fait de ma vie un enfer...

Elle répond au bout de quelques minutes de silence.

- C'était trop tard, Fox. Comment peux tu croire que je puisse changer à ce point ? J'avais passé douze ans de ma vie à me préparer à ta disparition. J'avais renfermé mes sentiments pour toi, Fox. Je n'ai jamais pu les exprimer. Il n’y a que lorsque ton père a failli te tuer que j’ai agi... Je ne voulais qu’il devienne un meurtrier. Je ne voulais connaître la honte d’avoir un mari en prison. Il n’aurait pas pu cacher ta mort... comme il avait toujours caché les sévices qu’il t’infligeait.

Ma douleur devient colère à présent.

- Et pourquoi n'y en a t'il pas une pour moi ?

- Une quoi, Fox ?

Elle semble épuisée. Je sens qu'elle ne veut plus parler de tout cela. Elle ne peut de toute façon plus rien y faire.

- Une bougie du souvenir. Pourquoi n'y en a t'il pas une d'allumée pour moi ? Je suis mort pour toi, de toute façon.

- Non.

- Oh, je ne suis pas mort pour toi, Maman ?

Mon ton est sarcastique et je ne peux qu’étouffer un rire nerveux.

- Non. Tu n'as simplement jamais compté pour moi.

Sa réponse m'anéantit. Je ne peux pas croire qu'elle ait prononcé cette phrase. Je me sens vidé de toutes mes forces vives et je n'ai qu'une envie, quitter cette maison.

Je me lève et sans un regard pour la vieille femme assise en face de moi je sors de la maison. Je marche pendant des heures sous la pluie, essayant de chasser les mots qui reviennent sans cesse dans ma tête. Les larmes coulent sur mon visage, se mêlant aux gouttes de pluie qui ruissèlent sur moi. Je marche pendant des heures, jusqu’à ce que mes jambes ne veuillent plus me porter. J’hèle un taxi et je me blottis épuisé sur la banquette arrière, tremblant de froid et de lassitude. Les lumières de la ville m’éblouissent, mes yeux me font mal d’avoir trop pleurés.

J'ai désespérément besoin que Scully me prenne dans ses bras et me murmure que tout va bien et que je compte pour elle.

J'ai désespérément besoin que Maggie me dise que je mérite d'être aimé.

J'ai désespérément besoin que quelqu'un m'aide à ne pas me foutre en l'air après avoir entendu ces horreurs. La tentation est grande de vouloir disparaître à nouveau, d’être enfin en paix. Mais je serais plus fort... Je passe délicatement mes doigts sur les cicatrices encore un peu rougies de mes poignets, je voudrais hurler ma douleur. Je trouve en moi la force de ne pas sombrer.

 

 

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Je l’attends chez lui depuis des heures. J’ai téléphoné chez sa mère qui m’a semblé très perturbée. Son fils est parti de chez elle depuis plusieurs heures. Non, ils ne sont pas disputés, ils ont simplement parlé. Elle lui a ouvert son coeur. Je crains le pire chez cette femme froide et calculatrice. Qu’a t’elle pu lui dire pour le faire souffrir encore plus qu’il n’a déjà souffert ?

Mon inquiétude grandit à mesure que les heures passent. Je ne veux pas alerter la police, il a peut être simplement besoin d’être seul. Mon coeur s’arrête soudain lorsque j’entends la clé dans la serrure. Sa grande silhouette frêle se dresse dans l’entrée et je ne peux m’empêcher d’étouffer un sanglot de soulagement.

Il paraît hagard, et lorsque je m’approche de lui je vois ses yeux rougis et le désespoir qui marque son visage. Il est trempé et des frissons parcourent son corps. Sans un mot, je l’aide à ôter son blouson et lui tend une serviette moelleuse qu’il refuse d’un hochement de tête. Je le conduis jusqu’au canapé et l’invite à s’asseoir. Très doucement, je frotte ses cheveux humides, puis je l’enveloppe dans une couverture légère. Il a le regard d’un enfant perdu. Des larmes coulent doucement sur son visage, et je crois qu’il est incapable de parler. Les mots viendront plus tard. Je sais ce dont il a besoin pour l’instant.

Je le prends délicatement contre moi, il répond à mon étreinte et des sanglots secouent doucement ses épaules. J’embrasse ses joues humides de larmes, sa nuque fraîche, son front large et ses lèvres pleines. Je sens la tension de ses muscles fins, je sens les frissons qui parcourent son corps mince. Ses sanglots s’espacent peu à peu et il semble se détendre. J’embrasse ses paupières qui se ferment et je le sens contre moi, chaud et vivant, et j’entends sa respiration devenir ample et régulière. Je le berce longtemps ainsi, puis je l’allonge imperceptiblement sur le canapé. Il s’est endormi, épuisé.

Les mots viendront plus tard.

 

 

3EME PARTIE

 

Scully POV

 

Mulder a enfin eu la force de me parler de son entretien avec sa mère. Ca s’est passé plusieurs jours après, et ce fut douloureux. Je n’arrive pas à imaginer ce qu’il a pu ressentir en entendant ces mots terribles. J’ai eu l’affreuse impression que le monde s’était écroulé une fois encore autour de lui. Mais au lieu de se renfermer sur lui même, comme il l’a si souvent fait par le passé, il s’est ouvert à moi comme jamais. La solitude qu’il pensait être sa meilleure alliée s’est brusquement transformée en un besoin irrépressible de partager avec moi ses pires souvenirs.

Pendant deux jours et deux nuits, dans une intimité que je n’espérais plus, il m’a ouvert son coeur et son âme, et j’ai pu enfin comprendre les raisons de son attitude si déconcertante. Il n’imaginait pas jusqu’à ce jour pouvoir être aimé, désiré. Toutes les personnes qui l’avaient entourées jusque là l’avaient rejeté et meurtri. C’est un miracle qu’il soit devenu ce qu’il est devenu, un être brillant et attachant. Et je suis fière d’avoir réussi à le persuader qu’il méritait d’être aimé. J’ai séché ses larmes, j’ai embrassé ses lèvres, et nous avons découvert l’un et l’autre l’inénarrable bonheur d’être enfin réunis. J’ai eu l’impression d’avoir enfin trouvé l’équilibre qui me manquait, l’être qui est la réponse à tous mes besoins.

Je le regarde jouer avec Matty dans le jardin de Maman, son rire clair me réchauffe le coeur. Avec son tee-shirt qui flotte un peu autour de son torse mince, son jean élimé et ses cheveux coupés courts, il parait dix ans de moins. Dans ses yeux constellés de paillettes d’or éclate une joie inhabituelle. Ses joues sont rosies par l’effort et un sourire illumine son visage.

Maman s’approche de moi et me prend la main doucement. Elle sait. Elle sait que nous nous sommes enfin trouvés et j’imagine que cette idée la remplit de joie. Je sais malgré tout que le chemin sera long, qu’il ne sera pas totalement heureux tant que nous n’aurons pas résolu la quête qui l’obsède. J’en suis consciente, et même si cette idée me fait un peu mal, même si je voudrais qu’il soit heureux avec moi et uniquement grâce à moi, je l’accompagnerais dans sa quête, jusqu’au bout. Et je serais là à ses côtes quelque soit l’issue.

Je sais que l’homme que je vois devant moi, souriant et détendu, vit une terrible épreuve actuellement. Ses cauchemars récurrents qui m’étaient devenus presque familiers, après six ans de proximité dans les chambres de motels, sont devenus à présent de véritables terreurs nocturnes. Je l’en délivre difficilement, il paraît avoir basculé dans un autre monde. Dans ces moments là, j’ai peur de le perdre, comme je l’ai perdu le soir où il a tenté de mettre fin à ses jours, de mettre fin à ses peurs. Son regard est mort, et ce n’est qu’après de longues minutes de réconfort que j’arrive à le ramener à moi et au monde qui nous entoure. Il ressent alors une sorte de culpabilité et honte qui ajoute à sa détresse.

Je ne sais pas comment il arrive quelques heures seulement après un tel traumatisme à vivre une journée normale. Rien de transpire de ces moments de terreurs. Il est l’homme que j’ai toujours connu, consciencieux, toujours en alerte, vif et brillant. Et drôle. Depuis que nous avons compris nos sentiments l’un pour l’autre, et que nous vivons pratiquement ensemble, je découvre avec bonheur son humour et sa bonne humeur. Il me fait rire. Je n’aurais jamais pensé qu’il soit ainsi. Bien sûr, cette facette de sa personnalité m’avait effleuré, mais nous étions toujours trop concentrés, trop occupés, pour que je m’en aperçoive vraiment. En passant mes jours et mes nuits avec lui, je sais maintenant combien il est agréable à vivre.

J’oublie l’enfant terrorisé qu’il redevient certains nuits... et je suis fière de lui. Je ne sais pas si je serais capable de survivre à de tels souvenirs.

 

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Mulder POV

 

Je cours depuis deux heures et mes pensées commencent seulement à devenir moins chaotiques. Nous avons eu notre première dispute ce matin. Nous vivons ensemble depuis huit mois et nous avons eu notre première vraie dispute. J’ai eu mal... J’ai eu si mal que je n’ai su que prendre la fuite. J’ai chaussé mes chaussures de sport et je suis sorti, et j’ai couru, longtemps, avant que je ne m’aperçoive que les larmes coulaient sur mon visage. J’ai si peur... J’ai si peur la perdre. Elle est devenue ma constante, mon repère. J’ai besoin d’elle si fort et je crains qu’elle n’ait pas besoin de moi d’une façon si impérieuse. C’est un sentiment qui m’angoisse profondément.

J’ai longtemps cru que notre histoire avait débutée parce que qu’elle avait senti que me donner son amour était sa seule façon de me garder en vie, et près d’elle. Que sans elle j’aurais sans doute réitéré mon geste suicidaire. Puis cette pensée m’a quitté, lorsque je me suis rendu compte qu’elle désirait vraiment construire quelque chose avec moi.

Aujourd’hui les doutes m’assaillent. J’ai pourtant tout fait pour essayer de ne pas être une charge pour elle, mais bien un homme sur lequel elle puisse s’appuyer. Les séances avec mon thérapeute se sont progressivement estompées, et même si je continue à la voir, j’en ressens moins le besoin. Le docteur Claire Barnes réussit à me faire parler de souvenirs que j’ai désespérément enfoui au plus profond de moi. C’est difficile. C’est douloureux. C’est nécessaire. J’ai arrêté les antidépresseurs, mes terreurs nocturnes ont pratiquement disparu, je me sens un être différent, neuf. Je sais maintenant que les actions du passé ont construit ma personnalité. En tant que psychologue, c’est presque un comble...

Je m’arrête de courir, à bout de souffle. Mes pas m’ont conduit dans un quartier résidentiel, un peu semblable à celui où je vivais dans mon enfance. Des enfants jouent dehors, leurs cris résonnent dans l’air pur. J’entends soudain une voix claire qui s’élève.

- Cours jusqu’à la voiture !

Et je vois un jeune garçon se précipiter vers le véhicule garé devant la maison. Mon souffle s’accélère soudain, je sens que ma respiration devient difficile. Je n’arrive pas à respirer à fond. Un sentiment de panique m’envahit. Je tombe les genoux à terre et je sens une main se poser sur mon épaule.

- Monsieur ? Ca ne va pas ? Monsieur ?

- Je... ne ... peux .... plus .... respirer .....

- Maman !!!! Appelle une ambulance, vite ! Maman !

Plusieurs minutes se passent, interminables. Mes pensées deviennent confuses. Je sens qu’on s’assoit contre la portière d’une voiture et mes yeux se focalisent sur l’enfant qui est resté près de moi pour me soutenir. C’est un jeune garçon d’environ douze ans, le même qui courait vers la voiture quelques instants plus tôt. Son regard est inquiet.

J’entends les sirènes des secours. Je tente de respirer par petites inspirations mais je sens néanmoins que je perds conscience lentement.

- Scully... appelez Scully.....

 

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Scully POV

Les couloirs de l’hôpital sont bondés. J’essaye d’obtenir des informations, mais le personnel est débordé. Le médecin au téléphone ne m’a pas donné d’informations précises. Mulder a eu un malaise. Mon Dieu faites qu’il aille bien... Nous nous sommes disputés quelques heures plus tôt. J’ai les yeux rougis d’avoir tant pleuré après son départ. Je sais que je lui ai fait du mal. Je m’en veux tellement.

J’arrive enfin à voir le médecin qui s’est occupé de lui en arrivant. Il a fait une crise d’asthme aigue. Je n’étais pas au courant qu’il soit sujet à l’asthme. C’est très étonnant. Son statut d’Agent de terrain n’est pas compatible avec un asthme. La crise est grave mais son état est stabilisé. Je demande à le voir;

On me conduit dans une petite salle comprenant plusieurs box. Il est là, en position semi assise, un masque posé sur son visage. Ses yeux sont cernés d’ombres grises et ses paupières sont fermées. Je vois sa poitrine se soulever rapidement. Je prends sa main doucement. Il sait que je suis là.

Ses paupières s’ouvrent lentement et j’ai du mal à supporter son regard. Il me sourit tristement.

- Comment te sens tu ?

Il soulève le masque d’un geste lent et prend une respiration profonde avant de me répondre.

- Un peu mieux. J’ai du mal à respirer.

- Garde le masque.

Je caresse sa joue tendrement et des larmes roulent sur mes joues.

- Pardonne moi, Mulder. Je n’aurais jamais du te parler ainsi.

Il secoue la tête et ses yeux me sourient. Il prend ma main et la serre tendrement sur son coeur.

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Après trois jours de traitement et de surveillance, Mulder est autorisé à retourner à la maison, muni d’un inhalateur pour prévenir toute autre crise. Cela ressemble pourtant à une crise isolée. J’ai réussi à savoir qu’il a présenté de l’asthme dans l’enfance, jusqu’à l’âge de dix sept ans, jusqu’à son départ en Angleterre. Après réflexion, je pense qu’il s’agit d’une réponse organique à un état émotionnel fort. Notre dispute, son jogging, ont sans doute contribué à l’installation d’une crise aigue. Mais depuis, il parait différent. Des sentiments complexes semblent l’habiter. Et alors qu’il ne voit plus son psychiatre qu’occasionnellement, il demande à prendre rendez vous rapidement.

 

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- Asseyez vous, Fox. Comment allez vous ?

- Mieux, docteur. J’espère ne pas revivre ça avant longtemps.

- Pensez vous que cette crise est due à la dispute dont vous m’avez parlé ?

- Je pense que cela à jouer un rôle, oui... Mais...

- Il y a autre chose, n’est ce pas ?

- Oui...J’ai vu une scène qui m’a fait basculé de longues années en arrière... Et j’ai reproduit l’état qui avait suivi cette scène.

- Parlez moi de cette scène, Fox.

- Je ne suis pas sûr d’avoir envie d’en parler.

- Vous êtes là pour ça, Fox. Vous avez pris rendez vous pour parler de ça. Que s’est-il passé ?

- J’ai vu... un jeune garçon se précipiter vers une voiture et sa mère...

- C’est quelque chose que vous avez déjà vécu ?

- Oui...

- Fox ? Souvenez vous.

- Je ne veux pas... C’est trop difficile.

Claire Barnes s’approcha de son patient et le regarda dans les yeux. Elle avait à nouveau devant elle l’enfant terrorisé qu’elle connaissait si bien depuis quelques mois. Elle l’encouragea du regard. Ses yeux étaient remplis de larmes. Il commença à parler d’une voix sourde.

- C’était après la disparition de ma soeur.... J’étais à la maison avec maman, et pour une fois, elle se comportait normalement, elle n’avait pas pris de cachet. Nous venions juste de finir de dîner, tous les deux, et nous avions passé un bon moment. Elle s’était intéressée à mon travail scolaire, et m’avait même dit qu’elle était fier de moi... Bon dieu c’était si rare... Nous avons entendu mon père rentrer à la maison et on a tout de suite su qu’il était ivre. Il renversait presque tout sur son passage. Maman m’a regardé et j’ai su qu’elle avait peur pour moi... Elle savait parfaitement ce qu’il me faisait subir lorsque il était dans cet état... Mais la plupart du temps... tout le temps en fait... elle était tellement abrutie par les tranquillisants qu’elle faisait semblant de ne rien voir...

Mais ce soir là, elle voulait me protéger. Alors elle m’a demandé de sortir par derrière et d’aller jusqu’à la voiture. Mon père est arrivé dans la cuisine et ...

- Fox, continuez.

- Elle m’a crié : Cours Fox, jusqu’à la voiture. Et je suis sorti, et j’ai attendu qu’elle me suive. Elle est arrivée en courant, et elle a démarré en trombe. Les roues crissaient... Nous nous sommes mis à rire, nerveusement.. Mais nous avons ri... Elle nous a conduit jusqu’à la maison d’une de ses amies... Mais mon père nous suivait. Son amie nous a ouvert et maman lui a expliqué la situation. Quelques minutes plus tard, mon père est arrivé... et il a presque défoncé la porte. Il m’a cherché en hurlant dans toute la maison... J’étais réfugié dans une petite pièce avec maman. Il nous a trouvé et il m’a jeté à terre et ...

- Il vous a battu.

- Oui... J’avais du sang dans la bouche, et j’avais du mal à respirer... En me jetant à terre, il m’avait déboîté l’épaule... La douleur était insupportable. J’étais incapable de bouger... Soudain il s’est détourné de moi et il a commencé à gifler ma mère... Puis les coups sont partis. L’amie de maman hurlait devant la porte, elle avait appelé la police.

C’est alors que j’ai commencé à ne plus pouvoir respirer. Les secours sont arrivés et ils nous ont conduit à l’hôpital. C’est là qu’on a diagnostiqué que je souffrais d’asthme.

- Et votre père ?

- Il a été relâché au bout de quelques heures. Il avait des amis très bien placés. Il a prétexté que maman avait un amant... et qu’il avait agi sous l’effet de la colère. Après cet épisode, maman n’a jamais plus cherché à me protéger. Jusqu’au divorce.

- Pourquoi n’avez vous jamais essayé de vous défendre contre votre père ?

Mulder baissa la tête. Il connaissait la réponse. En tant que psychologue, il avait la réponse en lui. Mais il n’avait jamais réussi à la formuler.

- C’était... Des larmes coulèrent soudain sur ses joues. C’était le seul moment où...

Il commença à prendre de petites inspirations rapides. Les symptômes de la crise d’asthme.

- Vous avez un inhalateur, Fox ? Prenez le, vite.

- Dans ma poche...

Le docteur Barnes se leva rapidement et lui apporta le médicament. Il aspira avidement les bouffées délivrées par l’appareil.

Quelques minutes plus tard, il reprit là où il avait laissé sa phrase.

- C’était le seul moment où il faisait attention à moi...

- Vous voulez dire que vous préfériez qu’il vous batte plutôt que de subir sa totale indifférence, c’est cela ?

- Oui... C’est plutôt dingue, non ?

Il la regarda tristement et elle lui répondit en souriant.

- Non... Mais j’avoue que vous êtes plutôt déconcertant.

- On m’appelle Spooky... Ce n’est pas pour rien...

Ils parlèrent encore pendant plusieurs minutes, puis se séparèrent.

 

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Je viens juste de rentrer à la maison lorsque il revient de sa séance. Il semble porter le poids du monde sur ses épaules, mais son regard est clair et confiant, même si toutefois il porte au fond des yeux une vulnérabilité qui me bouleverse. Il s’approche doucement de moi et me serre très fort dans ses bras. Je me laisse aller contre lui, respirant son odeur familière, écoutant le rythme de son coeur à travers son tee shirt gris. Il est silencieux, mais je sais sans même le voir qu’il a un petit sourire accroché sur ses lèvres. Et je souris aussi.

 

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