Le procès

TITRE : LE PROCÈS
Auteur : Valérie
Adresse émail : valeriec2@wanadoo.fr
Postée le : 20.6.2001
Avertissements : PG - 13
Catégorie : Crossover The Practice - S - A
Spoiler : Paper Heart
Mots clés : MSR - MT. post XFILES. Référence à un viol (non décrit)

Résumé : Mulder, après avoir tué un criminel lors d’un interrogatoire, se retrouve emprisonné.

Disclaimer : Les personnages créés par Chris Carter n’appartiennent (hélas ) qu’à lui seul et à la Fox. Je ne ferai pas d’argent avec cette petite histoire, promis.



LE PROCÈS



- Accusé, levez-vous.

Boddy Donnell et Lyndsay Dole, les avocats de la défense, se levèrent dans le même élan. Vêtu d’un sobre costume sombre, le visage aussi blanc que sa chemise, l’accusé se leva avec un petit instant de retard. Il portait sur son visage l’anxiété et la peur qui ne l’avaient pas quittées depuis l’ouverture de son procès

- Messieurs les jurés, avez-vous un verdict ?

Le président du jury s’avança et remit un document au juge qui trônait sur l’estrade de bois foncé, puis retourna dans l’enceinte qui avait accueilli le jury pendant cinq jours.

- A l’accusation d’homicide volontaire, le prévenu est reconnu coupable.

Un brouhaha s’éleva dans la foule du public.

- Un peu de silence je vous prie.

- Les circonstances atténuantes sont retenues et une peine de huit ans d’emprisonnement est demandée.

L’accusé se retourna vers la jeune femme qui se tenait derrière lui depuis le début du procès et elle put lire une absolue détresse dans ses yeux.

- Nous allons faire appel, Fox. Ne vous inquiétez pas.

Boddy posa une main qui se voulait rassurante sur l’épaule de son client, mais au fond de lui, il savait que malheureusement, la partie est perdue d’avance. Fox Mulder, Agent Spécial du FBI, était emmené quelques instants plus tard à travers les couloirs de la Cour de Justice de Boston pour une destination qui allait lui coûter sa carrière et huit ans de sa vie.

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Mulder ne reprit réellement conscience de ce qui lui arrivait à son arrivée à la prison fédérale. Il avait l’impression de vivre un cauchemar, un mauvais rêve qui durait depuis trop longtemps maintenant. Il se retrouva parmi plusieurs détenus et sans ménagement des gardiens aux visages impassibles leur commandèrent d’une voix froide de se déshabiller. Il obtempéra comme les autres, ravalant sa dignité, puis il passa comme tous les autres sous la douche à peine tiède. On leur administra un traitement anti-parasitaire, autre humiliation, puis on leur remit un uniforme, usagé, délavé, mais propre.

Quelques dizaines de minutes plus tard, il se retrouvait dans une cellule. Il s’assit lourdement sur le mince matelas et se prit la tête entre les mains. Il ne pouvait pas y croire. Jusqu’au bout des longues et douloureuses heures de son procès, il avait pensé pouvoir évité la prison. La révocation du FBI, la déchéance de ses droits civiques... il savait qu’il ne pourrait pas y échapper. Mais jusqu’au bout, Boddy et Lyndsay lui avaient fait espéré une issue plus favorable. Même Scully voulait y croire...

Huit ans... Deux mille neuf cent vingt jours... Ce n’était pas possible... Il ne pouvait imaginer pire cauchemar que de rester enfermé dans cette petite pièce de deux mètres sur trois, où seule une petite fenêtre diffusait la lumière du jour qui finissait... Il resta plusieurs heures ainsi, immobile, sans même avoir la force de pleurer. Sa vie était simplement terminée.

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Lyndsay et Bobby venaient de refermer la porte derrière eux et Scully resta longtemps immobile après leur départ. Elle était sous le choc des dernières heures et s’enveloppa de l’étole qui garnissait son canapé, frissonnante. Elle ne pouvait effacer de son esprit le regard de Mulder juste avant qu’on ne l’emmène. Ses yeux la hantaient, et elle savait qu’ils la hanteraient pendant longtemps. Huit ans... Jamais il ne pourrait le supporter. Il fallait faire quelque chose, il fallait... Elle secoua la tête, désespérée. Bobby allait faire appel, mais il avait reconnu de façon franche qu’il y avait peu d’espoir de voir l’appel aboutir.

Il n’avait pas réussi à faire accepter l’homicide involontaire. Les faits étaient là, indiscutables. Mulder avait tué cet homme. Ce criminel. Ce récidiviste. Ce monstre. La vidéo enregistrée pendant le crime avait frappé l’esprit des jurés. Ils avaient vu Mulder sortir son arme et la pointer sur lui. Ils avaient vu son regard après le meurtre. Un regard perdu, mais presque soulagé. Georges Morens ne battrait jamais plus les enfants dont il avait la charge. Georges Morens ne violerait plus jamais des fillettes. Georges Morens ne tuerait plus... Georges Morens était un monstre dont il fallait que lui, Fox Mulder, débarrasse l’humanité.

Boddy avait réconforté Scully en lui expliquant que Mulder aurait pu récolter une peine bien plus lourde. Vingt ans de prison aurait pu parfaitement fait l’affaire pour l’accusation. Mais les jurés avaient pris en compte les circonstances atténuantes que Lyndsay avait si bien défendu pendant cinq jours. Leur stratégie avait été la bonne. Il ne fallait pas présenter Mulder comme un innocent, mais comme un coupable dont le seul motif avait été une sorte de vengeance. Vengeance pour les petites victimes, vengeance pour sa jeune soeur, vengeance pour sa propre enfance dépossédée.

Scully revit dans son esprit chaque moment du procès, et le témoignage de Mulder restera à jamais comme une plaie ouverte dans son coeur. Jamais elle n’aurait pensé qu’il ait pu subir de telles horreurs dans son enfance. Elle revit son regard brisé lorsque Bobby présenta à la cour et aux jurés les photos tirées de son dossier médical, les photos du jeune Fox maltraité par son père, le visage tuméfié, le dos couvert de marques rougeâtres. Elle se souvint des larmes de désespoir sur son visage lorsque Lyndsay, avec le maximum de pudeur, évoqua les abus sexuels dont il avait été victime pendant plusieurs années. Elle revit sa honte et le dégoût sur le visage des jurés, leur compassion aussi.

Elle entendit à nouveau le ton monotone et presque détaché qu’il employa pour décrire l’homme qu’il avait tué, l’étendue de ses crimes, le plaisir qu’il y prenait. Un frisson de écœurement passa dans l’assistance et parmi les jurés.

Elle revit ses larmes lorsque il évoqua Samantha, la découverte de son calvaire et finalement la réalisation de sa mort, survenue plus de vingt ans plus tôt.

Elle revit également l’acharnement du procureur lorsque il évoqua les antécédents violents de Mulder : son attaque sur Skinner sur les couloirs du FBI, l’attaque sur Krycek lorsque il avait découvert que celui ci avait tué son père, le meurtre de Modell, son internement psychiatrique plus récemment et l’agressivité dont il avait fait preuve envers Skinner et envers lui même. Tous ces faits avaient joué contre lui, l’avait fait passé pour un être dangereux. Et toutes les protestations véhémentes de Bobby ou de Lyndsay, expliquant le pourquoi de ces épisodes, n’y avaient rien changé

Scully connaissait Mulder mieux que personne. Elle avait expliqué aux jurés qu’il était tout sauf un être violent, qu’il était au contraire sensible aux autres, à leur douleur. Et que les évènements tragiques de sa vie, le suicide de sa mère, la découverte de la mort de sa soeur, l’avaient poussés à perdre le contrôle de lui même devant cet être malfaisant.

Mulder avait toujours refusé de plaider la folie passagère, terrorisé d’avoir à rejoindre les murs calfeutrés d’un hôpital psychiatrique. Bobby avait eu beau lui expliqué que c’était sans aucun doute la meilleure défense possible, il s’y était toujours refusé, fièrement, absurdement.

Boddy Donnell était pourtant un avocat brillant. Scully l’avait contacté dès les premières heures du drame, au moment Mulder avait été entendu par les autorités. Elle le connaissait depuis plusieurs années, c’était un ancien petit ami de Melissa. Son cabinet était réputé et Scully avait confiance en lui pour sauver son ami. Mais Mulder, fidèle à son insubordination légendaire, ne l’avait pas écouté. C’était comme si il pensait mériter cette épreuve. Pour ne pas avoir su écouter sa mère au moment où elle avait besoin de lui parler, pour ne pas avoir retrouver sa soeur... Ce sentiment de culpabilité le dévorait, le détruisait. Il assumait son acte. Il assumait la peine qu’il allait subir, la recevant comme un juste châtiment à sa faiblesse, à son incapacité à résoudre les difficultés qu’il avait rencontré pendant son existence.

Dans un moment de détresse, il lui avait même avoué qu’il était soulagé pour elle, qu’elle n’allait plus avoir à subir le fardeau de sa présence, qu’elle avait déjà tant souffert à cause de lui. Elle avait posé la main sur sa bouche, elle avait pleuré à ses mots qui la déchiraient. Elle ne pouvait pas supporter de le voir ainsi se crucifier sous ses yeux. Elle ne comprenait pas son attitude, alors qu’ils avaient parcouru tant de chemin depuis quelques mois... Le baiser du nouvel an n’avait été qu’une exquise esquisse, les prémices d’une passion qui s’était épanouie à mesure que l’hiver les quittait, pour trouver son accomplissement aux premiers jours du printemps.

Les révélations tragiques sur sa famille défunte l’avaient dans un premier temps soulagé, puis il avait commencé à s’éloigner un peu d’elle. Elle avait souffert de cet état de fait, mais avait compris son besoin d’intimité qui pouvait l’aider à se reconstruire. Et il y avait eu cette affaire. Elle avait vu horrifiée avec quelle rage froide il écoutait Georges Morens relater ses crimes abominables. Elle avait compris, dans un frisson d’épouvante, que Mulder recevait la confession de ces crimes comme du sel sur la plaie ouverte sur sa propre enfance, sur la blessure encore fraîche de la mort de sa soeur.

Et elle n’avait pas pu empécher son geste fou.

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Mulder sursauta lorsque les lampes s’éteignirent brutalement. Il était là depuis plus de trois mois et pendant chaque soir, à l’extinction des lumières, il ne pouvait se résoudre à accepter ce brusque retour à l’obscurité. Il s’allongea sur son matelas et ferma les yeux, essayant de ne pas penser à la journée qui venait de s’écouler, aux journées qui suivraient. Les heures passaient, lentement, rythmées par les repas, par les différentes activités auxquelles il s’efforçait de participer pour ne pas sombrer dans une noire déprime. Il faisait du sport et s’occupait de la bibliothèque de la prison. Il parlait peu avec les autres détenus, évitait les bagarres qui ne manquaient pas d’éclater, et se tenait à distance des gardiens les plus brutaux.

Chaque jour, il attendait avec impatience la distribution du courrier. Rares étaient les jours où il ne recevait rien. Scully lui écrivait de longues lettres, avec chaque fois la même interrogation, à laquelle il répondait toujours de la même façon. Il ne voulait qu’elle vienne le voir. Il n’aurait pas supporter l’humiliation et la détresse d’une telle visite. Frohike, Byers et Langly lui écrivaient de façon plus irrégulière, mais c’était toujours des lettres drôles et terriblement attachantes. Maggie Scully ne passait pas une semaine sans lui envoyer un colis et une longue missive tendre et réconfortante. Il s’était habitué également à recevoir des lettres courtes mais toujours sympathiques de Skinner.

Skinner... Jamais il n’aurait pensé qu’il lui apporte tant de soutien. Peu à peu, à travers leurs lettres et ses visites, il avait noué avec lui une relation qui tenait d’avantage à des rapports père fils qu’à des rapports purement amicaux ou professionnels. Il était devenu en quelques mois l’une des personnes les plus importantes dans sa vie, en dehors de Scully.

Il ne se passait pas une nuit où il ne rêvait pas d’elle. Elle était devenue une bouée à laquelle il s’accrochait désespérément pour ne pas sombrer complètement. Il revoyait leurs moments partagés, cette complicité incroyable qu’ils avaient développé au fil des années. Leurs regards échangés qui valaient toutes les paroles du monde. Il revoyait ce baiser qu’ils avaient échangé la nuit du 1er janvier, et cette lente mais délicieuse progression de leur amour enfin révélé. Il se souvenait de leurs trop rares étreintes. Il se remémorait ce sentiment inconcevable qui l’avait submergé, ce sentiment de se sentir aimé... Aimé pour lui même, aimé malgré tous ses défauts, malgré tous ses échecs... Sentiment étonnant, tellement nouveau. Jamais il n’avait ressenti cela. Toutes ses tentatives affectives avaient été des catastrophes. Phoebe, Diana... Jamais il n’avait pu entretenir de relations durables avec aucune femme. Scully était la magnifique exception. Et il avait tout gâché...

En refusant de la voir, il se punissait lui même.

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Mulder s’endormait presque instantanément en posant son visage sur le drap rêche. En six mois d’emprisonnement, la prison avait au moins réussi à vaincre son insomnie chronique avec laquelle il vivait depuis tant d’année. Il dormait d’un sommeil lourd et ses cauchemars avaient pratiquement disparu. Il était exténué par la fatigue physique, l’ennui, la nourriture peu abondante. Le sommeil était devenu pour lui le refuse idéal pour fuir sa sombre réalité.

Certaines nuits, il entendait des cris qui le faisaient frissonner. Des rumeurs d’agressions sexuelles circulaient régulièrement parmi les prisonniers. Il essayait de ne pas y penser. Sa réputation d’agent du FBI et le fait d’avoir tué un meurtrier d’enfant lui apportaient un relatif prestige. Il se tenait éloigné de toutes les bagarres qui ne manquaient pas d’éclater et peu de gens lui adressait la parole.

Il sombra dans un sommeil pesant.

Son instinct intact malgré les mois d’emprisonnement le réveilla en une fraction de seconde. Il sentit une présence dans la petite cellule, et avant même de pouvoir faire le moindre geste, il sentit des mains puissantes le maîtriser et le bâillonner. On lui enfonça un chiffon au fond de la gorge, l’obligeant à se contenir pour éviter de vomir. Un frisson de panique l’envahit, et une sueur froide recouvrit sa peau. Il ne pouvait voir le visage de ses agresseurs dans l’obscurité mais dénombra leur présence. Les trois hommes le sortirent de sa cellule pour l’entraîner vers les douches. Ses jambes le portaient à peine à la pensée du traitement qu’il allait subir.

Les trois hommes fermèrent les lourdes portes des sanitaires derrière eux et une lumière crue éclaira la pièce glacée soudainement. Les hommes avaient revêtu des masques qui empéchaient Mulder de voir leurs visages. Mais la voix de l’un deux lui était familière. Il était presque sur qu’il avait affaire à l’un des plus brutaux matons. Il regarda autour de lui, affolé. Aucune possibilité de fuite. Il vit avec horreur que l’un des hommes avait pris en main une batte de base-ball qu’il caressait sadiquement. Les deux autres attrapèrent ses bras derrière son dos et il vit son agresseur s’approcher d’un pas lent. Le coup partit et il sentit le craquement de ses côtes alors qu’un éclair de douleur se déchaînait dans son crâne. Les coups se succédèrent, le laissant le souffle coupé sur le sol, tentant désespérément de ramper vers la porte. Un coup plus fort que les précédents lui fit perdre connaissance.

Lorsque ses paupières s’ouvrirent à nouveau, il s’aperçut avec effroi qu’il était nu, son torse douloureux reposant sur une table souillée par son propre sang. Le bâillon avait été retiré et il gémit doucement. Sa plainte alerta ses agresseurs qui s’approchèrent à nouveau de lui. Il entendait leurs voix à travers un brouillard épais et ne perçut pas immédiatement le sens de leurs paroles. C’est seulement lorsque les mains glacées d’un des hommes se posèrent sur ses fesses que Mulder comprit que son pire cauchemar était réel.

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Scully sursauta en entendant la sonnerie de son téléphone. Elle se frotta les yeux brièvement, jeta un coup d’oeil rapide sur son réveil et fronça les sourcils en découvrant l’heure tardive. Immédiatement, son coeur s’affola et elle pensa à sa mère. Elle décrocha avec anxiété.

- Mlle Scully ? Dana Scully ?

- Oui, c’est moi.

- Mademoiselle, vous êtes en tête de liste de personnes à prévenir en cas d’accident...

- Ma mère ?

- Non, mademoiselle. C’est au sujet de Fox Mulder.

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Le trajet jusqu’à l’hôpital que le médecin lui avait indiqué lui parut une éternité. Le trafic était inexistant à cette heure de la nuit et Scully arriva devant les urgences une heure trente après avoir été prévenu. Elle se précipita dans les couloirs où s’agitaient infirmières et médecins, interrogea plusieurs personnes pour trouver enfin l’information dont elle avait besoin. Ses pas la conduisirent dans un état second vers le service de chirurgie, où une infirmière la renseigna au mieux. Abattue par les nouvelles qu’elle venait de recevoir, elle s’assit lourdement sur une inconfortable chaise de plastique et tenta de réfréner les larmes qui les brûlaient les yeux. Elle ne remarqua pas l’homme en uniforme qui se tenait non loin d’elle, ignorant le regard concupiscent qu’il posa sur elle.

Ce n’est que deux heures plus tard qu’elle vit une équipe sortir du bloc chirurgical. Elle se leva en une fraction de seconde et le chirurgien se dirigea vers elle. Il s’assura de son identité et lui délivra enfin des nouvelles de Mulder.

Incapable de surmonter son émotion, elle laissa aller librement ses larmes devant le médecin qui posa une main apaisante sur son épaule secouée de sanglots.

- Les quarante huit heures à suivre seront déterminantes, Mademoiselle. Il nous reste à attendre, et à prier.

- Je peux le voir ?

Elle détesta sa voix à peine audible, suppliante. Le médecin baissa les yeux un instant, puis son regard croisa les yeux rougis de la jeune femme.

- L’officier vous donnera les règles dans ce genre de circonstances. Je vous demanderai de le consulter.

Il s’effaça et Dana resta seule avec sa douleur.

- Je suis Mark Rydell, officier de police. Je suis chargé de veiller sur le prisonnier Fox Mulder.

Dana réprima un rire mauvais.

- Je vous demande pardon ? De veiller sur Mulder ? Il est dans le coma, officier. Je doute qu’il puisse avoir des envies d’évasion. Je veux le voir.

Rydell lui posa une main trop caressante sur l’épaule.

- Mademoiselle Scully, je vous autoriserais à le voir comme le permet le règlement. Dix minutes par jour.

- Non... Il a besoin de moi. Il faut que je reste près de lui.

- Attendez, vous ne comprenez pas. C’est un prisonnier. Un meurtrier.

- Et je suis agent du FBI, officier Rydell. Je suis parfaitement capable de veiller sur lui. Vous ne m’empécherez pas de le voir et de demeurer près de lui.

La jeune femme tourna les talons devant l’officier médusé et se dirigea rapidement vers l’unité de soins intensifs où Mulder avait été conduit.

Elle attendit quelques minutes derrière les vitres où s’affairaient plusieurs médecins et infirmières auprès du blessé puis on l’autorisa enfin à s’approcher de lui, après lui avoir fait revêtir un masque et une blouse. L’un des médecins commença à lui faire les recommandations d’usage quant aux différents tubes et perfusions qui couraient le long du corps de Mulder, mais elle l’arrêta très vite.

- Je suis moi même médecin, Docteur... Steinner. Je connais la procédure.

L’équipe médicale quitta bientôt les abords du lit de Mulder et elle put enfin prendre contact physiquement avec lui. Très doucement, elle prit sa main dans la sienne et la serra doucement.

- Oh Mulder... Il y a si longtemps que j’attends ce moment. Tu m’as tellement manqué...

La jeune femme tentait de refouler l’émotion qui la submergeait mais le simple fait de poser les yeux sur son corps dévasté déclencha ses sanglots .

Son torse nu n’était d’un hématome. Plusieurs côtes saillaient de son côté amaigri. Son épaule gauche était immobilisée par un bandage. Sa main gauche, libre de perfusion, était enflée et rouge et deux de ses doigts portaient des attelles. Son visage... Ce visage dont elle avait tant rêvé depuis ces derniers mois, était tuméfié, portant les traces des coups qu’il avait subi. Sa lèvre inférieure était meurtrie et gonflée, et le tube du respirateur déformait un peu sa bouche. Un large bandage recouvrait son front et Dana repoussa quelques mèches brunes, caressant avec délicatesse ses cheveux fins.

Les sanglots s’espacèrent enfin et elle reprit d’une voix déformée par l’émotion.

- Je sais que tu es dans un endroit sombre et froid, Mulder. Je sais que tu as terriblement envie de te laisser aller et d’oublier cette douleur... Mais il faut que tu te battes, Mulder. Il le faut... Pour toi, pour nous. Je t’en prie, Mulder. Bats toi. Tu as toujours été un survivant. Tu survivras à cela.

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Il flottait. Il flottait dans un monde inconsistant, empli d’expériences sensorielles qui lui laissaient une bienfaisance dont il se repaissait, ignorant la raison qui tentait de le guider vers une lumière douce. Son corps ne lui pesait plus, il ne ressentait plus ni la douleur, ni la peur. Il entendait à travers un voile épais des sons qui ne correspondaient à rien, mais qui l’apaisaient inexorablement. Plus de jour ni de nuit, un confort dont il se nourrissait à chaque minute.

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Dana sourit en voyant entrer Julia dans la chambre. C’était la plus douce des infirmières qui s’occupait de Mulder. Elle était l’une des seules à voir en lui l’homme et non pas le prisonnier. Dana savait combien il avait besoin de gestes tendres pour l’inciter à revenir parmi eux.

- Je vous ai apporté un plateau repas. Vous devriez essayer de manger un peu, ça vous ferait du bien. Il aura besoin d’avoir quelqu’un de fort près de lui lorsque il se réveillera, Dana.

- J’ai tellement peur qu’il ne s’éveille jamais, Julia.

- Ne dites pas cela. Son corps a besoin de cette période de repos pour guérir. Le corps se souvient. Il sait ce dont il a besoin. Et c’est encore pour lui le meilleur des états, compte tenu de ses lésions.

- Mais depuis trois jours, il n’y a pas d’amélioration...

- Oui mais il va tellement mieux qu’à son arrivée ici, Dana. Il respire seul, ses reins fonctionnent à nouveau, son coeur est stable. Dès qu’il aura la force, il reviendra parmi nous. Gardez espoir en lui, Dana.

Elle sourit à la jeune infirmière et prit la main qu’elle lui tendait. Ensemble, elles regardèrent l’homme qui reposait près d’elles puis avec l’habitude de trois jours de cohabitation commencèrent à lui donner les soins dont il avait besoin. Julia avait autorisé Dana à l’aider dès le premier jours. Ensemble, elles nettoyèrent son corps faible, changèrent les pansements et pratiquèrent les massages nécessaires pour éviter toute nécrose des tissus trop longtemps en contact avec les rudes draps de toile. Dana se chargea de raser les joues amaigries de Mulder et tendrement brossa ses cheveux. Elle savait qu’il aurait détesté cela en temps normal... Mais il avait besoin d’elle actuellement. Et elle serait là aussi longtemps que son état le nécessiterait.

Julia sortit de la chambre après un dernier sourire. Les deux femmes se sentaient très proches l’une de l’autre. Julia lui avait confié que plusieurs années auparavant, une de ses jeunes nièces avait été enlevé par un serial killer et avait été retrouvé violée et morte quelques jours plus tard. Elle comprenait parfaitement ce que Mulder avait pu ressentir devant le monstre qu’il avait tué.

Les minutes passèrent, longues, presque désespérantes. Elle lui racontait sa journée, ses peines et ses joies, lui apportait les dernières nouvelles du dehors, le printemps qui naissait.

Alors qu’elle s’était levée pour se détendre un peu, elle entendit un murmure. Elle se rapprocha rapidement du lit et son coeur explosa dans sa poitrine. Les paupières de Mulder tentaient de s’ouvrir, avec difficulté, mais la volonté était présente. Elle prit sa main avec espoir et serra doucement ses doigts. Il répondit à sa pression. D’une voix douce, elle l’appela, la voix serrée par l’émotion.

- Mulder... Je suis là... Ouvre les yeux, je t’en prie. Ouvre les yeux.

Les larmes coulaient maintenant librement sur son visage. Elle avait tant attendu ce moment.

- Mulder ?

Il ouvrit les yeux. Son regard était brumeux mais il se focalisa avec difficulté sur le doux visage penché sur lui. Son corps entier était douloureux et lourd. Il essaya de prononcer une parole, mais sa bouche était sèche et il grimaça de douleur.

- Tiens, bois un peu.

Elle lui glissa une paille entre les lèvres et il aspira avec volupté le liquide frais. Sa gorge était endolorie mais l’eau lui fit du bien. Il soupira profondément et ferma les paupières. La réalité lui revint peu à peu. Il était dans un lit d’hôpital. Scully était près de lui. Non... Il ne voulait pas qu’elle sache ce qu’on lui avait fait subir. Il se sentait trop humilié.

Il détourna son regard d’elle et des larmes de honte lui montèrent aux yeux. Il avait été violé... Sa respiration s’accéléra à mesure que lui revenaient les souvenirs de l’agression.

- Mulder, regarde moi. Regarde moi, je t’en prie.

- Laisse moi, Scully.

Sa voix était à peine audible, trop longtemps inutilisée.

- Mulder... Je sais ce qu’ils t’ont fait. J’ai eu le coeur brisé en l’apprenant. Mais je suis là pour t’aider... Bobby a contacté la cour d’appel. Il va remué ciel et terre pour te faire sortir de cet enfer. Il va tenter d’obtenir une remise de peine. Tu vas être placé dans une structure de rééducation et nous obtiendrons une audition dès que tu iras mieux. Fais moi confiance, Mulder. Je t’en prie.

Il tourna lentement son visage vers elle, essayant d’éviter la nausée déclenchée par ce simple mouvement, oubliant la douleur qui broyait son crâne et écarta la main frêle de Scully.

- Laisse moi, Scully... Laisse moi.

- Mulder... Je suis là pour t’aider.

- Tu ne peux rien faire pour moi... Laisse moi... Je t’en prie.

- Non...

- Ne perds pas ton temps auprès moi... Je suis sûr que tu as mieux à faire... Vis ta vie, Scully. Je suis un perdant... Je ne pourrais rien t’apporter de bien.

Il chercha le bouton d’appel et appuya dessus, puis ferma les yeux, épuisé. Les larmes de rage et de frustration coulaient le long de ses joues. Lorsque l’infirmière fut près de lui, il lui murmura qu’il souhaitait rester seul.


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Quinze jours après son retour à la vie, Mulder fut transféré au Centre de Rééducation Surveillé de Boston. Les séquelles de son agression étaient lourdes, il avait perdu 5 /10 d’acuité visuelle au niveau de son oeil droit, une paralysie partielle due aux dommages cérébraux affectait son côté gauche . Il marchait péniblement, s’appuyant sur une cane pour faire quelques pas qui le laissaient épuisé. Les vertiges dont il souffrait lui donnaient la nausée et il luttait pour ne pas sombrer dans le désespoir quand il revivait, nuit après nuit, l’agression dont il avait été victime. Sa seule lueur d’espoir était malgré tout cette audition auprès de la cour d’appel que Bobby et Dana lui avaient laissé espérer. Il était prêt à tout pour ne pas repartir en prison. Même à mourir.

Scully avait essayé de revenir le voir à l’hôpital. Chaque fois, il avait refusé sa visite. Cette décision lui avait brisé le coeur, mais il voulait s’y tenir. Il est fini, et il ne voulait pas l’entraîner dans sa chute. Il renvoyait sans les lire les lettres qu’elle lui écrivait.

Les mois passèrent. L’audition espérée n’eut pas lieu. Bobby le lui annonça un jour d’automne sombre et froid, alors qu’il était prêt à quitter le centre de rééducation. Il avait repris des forces, il marchait maintenant sans difficulté, mais cette nouvelle le plongea dans un désespoir profond. Il fut transféré en prison dans un état catatonique, et reprit sa place dans le monde carcéral.

Skinner était le seul dont il acceptait les visites. Son ancien patron le trouva un jour le visage tuméfié, se tenant les côtes, derrière la vitre du parloir.

- Mulder, qu’est ce qui est arrivé ?

- Rien... Une bagarre. Rien n’inhabituel.

- Vous avez vu un médecin ?

Mulder trouva la force d’esquisser un sourire narquois.

- Un médecin ? Ici ? Non... Pas pour une égratignure.

Il s’installa un silence pesant. Skinner ne savait pas comment il allait pouvoir annoncer à cet homme meurtri et désabusé la nouvelle qu’il avait reçu la veille.

- Mulder... Vous avez des nouvelles de Scully ?

- Non, pas directement... Elle a renoncé à m’écrire quand j’ai renvoyé ses dernières lettres. C’est mieux comme cela.

- Je l’ai eu au téléphone hier soir...

La gorge de Mulder se serra et il ne put s’empêcher de poser la question qui l’obsédait depuis qu’il avait entendu les rumeurs parmi les prisonniers. Dans la prison, tout se savait.

- Elle s’est mariée, c’est cela ?

Les yeux de Skinner s’écarquillèrent de surprise.

- Mais comment le savez vous ?

- Les rumeurs vont vite ici. Les avocats parlent entre eux, et les détendus écoutent les avocats.

Des sentiments fugaces traversèrent les yeux de Mulder. Rage, douleur, incompréhension... Sa voix ne fut qu’un murmure sourd.

- C’est Bobby Donnell, n’est ce pas ?

Skinner n’osa pas répondre, mais hocha la tête.

Mulder baissa les yeux, et tenta de refouler la douleur qui montait et l’empéchait de parler. Jusqu’au bout, il avait espéré que la rumeur n’était qu’un tissu de mensonge. Il se leva brusquement et s’avança vers le garde qui lui ouvrit la porte.

- Mulder, attendez...

La lourde porte se referma derrière lui.

********************

La nouvelle du mariage de Scully plongea Mulder dans un profond désespoir. C’était pourtant ce qu’il avait désiré. Elle méritait un peu de bonheur. Donnell était un type bien et il savait qu’il pourrait la rendre heureuse. Mais l’idée de la perdre pour toujours était inimaginable. Il se laissa aller à un comportement auto destructif, provoquant les gardes et les prisonniers les plus agressifs. Ses séjours à l’hôpital se répétèrent et Skinner s’alarma de son état en lui rendant visite quelques jours après sa dernière altercation. Il était couvert d’hématomes et il reconnut à peine l’homme brillant, arrogant et fier qu’il avait eu sous ses ordres deux ans auparavant.

En quittant la prison ce jour là, Skinner essuya des larmes de rage.

********************

C’était un matin brumeux de septembre. La libération anticipée de Mulder avait été signée quelques jours auparavant. Il avait passé quatre ans en prison. Skinner attendait dans la voiture, guettant chaque ouverture de porte de la prison fédérale. Il dut se convaincre que l’homme à la démarche hésitante, au regard fuyant qui s’avançait vers le véhicule était celui qu’il attendait.

Mulder s’assit sur le siège avant et baissa les yeux. Les deux hommes étaient trop émus pour parler. Skinner démarra la voiture et se dirigea vers l’autoroute. Il jeta un oeil sur son passager, effaré et effrayé par son aspect. Mulder était maigre, son visage était gris et des cernes noirs entouraient ses paupières. Il paraissait frêle dans son manteau trop grand pour lui.

Skinner conduisit en silence pendant un long moment, puis se décida à parler.

- Est-ce-que ça va, Mulder ?

Il ne lui répondit pas immédiatement, comme s’il était effrayé par sa propre voix. Son regard était perdu vers la vitre de la voiture, il prenait difficilement conscience qu’il était libre, que personne ne viendrait pour le remettre en cellule.

- Oui. J’ai du mal à croire que je suis enfin dehors...

- C’est fini, Mulder. Vous pouvez prendre un nouveau départ.

- Je n’ai plus rien...

- Je suis là, Mulder. Je vous aiderai à repartir.

La frêle silhouette de son ami fut soudain secouée d’une quinte de toux violente. Il reprit son souffle avec difficulté.

- Je vous emmène chez moi. Vous allez reprendre des forces.

Mulder sourit de façon désabusée mais ne répondit pas.

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Skinner ouvrit la porte de son appartement et laissa Mulder entrer à l’intérieur. Il avait refusé son invitation dans un premier temps, lui demandant de le laisser dans un motel mais Skinner n’avait pas lâché prise. Il était évident que son ami avait besoin d’aide pour reprendre pied dans la réalité du monde libre, et il comptait s’y employer. Quelques jours plus tôt, il avait aménagé sa chambre d’ami avec quelques affaires personnelles qu’il avait retiré de l’entrepôt où étaient stockés les meubles de Mulder. Il avait rebranché son ordinateur, installé quelques cadres sur le bureau et rangé ses vêtements. Il savait maintenant que la plupart de ses affaires seraient trop grandes pour lui, mais retrouver un cadre familier l’aiderait sans doute.

Une autre quinte de toux secoua Mulder et il se laissa tomber lourdement sur le canapé. Son visage était couvert de sueur et il se frotta les yeux, épuisé. Il était grisé par le sentiment de liberté, effrayé par sa condition d’homme libre. Il n’avait plus rien. Plus d’appartement, plus de travail, et Scully... Il refoula les larmes qui montaient dans ses yeux. Il s’était employé depuis des années à ne plus penser à la seule femme qui l’ait jamais aimé, mais qui l’avait quitté.

Skinner s’approcha de lui et posa une main sur son épaule.

- Je me doute que c’est difficile pour vous, Mulder. Mais vous êtes ici chez vous. Et vous resterez ici autant de temps qu’il faudra.

- Merci, monsieur. Je sais combien vous vous êtes investi dans ma libération anticipée. Je ne sais pas comment vous remercier.

- Appelez moi Walter. S’il vous plait.

Les deux hommes se regardèrent longuement et Skinner étudia le visage de Mulder. Il sentit la douleur au fond de ses yeux gris verts, la crainte d’être abandonné, la peur de l’avenir. Il lui tendit la main et l’aida à se relever.

- Vos affaires sont dans votre chambre. Vous avez votre propre salle de bains. Je vous laisse vous installer pendant que je prépare le dîner.

Mulder entra dans la chambre. Il n’avait jamais douté de l’amitié de Skinner mais il se sentait presque redevable de son hospitalité. Il regarda avec mélancolie les cadres disposés sur le bureau et caressa doucement le visage rayonnant de sa jeune soeur.
Il ôta lentement les vêtements qu’on lui avait remis à sa sortie, et finit de se dévêtir dans la salle de bains. Il était libre. Jamais plus on ne viendra l’agresser au coeur de la nuit, jamais plus on ne l’humilierait. Il se glissa dans la douche et laissa l’eau chaude laver son corps de ses impuretés. Le flot brûlant se mêla à ses larmes et il laissa les sanglots secouer son corps amaigri. Il se laissa glisser au sol, incapable de se tenir debout sous l’effet de la fatigue et de la tension nerveuse. Il n’entendit pas la porte de la salle de bains s’entrouvrir doucement et il hurla quand Skinner s’approcha de son corps dénudé.

- Ne m’approchez pas ! Laissez moi tranquille !

- Fox, c’est moi, c’est Walter.

- Non ! NON !

Skinner ferma le robinet et tenta de calmer son ami qui s’était recroquevillé en position foetale, respirant de façon haletante.

- MULDER ! Reprenez vous ! Je ne ferai aucun mal.

- Laissez moi...

Sa voix n’était plus qu’un murmure et il se mit à grelotter. Skinner s’agenouilla près de lui et lui tendit une serviette épaisse dans laquelle il l’enveloppa. Mulder se laissa faire sans protester et ils sortirent de la salle de bains sans un mot.

Ce n’est qu’une fois allongé sur le lit, recouvert de la couette, que Mulder s’excusa auprès de Walter.

- Pardon... J’ai cru que... Je suis désolé...

- Non, c’est moi qui suis désolé. Je vous ai entendu pleurer et j’ai voulu m’assurer que tout allait bien. Je n’ai pas voulu vous effrayer.

Mulder détourna son regard vers la fenêtre.

- J’ai été agressé... plusieurs fois... Souvent dans la douche... C’est encore très vivant dans ma mémoire...

- Chut... Je vous donnerai l’adresse d’un thérapeute. Vous pourrez vous délivrer de ces cauchemars... Je vais prendre rendez vous avec un médecin dès demain. Mon dieu, vous êtes si maigre...

- Walter ?

- Oui, Mulder.

- Merci. Pour tout.

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Le docteur Sharon Green observa son patient alors qu’il revêtait une chemise d’examen. Elle relut son dossier médical avec attention et leva un sourcil étonné en remarquant le nombre impressionnant d’hospitalisations et de blessures diverses qu’il avait subi avant même son emprisonnement. Elle grimaça en découvrant l’étendue de son dossier pendant son internement : coups et blessures, agressions sexuelles, rien ne lui avait été épargné.

Elle avait connu Fox Mulder des années auparavant, alors qu’elle était encore la femme de Walter. C’était un jeune homme brillant et jamais elle n’aurait imaginé qu’il puisse devenir cette pale copie de lui même. Son visage portait les stigmates de ses années de captivité, les lignes de son visage s’étaient profondément creusées et il avait au fond des yeux une souffrance qui la peinait.

Elle s’approcha de lui doucement.

- Walter s’est battu pour vous sortir de là. Je suis heureuse pour vous qu’il ait réussi.

Son patient ne lui répondit que par un sourire timide. Elle remarqua la pâleur de son teint, ses clavicules saillantes et la maigreur de ses bras. Son ex-mari lui ayant relaté la scène de la douche, elle l’approcha avec la plus extrême douceur.

- Vous avez été malade ? Je veux dire, en dehors des diverses blessures ?

- Oui... J’ai eu une pneumonie il y a deux mois. Je m’en remets à peine.

- Vous avez eu des examens sanguins récemment ?

- Oui.

Son regard se fit terriblement douloureux et elle entendit à peine la phrase qu’il prononça ensuite.

- Je suis séropositif, Sharon. Depuis trois ans.

Sharon baissa les yeux et prit une inspiration profonde.

- Walter le sait ?

- Non...

- Vous avez été traité en prison ? Ils vous ont donné la possibilité de vous soigner ?

- Non.

- Vous devez commencer une tri thérapie le plus rapidement possible, Fox. Je vais vous faire une prise de sang pour voir où en est votre charge virale. Le traitement est lourd, mais cela vaut le coup d’essayer.

- Je n’ai pas d’assurance sociale. Et je ne suis pas où j’en suis financièrement.

- Je suis sûre que cela peut s’arranger. Il faut en parler à Walter. Vous devez être soutenu dans ce combat.

Sharon l’examina attentivement et lui permit de se rhabiller quelques minutes plus tard.

Mulder rejoignit Skinner dans la salle d’attente. Il se leva et ils sortirent du cabinet.


***************



Six mois plus tard.


Le soleil était haut dans le ciel et Mulder s’attarda sur la terrasse qui bordait sa nouvelle maison. Il l’avait acquise peu de temps auparavant, après avoir vendu la maison de son père à Martha Vineyard et celle de sa mère. Il avait découvert avec effarement qu’il était à la tête d’une fortune considérable. Mais trop de souvenirs le liaient à ces demeure et il avait préféré s’en débarrasser. Il pouvait apercevoir l’océan non loin de là et il se délecta de l’odeur marine. Il se sentait bien aujourd’hui, contrairement aux dernières semaines. Le traitement l’avait dans un premier temps vraiment fatigué, mais son corps reprenait des forces nouvelles et il avait même recommencé à courir tous les matins sur la plage. Il avait repris confiance en lui, grâce au soutien de Walter et celui de Sharon. Il consultait deux fois par semaine un psychiatre qui l’aidait à surmonter les traumatismes qu’il avait subi en prison.

Il reprenait goût à la vie.

La solitude était plaisante. Il avait tellement souffert de la promiscuité pendant ses années d’internement qu’il savourait maintenant pleinement ce simple plaisir de se retrouver seul avec lui même.

Il se dirigea d’un pas lent vers le salon. Il l’avait simplement meublé, les murs étaient encore immaculés, simplement ornés des quelques cadres qu’il avait auparavant dans son appartement à Washington. Et au milieu du salon trônait son vieux canapé de cuir. Il n’avait pas pu se résoudre à s’en débarrasser. C’était encore son refuge, lorsque les nuits étaient trop longues et ses pensées trop sombres. Ses yeux se portèrent sur le téléphone.

Chaque jour il pensait à l’appeler. Chaque jour il renonçait. Il avait peur qu’elle le rejette, il avait peur de détruire à nouveau le bonheur auquel elle avait droit. Il avait analysé longuement les raisons qui l’avaient poussées à l’éloigner de lui. Il avait eu mal en repensant au fait qu’elle ne s’était pas battue pour rester en contact avec lui. Ses sentiments étaient les mêmes, il l’aimait comme au premier jour. Il avait failli détruire sa vie et il ne le se serait jamais pardonné.

Mais aujourd’hui, alors qu’il se sentait un homme nouveau, un homme libre, il avait besoin d’entendre sa voix, de revoir son visage. De retrouver l’amitié, à défaut de l’amour, qui l’avait lié à cette femme. Sa main se porta sur le combiné. Il décrocha, composa son numéro, puis raccrocha précipitamment, le visage défait. Avait-il le droit de revenir dans sa nouvelle vie ?

***************

Six mois plus tard.

Il l’avait appelé quelques jours plus tôt. Il avait enfin eu le courage d’affronter sa peur et son angoisse d’être rejeté. Les mots étaient venus naturellement, facilement, comme si le temps écoulé avait été effacé. Il avait ressenti son émotion, il avait savouré la conversation presque anodine qu’ils avaient engagé. Elle avait promis de venir le voir.

Il attendait ce moment avec impatience, même s’il redoutait le moment de leur rencontre. Il avait changé, physiquement, émotionnellement. Elle était mariée, elle ne serait jamais plus sienne. Mais il se sentait près à la revoir.

****************

Dana Scully se regarda une dernière fois dans le miroir de sa voiture, et remit machinalement en place la mèche de cheveux derrière son oreille. Deux mois s’étaient écoulés depuis qu’elle avait promis de venir le voir. Mulder... Tant d’émotions se bousculaient dans son esprit, tant de contradictions... Elle avait frémi en écoutant sa voix au téléphone, ses intonations douces et chaudes. Sa voix n’avait pas changée. Elle franchit les derniers mètres qui la séparaient de la propriété. La maison se dressa devant elle, superbe et simple, devant l’océan aux reflets gris et verts. Elle respira profondément et sortit de la voiture. Ses jambes la portaient à peine. Elle sonna à la porte et la surprise se dessina sur son visage en voyant une femme d’un certain âge, souriante, qui lui ouvrit.

- Bonjour. Vous êtes Dana, n’est ce pas ?

- Oui... Est ce que je suis bien chez Fox Mulder ?

- Oui. Entrez, je vous en prie.

La femme prit son manteau et son écharpe, et la regarda avec affection.

- Il m’a beaucoup parlé de vous. Vous êtes telle qu’il vous a décrit. Pardon, je me présente. Je m’appelle Helen Dickson, je m’occupe de la maison. Et de Fox, quand il a besoin de moi. Il est dans le jardin d’hiver. Je vous conduis à lui. Il vous attend depuis si longtemps.

Dana la suivit à travers la maison spacieuse et claire, admirant les toiles modernes qui décoraient les murs, retrouvant quelques objets qui occupaient son ancien appartement. Helen lui ouvrit la porte blanche qui donnait sur une pièce remplie de plantes vertes et de meubles en bois exotiques. Sa gorge se serra en voyant la silhouette à demi allongée sur le canapé clair.

Helen lui sourit en fermant la porte derrière lui.

Dana s’approcha doucement de Mulder. Il dormait, le visage serein, la bouche légèrement entrouverte. Elle observa attentivement son visage, la gorge serrée, refoulant les larmes qui montaient à ses yeux. Ses longs cils reposaient sur ses paupières translucides, elle remarqua les fines rides qui entouraient ses yeux, des cicatrices à peine visibles sur son front et sa joue droite, près de son grain de beauté. Une mèche de cheveux bruns tombait sur son front large, qu’elle réprima de remettre en place. Ses tempes portaient quelques cheveux blancs. Il portait un simple tee shirt gris et un jean usé, il était mince, ses clavicules saillaient légèrement à travers le col de son vêtement. Ses mains longues et fines étaient posées sur sa poitrine qui se soulevait doucement.

Elle osait à peine respirer. Il était là, devant elle, elle le retrouvait presque intact à ses souvenirs. Ses mains étaient glacées et elle finit par s’asseoir à côté de lui, sur un fauteuil aux cousins épais. Il n’avait rien perdu de son étrange beauté, ses lèvres étaient toujours aussi sensuelles. Elle respirait le même air que lui...

Plusieurs minutes se passèrent ainsi, sans que rien ne se passe. Il paraissait dormir si profondément, il paraissait si calme. Jamais elle ne l’avait vu ainsi. Dans ses souvenirs, il lui apparaissait toujours tourmenté, même dans son sommeil. Il avait enfin trouvé la paix.

Puis soudainement ses paupières s’ouvrirent et elle se plongea instantanément dans son regard dans ses yeux aux multiples reflets. Il lui sourit, et elle sut qu’elle avait fait le bon choix.

- Scully...

- Mulder...

Les yeux de Dana se remplirent de larmes incontrôlables. Dans la simple prononciation de son nom, toute la douceur du monde, le pardon, l’attente... Elle lui tendit les mains et il les prit, les massant doucement avec ses pouces.

Elle reprit le contrôle d’elle même et retrouva sa voix.

- Comment vas-tu, Mulder ?

- Bien... Tu es là depuis longtemps ?

- Non... Quelques minutes. Tu paraissais si bien dormir , je n’ai pas osé te réveiller.

- Merci d’être là.

- Merci de m’avoir appelé... Je n’aurais jamais osé le faire... Je me sentais si coupable...

- Tu n’as aucune raison de te sentir coupable, Scully... Si il y a un coupable ici, c’est moi..

Les yeux de Mulder brillaient d’émotion et elle retrouva dans son regard l’intensité de sa passion.

- Comment vas-tu, vraiment ?

- Il y a des hauts et des bas. J’ai fait une infection pulmonaire il y a quelques jours, ce qui explique la présence d’Helen. Tu as fait sa connaissance ?

- Oui.

- Elle s’occupe de moi quand j’ai besoin d’elle. C’est une femme exceptionnelle. Elle m’apporte beaucoup. Je trouve en elle la tendresse que ma mère ne m’a jamais apportée.

- Ne dis pas cela Mulder.

- C’est la vérité Scully. Tu sais, j’ai eu le temps de réfléchir à beaucoup de choses... J’ai fait le deuil de mon enfance, j’ai cessé de me raconter des histoires sur les motivations qui ont poussées mon père à me battre et à ... Je vois enfin la réalité en face, grâce à mon psy, grâce à Helen... Et même si la vérité est difficile à accepter, elle est nettement plus apaisante que les mensonges dont on m’a abreuvé pendant des années. Je suis presque serein... Tu imagines cela ?

Les yeux de Mulder étaient emplis de joie teintée de tristesse. Son visage était un kaléidoscope d’émotions contradictoires.

- Je suis en paix, Scully. Enfin. Mais assez parlé de moi. Que deviens-tu ? Walter m’a dit que tu avais quitté le FBI ?

- Oui, j’ai repris un cabinet de médecine libérale il y a deux ans. Je suis heureuse d’avoir fait ce choix.

Elle hésita un instant avant de continuer sa phrase.

- Je suis en instance de divorce.

- Oh je suis désolé, Scully.

- Bobby et moi avons vite compris que notre mariage ne durerait pas. C’était une erreur. Nous avons pris la décision de nous séparer il y a quelques mois.

Mulder hocha la tête, et plongea son regard dans les yeux bleus de Scully.

- Cela n’a rien à voir avec moi, Scully ?

Elle baissa la tête, et soupira longuement.

- Bien sûr que si, Mulder. Quand j’ai su que tu avais été libéré, j’ai vu clair en moi. J’ai compris enfin que je n’avais accepté la proposition de Bobby uniquement pour ne pas sombrer dans le désespoir. J’ai eu si mal que tu me rejettes, Mulder. Je voulais t’aider...

- Pardonne moi...

- Quand Bobby m’a demandé en mariage, j’y ai vu comme une bouée de secours. C’est un homme bon et intelligent, il m’a rendu heureuse quelque temps. J’avais besoin de quelqu’un de fort auprès de moi pour surmonter ce que je venais de vivre. Il m’a aidé, il m’a protégé. Sans lui je ne serai pas là. Mais les mois et les années passants, j’ai compris que je ne pourrais jamais t’oublier. Quand tu m’as appelé, nous avions déjà pris la décision de nous séparer. Bobby a compris. Il ne m’en veut pas.

- Scully... Il faut que tu saches une chose... avant de penser à nous. Je suis... je suis séropositif.

Le visage de Scully se voila d’une onde de tristesse, mais elle esquissa un pale sourire.

- Bien. Tu auras ton médecin personnel.

Leurs yeux se remplirent de larmes au même instant et les sanglots qu’ils retenaient depuis si longtemps se libérèrent dans leurs poitrines serrées. Ils se serrèrent dans les bras l’un de l’autre pendant de longues minutes, se murmurant des paroles de réconfort et des promesses d’avenir.

FIN

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