Lonely


TITRE Lonely
AUTEUR Valérie
EMAIL valeriec2@wanadoo.fr
AVERTISSMENTS (G, PG, PG13, R, NC17) PG13
CATEGORIE (X, C, H, MSR, etc...) A / MSR
SPOILERS Aucun
RESUME Mulder pète les plombs et sa relation avec Scully s’en trouve irrémédiablement gachée.
DISCLAIMER Les personnages de Mulder et de Scully ne m’appartiennent pas, mais ils sont la propriété de Chris Charter et de la FOX.



Maison de Margaret Scully.

Margaret Scully entendit à peine les coups frappés à sa porte d’entrée tant son élève mettait d’ardeur à travailler son morceau. Elle s’excusa auprès de la jeune femme et se dirigea vers l’entrée. Regardant par le judas pour plus de sécurité, elle ouvrit la bouche de surprise puis ouvrit.

Trempé par la pluie diluvienne qui tombait depuis des heures, Fox Mulder se tenait devant elle.

- Bonjour Mme Scully. Je m’excuse de vous déranger, il est tard.

- Entrez, Fox, vous êtes trempé. Je vais vous chercher une serviette pour vous sécher.

- Non, ça va aller. Je...

- Taisez vous, Fox, vous allez attraper la mort.

Elle revint quelques instants plus tard avec une moelleuse serviette éponge et lui tendit. Il la prit sans oser la regarder dans les yeux et commença à s’essuyer le visage et les cheveux.

Maggie était peu surprise de le voir ainsi. Elle avait devant elle un vagabond plutôt qu’un ancien agent du FBI. Il portait un blouson de jean qui pendouillait, trop large pour lui, un jean noir élimé et un tee shirt d’un gris douteux. Les traits de son visage un peu creux étaient accentués par une barbe d’au moins deux jours, ses yeux étaient cernés et un peu rougis, comme s’il avait bu ou pleuré et son regard était éteint. Elle se rappelait avec tristesse du jeune homme impeccable et soigné qu’il était encore il y a quelques mois.

Elle le laissa s’essuyer quelques minutes puis l’invita à entrer dans le salon. Ils s’assirent près de la cheminée, lui dans le canapé et elle sur le fauteuil. Elle remarqua maintenant que ses cheveux étaient un peu trop longs et pas très propres. Elle rompit le silence pesant qui s’installait.

- Vous êtes venu à pied, Fox ?

- Oui... J’ai besoin de prendre l’air. Il s’est mis à pleuvoir.

- C’est gentil de venir me voir... Je suis un peu surprise, c’est tout.

- Je ne veux pas vous déranger.

Il fit mine de se lever, mais elle l’arrêta en posant la main sur son épaule.

- Vous ne me dérangez pas, Fox.

Il la regardait presque avec espoir et elle sut pourquoi il était venu aujourd’hui. Elle le savait depuis qu’elle lui avait ouvert la porte.

- Elle n’est pas là, Fox. Elle ne viendra pas.

Il baissa les yeux et elle sut qu’elle venait de ruiner ses espérances. Elle se rapprocha et s’assit près de lui, entourant ses épaules de son bras droit.

- Je suis désolée, Fox.

- J’avais pensé que... pour Thanskgiving...

Maggie le sentant presque aux bords des larmes. Avec une voix douce, elle lui répondit :

- Elle a appelé il y a trois jours pour me prévenir qu’elle ne viendrait finalement pas. Elle va me manquer moi aussi.

Il lui répondit par un grand soupir. Ses épaules se soulevaient, comme s’il faisait des efforts pour ne pas fondre en larmes. Sa voix était rauque.

- Elle va bien ?

Maggie sourit.

- Oui... Du moins elle en donne l’impression. C’est pour vous, Fox, que je m’inquiète. Je ne dois pas me tromper en disant que ça ne va pas fort, n’est-ce-pas ? Pourtant vous sembliez aller un peu mieux la dernière fois que je vous ai vu.

Il ne répondit pas immédiatement. Elle l’encouragea en accentuant la pression sur ses épaules et en lui passant la main dans les cheveux, ce qui déclencha enfin ses sanglots.

- Elle me manque tant...

Il s’était penché en avant maintenant et tenait son visage entre ses mains pour contenir ses larmes.

- Je sais, Fox. Je sais que c’est difficile pour vous... Il ne faut pas lui en vouloir.

- Je vous prie, Maggie, donnez moi son numéro de téléphone. Il faut que je l’appelle.

- Elle ne m’a pas autorisée à le faire, Fox. Si elle voulait vous parler, elle l’aurait fait depuis des mois.

Il la regarda, les yeux noyés de larmes, puis secoua la tête tristement.

- Je suis pitoyable. Je ne sais pas pourquoi je suis venu vous voir. J’ai honte.

Il avait murmuré ces derniers mots.

Elle sourit avec gentillesse.

- Moi je sais pourquoi vous êtes venu. Vous êtes si seul, Fox. Vous n’avez pas à avoir honte.

Il s’essuya les joues et les yeux du revers de sa main, puis se leva.

- Merci de m’avoir ouvert votre porte, Maggie.

Il s’avança vers elle pour lui serrer la main et elle le prit dans ses bras.

- Ma porte est grande ouverte, Fox. N’hésitez pas à revenir me voir. Je vais vous appeler un taxi. Vous ne pouvez pas repartir à pied sous cette pluie.

- Non, c’est inutile. Je vais marcher.

- J’ai une meilleure idée.

Elle le laissa et se dirigea vers la chambre au fond du couloir, d’où venait la musique. Elle revint accompagnée d’une jeune femme blonde qui lui souriait.

- Fox, je vous présente Lucie. Elle est française, et prend des cours de piano avec moi. Elle habite votre quartier et s’apprêtait à partir. Elle va vous raccompagner.

Il allait pour protester, mais Maggie leur ouvrit la porte et embrassa la jeune femme.

- A demain, Lucie. Bonne soirée.

Ils se retrouvèrent tous les deux dehors sous la pluie battante. La jeune femme lui sourit et se précipita en riant vers la portière de sa voiture, l’invitant à la suivre. Il se retrouva presque malgré lui dans la voiture.

- Bonjour, Fox. Tu excuses mon accent épouvantable et mon pauvre vocabulaire, mais je commence ta language.

Il sourit malgré lui de son accent, charmant d’ailleurs et de ses fautes.

- Tu vois, tu te moques déjà !

Elle était gaie et engagea la conversation rapidement. Elle lui raconta qu’elle venait de perdre son emploi en France et qu’elle avait décidé de tenter sa chance aux USA. Elle avait connu Maggie à la paroisse et avait craqué pour sa gentillesse.

- Elle est géniale, n’est ce pas, elle me rappelle ma mère. Pas toi ?

Il n’osa pas enfreindre sa gaieté en lui répondant qu’il avait perdu sa propre mère quelques mois plus tôt.

- T’es pas très bavard, dis donc ? Tu fais la tête ?

- Non, Lucie, je n’ai pas très envie de parler, c’est tout.

Elle lui lança un regard curieux, puis se concentra sur la route. Il lui indiqua le chemin et elle le déposa rapidement devant chez lui.

- J’habite pas très loin d’ici, tu sais. Si tu veux qu’on mange un café ou qu’on voie une film, je serais assez d’accord.

Il lui sourit plus largement cette fois, non pas à cause de ses propositions, mais elle était vraiment charmante.

- Merci, Lucie.

- Quoi, merci ? Tu veux mon numéro de téléphone ou pas ?

Elle était décidément très directe et il se laissa faire. Elle lui glissa le numéro dans la main et l’embrassa sur la joue.

- Alors à bientôt, petit renard !

Il la regarda reprendre le volant en se demandant ce qu’elle avait voulu dire, puis s’engagea dans l’ascenseur. Malgré lui, il souriait en pensant à cette petite blonde qui avait réussi pendant quelques instants à chasser ses idées sombres.

Cité Universitaire.

Lucie se précipita sur le téléphone en arrivant dans sa chambre d’étudiante.

- Maggie ? C’est moi, Lucie. Dis moi, c’est qui ce type ?

- Lucie, du calme. Il s’appelle Fox Mulder, c’est l’ancien partenaire de ma fille Dana.

- Partenaire ? C’est quoi, son ex petit ami ?

- Non... Ils travaillaient ensemble au FBI. Ils ont été révoqués.

- Attends, Maggie. Ca veut dire quoi, révoqués ?

- Licenciés, mis à la porte. Comme toi en France, ok ?

- Ah, je comprends. Mais ils étaient pas ensemble ?

- Non. Mais ils étaient très liés. Très amis. Peut être plus, je ne suis pas sûre.

- Et c’est fini ?

- Disons que Dana a voulu prendre du recul. Elle est partie depuis six mois vivre à San Francisco. Mais pourquoi tu poses toutes ces questions, Lucie ?

- Disons que ton copain, il est drôlement séduisant. Et je me demandais si...

- Il est venu me voir aujourd’hui parce que Dana lui manque terriblement. Il pensait la voir ici.

- Il est amoureux d’elle ?

- Je pense que oui.

- Et elle ?

- Je ne crois pas. Elle ne serait pas partie autrement.

Il y eu un long silence, puis Lucie reprit l’assaut.

- Tu as son numéro de téléphone ?

- Lucie...

- Allez, Maggie, s’il te plait.

Maggie hésita quelques instants, puis lui donna le numéro de Fox, en sachant parfaitement que la jeune femme n’obtiendrait sans doute rien avec lui. Mais Lucie était si spontanée, si fraîche qu’elle pourrait peut être l’aider à le sortir de la déprime dans laquelle il semblait se complaire.

Appartement de Fox Mulder.

- Fox, c'est Lucie. Tu vas bien?

Mulder s'était réveillé en sursaut et sa voix était ensommeillée et rauque.

- Non... Quelle heure est il?

- Il est 14 heures. Je pensais qu'on pourrait se faire un toile, tous les deux, si tu veux.

- Non. Je suis malade.

- Tu as pris froid hier, sous la pluie ?

- Oui, sans doute. J'ai un mal de tête épouvantable... Et je n'ai même plus d'aspirine.

- Tu veux que j'aille t'en chercher ? La pharmacie près de chez moi est ouverte. Je te l 'apporte.

Il y eu un silence, puis Fox répondit d'une voix lasse.

- D'accord, Lucie. Merci.

Il raccrocha sans attendre. Il avait dormi presque deux heures et se sentait encore plus mal maintenant. Il se rallongea sur le lit, sa tête tournait et il avait envie de vomir. Il se rendormit en quelques instants.

La sonnette de la porte d'entrée le tira à nouveau de son sommeil. Il se leva péniblement, s'appuyant contre le mur pour éviter de tomber. Il ouvrit la porte et fit entrer la jeune femme.

- Oh dis moi, tu as une sale tête. Tiens, je t'ai pris de l'aspirine et un sirop contre la toux. Je me suis dit que tu en aurais sans doute besoin.

Fox était déjà retourné se coucher, sous peine de tomber dans les pommes. Il laissa Lucie un peu décontenancée dans le salon. Elle trouva rapidement la petite cuisine, ouvrit le placard et sortit un verre dans lequel elle dilua le sachet d'aspirine, puis rejoignit Fox dans la chambre. Il s'était allongé sur le côté, légèrement replié sur lui même. Elle s'assit près de lui doucement et lui posa la main sur le front.

- Tu es très chaud. Tu dois avoir beaucoup de fièvre. Tiens, bois ça.

Il lui jeta un regard éteint et prit le verre d'eau, qu'il but avec difficulté. Elle soutenait sa nuque humide et l'aida à se recoucher.

- Je vais fermer tes volets, tu veux bien ? Tu seras mieux pour dormir.

Il la laissa faire, trop faible pour émettre la moindre protestation.

Cette fille est incroyable, pensa t'il en fermant les yeux. Je le connais à peine et elle vient chez moi et me soigne. Il sombra rapidement dans un sommeil lourd.

Lucie se rassit près de lui et l'observa attentivement. Il est différent d'hier, se dit elle. Elle passa sa main sur sa joue rasée de près, caressa ses cheveux bruns et doux qui tombaient sur son front. Sa lèvre inférieure, sensuelle et bien dessinée, était entrouverte sur ses dents blanches et larges. Elle nota la longue ligne de son nez, son front large, le grain de beauté sur sa joue droite. Ses paupières fermées étaient soulignées par des cernes gris qui tiraient ses traits réguliers. Sa respiration était maintenant ample et régulière.

Elle sourit et caressa ses cheveux.

- Ca ne va pas fort, hein petit renard.

Il paraissait vulnérable dans son sommeil, totalement abandonné. Elle remonta le couvre lit sur lui et regagna le salon.

La pièce était sombre et triste. Elle regarda les gravures accrochées aux murs, des vieilles affiches, des photos d'astronomie. Elle se pencha sur le bureau et regarda la petite fille qui souriait sur la photo. Sa fille? Non, il paraissait jeune pour avoir un enfant de cet âge. Des poissons exotiques tournaient dans l'aquarium qui éclairait faiblement la pièce. Elle s'assit sur le canapé froid et entreprit de lire la revue qui traînait sur la table basse. Elle n'avait pas envie de partir. Et puis il pouvait avoir besoin d'elle, il paraissait réellement mal en point.

Une heure s'écoula. Elle revint dans la chambre. Il avait repoussé le couvre lit et son grand corps était étendu. Il portait un pantalon de jogging gris et un tee blanc, et dormait avec les bras le long du corps, complètement détendu. Elle posa sa main sur son front. Il était encore chaud, mais la fièvre semblait avoir baissée. Le contact de sa main fraîche lui fit ouvrir les yeux. Lucie reçut un choc en voyant ses prunelles mordorées. Elles étaient fascinantes, changeantes avec des reflets incroyables. Il ne paraissait pas étonné de la voir encore là.

- J'ai dormi longtemps?

- Non, une heure à peine. Tu vas mieux?

Il porta la main à son front et massa ses tempes.

- Un peu, oui. Merci pour l'aspirine.

- C'est rien. Tu veux boire quelque chose?

- Non... Lucie, pourquoi tu fais ça?

Elle le regarda avec douceur. Fox savait qu'il attirait la jeune femme, mais il voulait entendre sa réponse.

- Tu me plais, Fox. Tu m'as plu au moment où je t'ai vu dans l'entrée, chez Maggie. Alors je tente ma chance.

Il soupira et lui sourit faiblement.

- Pour un premier rendez vous, c'est pas terrible.

- On se rattrapera.

Elle lui posa un baiser léger sur les lèvres et il ferma les yeux, épuisé. Il avait envie de lui dire qu'il ne pensait qu'à Dana, et qu'il n'était pas prêt pour une aventure. Mais il savait aussi que Dana se refuserait toujours à lui. Surtout après ce qui s’était passé. Lucie était charmante, gaie et spontanée. Mais si jeune... Il ne voulait pas lui faire de mal, lui briser le coeur.

La chambre était plongée dans la pénombre lorsque il se réveilla. L’appartement était silencieux. Il frissonna et se leva avec précaution en s’asseyant sur le bord du lit. Il se sentait mieux que les dernières heures mais restait néanmoins assez abattu. Il enfila le pull bleu qui traînait sur la chaise près du lit et se dirigea vers la cuisine en traversant le salon. Il sursauta en découvrant Lucie dans la cuisine.

- Eh, ça va mieux on dirait. Tu as meilleure mine.

Il la regarda, un peu étonné de la trouver là. Elle s’aperçut de son étonnement et rougit un peu.

- Je m’apprêtais à partir, mais je voulais m’assurer que tu allais bien.

Elle se leva du tabouret et s’approcha de lui, d’une démarche sensuelle. Mulder sentit son corps frémir d’excitation. Elle était belle et très désirable. Quand elle fut près de lui, il l’attira et l’enlaça. Elle répondit en l’embrassant avidement. Sa tête était légère et vide et la fièvre lui donnait l’impression que son corps flottait. Ils s’allongèrent sur le canapé et firent l’amour passionnément.

Plusieurs heures passèrent. Ils s’étaient finalement installés sur le lit et reposaient l’un contre l’autre, alanguis par l’amour. Lucie avait posé sa tête sur la poitrine de Mulder et écoutait sa respiration tranquille.

- Tu dors ?

- Non...

- Tu es bien ?

- Oui. Et toi ?

- Parfaitement bien. Je t’aime, Fox.

- Ne dis pas ça, Lucie. Tu ne me connais pas.

- Un peu quand même...

Elle se redressa et le regarda avec étonnement. Sa voix et son visage étaient soudain d’une tristesse infinie.

- Qu’est ce que tu as à cacher ?

- Tu ne me connais pas, c’est tout. Je n’ai rien à cacher.

- Alors parles moi de toi. Un peu.

- Je déteste ça.

- Alors je pose des questions. Ca va comme ça ?

- Si tu veux.

- Tu as quel âge ?

- 36 ans.

- Marié ? Divorcé ?

- Marié, divorcé, il y a 8 ans.

- Des enfants ?

- Non.

- Des frères et des soeurs ?

La tristesse dans ses yeux s’accentua encore. Elle vit des larmes se former soudainement. Elle regretta aussitôt cette question. Il y répondit d’une voix sourde, déformée par l’émotion.

- Une soeur. Elle est morte.

- Je suis désolée.

- Elle a disparu lorsque j’avais 12 ans. Elle en avait huit. J’ai cru pendant longtemps qu’elle avait enlevé...par des inconnus. Je l’ai cherché pendant vingt ans. Il y a quelques mois, on a découvert qu’elle avait été enlevé et que son ravisseur l’avait tué quelques jours après son rapt.

- Oh, mon Dieu. Pardon d’avoir remué ces souvenirs.

- Tu n’as rien remué du tout, Lucie. C’est en moi. Je porte ça depuis des années. Mais cette... découverte a été le moment le plus douloureux de mon existence. Toutes mes convictions se sont effondrées. Ca m’a détruit. Ma mère en est morte de chagrin, quelques mois plus tard. J’ai été viré du FBI. Je suis passé pour un fou dangereux. Ma partenaire... Dana, la fille de Maggie, a été obligé de démissionner. J’ai tout raté. J’ai détruit sa vie...

Des sanglots montaient dans sa poitrine maintenant et avait du mal à les contenir. Lucie passa la main sur sa nuque et le caressa doucement. Des flots de larmes s’échappèrent de ses yeux.

- Chut... Ne pleures pas... Je suis là...

Elle l’attira contre elle et sentit ses larmes rouler dans son cou. Il sanglotait bruyamment et elle le serra plus fort contre elle. Il était à nouveau brûlant de fièvre et sa peau était frissonnante. Elle caressa son dos, sa nuque, respirant l’odeur de sa peau. Elle prit son visage dans ses mains et l’obligea à le regarder.

- Si tu as besoin de parler à quelqu’un, je suis là.

Il plongea son regard noyé de larmes dans ses yeux aigue marine et lui sourit faiblement.

- Je me sens si seul...

- Je sais... C’est ce que j’ai ressenti en te voyant pour la première fois. C’est pour cela que j’ai été vers toi.

Ils restèrent un long moment sans parler, puis il soupira profondément.

- Je t’aime.

Elle avait murmuré ces derniers mots et il lui répondit en murmurant également.

- Chut... Ne dis pas ça.

- Pourquoi ?

- Je te fais pitié, c’est tout.

- Non, petit renard.

Elle lui sourit et se leva gracieusement. Il l’entendit faire couler de l’eau et elle revint avec un verre à la main.

- Bois ça. Ta fièvre est remontée.

Il prit le verre et but son contenu d’une traite.

- Tu travailles demain ? Enfin, tout à l’heure ?

- Oui...

- Je crois que tu vas appeler et dire que tu ne viendras pas. Ou je le ferais si tu veux.

Mulder sourit tristement. Il n’avait de toute façon aucune envie de retrouver le bureau sinistre de la Faculté de Psychologie et d’affronter la horde d’étudiants bruyants à qui il devait dispenser des cours qui de toute façon ne les intéressaient pas. C’était le seul job correct qu’il avait trouvé après son licenciement du FBI. Il avait refusé tous les postes qui avaient des relations directes ou indirectes avec l’ufologie, les extra-terrestres ou le paranormal. C’était fini. Il ne voulait plus entendre parler de tout ça.

Avant de partir du FBI, il avait fait un scandale en dévoilant les sinistres machinations des instances dirigeantes à la presse. Égoïstement, il s’était défoulé, négligeant les conséquences sur sa partenaire. Scully avait été impliqué et on lui avait fortement conseillé de démissionner. Sa réputation avait été ternie et elle avait préféré partir à l’autre bout du pays.

Avant qu’elle ne parte, il lui avait avoué ses sentiments pour elle, sentiments qu’elle partageait même si elle s’en défendait. Ils avaient eu une scène d’une rare violence. Émotionnellement déstabilisé par la découverte du décès de sa soeur, par la mort récente de sa mère, effondré par l’annonce de son départ, il avait perdu la tête et pratiquement tenté de la violer. Il avait envie d’elle depuis si longtemps qu’il avait totalement perdu le contrôle de lui même.

L’horreur qu’il avait vu dans ses yeux l’avait heureusement arrêté. Il s’était senti soudain horriblement coupable et l’avait supplié de lui pardonner. Mais elle était partie sans même un regard pour lui, atterrée par son attitude. Il était resté pendant des heures à terre, consterné, incapable de réagir. Il savait qu’il avait commis l’irréparable. Il ne l’avait pas revu.

Six mois. Six mois s’étaient écoulés, mornes, nourris par la culpabilité. Il s’enfonçait progressivement dans la dépression, refusant de voir les quelques amis qui lui restait. Maggie était la seule personne qu’il voyait, de temps à autre. C’était toujours souvent elle qui prenait l’initiative de leurs rencontres. Il savait qu’elle n’était pas au courant de son comportement honteux. Il acceptait de la voir car il n’avait que ce moyen d’avoir des nouvelles de Dana. C’est Maggie qui l’empêchait de sombrer totalement. Avec humour et tendresse, elle lui faisait des remarques sur son habillement et sa coupe de cheveux, le forçant à se reprendre en main pour quelques jours. Il avait maigri de plusieurs kilos et se reconnaissait à peine lorsque il se regardait dans un miroir. Elle l’emmenait au restaurant, essayant de lui prodiguer quelques conseils qu’il écoutait d’une oreille distraite. En fait il se complaisait dans son mal être, il avait toujours été un perdant. Sa quête l’avait sauvé pendant quelques années, le forçant à réagir, mais maintenant plus rien ne le retenait. Il était simplement trop lâche pour en finir vraiment.

Il avait noyé son chagrin et son infamie dans l’alcool, passant des soirées entières dans des bars louches, et s’était retrouvé plusieurs soirs dans les draps sales des hôtels de passage. Le lendemain, lorsque les brumes des vapeurs d’alcool se dissipaient, il se faisait horreur, il avait l’impression de ressembler à son père. Alors il se promettait de ne pas recommencer, et il tenait sa promesse jusqu’à la prochaine crise d’angoisse. Maggie lui avait présenté un psychologue, il avait assisté à quelques séances puis avait refusé de continuer.

Quand il était à bout de forces, à bout de larmes, il se rendait sur la petite tombe blanche de Samantha. Là il fondait en larmes et lui promettait de se reprendre. Mais il ne voyait pas d’espoir dans sa vie.

Il ouvrit les yeux et se plongea à nouveau dans le regard de la jeune femme. Et si elle était son ange gardien ? Si elle était celle qui allait le sauver ? L’amour qu’il lisait dans ses yeux le bouleversa. Il était donc encore capable de se faire aimer ? Il s’accrocha à cette idée, et l’attira, la serrant fort contre lui. Elle était douce et il s’enivra de son parfum doucereux.

Ils passèrent les deux jours suivants sans sortir, à se découvrirent l’un et l’autre. Elle était drôle, intelligente et vive, et Mulder s’émerveillait de la voir ainsi, rayonnante, à ses côtés. Les jours et les semaines passèrent, et il s’étonnait de s’ouvrir si rapidement à elle, lui racontant son enfance, effaçant les heures les plus sombres. Des souvenirs qu’il pensait disparus lui revinrent en mémoire, et il lui relatait les moments heureux de son existence.

Il s’apercevait avec stupeur qu’il commençait à oublier le visage de Dana, qu’elle devenait une image lointaine et éthérée. Maggie avait accueilli son bonheur avec émotion et tendresse, et aimait les recevoir, les voir si heureux ensemble. Sa jeune élève était manifestement très amoureuse et Fox paraissait transformé. Son visage était détendu, ses yeux avaient retrouvé leur éclat d’antan et un perpétuel petit sourire s’affichait sur son visage. Puis peu à peu, leurs visites s’espacèrent, comme s’ils avaient maintenant besoin de trouver un nouveau souffle, sans référence au passé.

Lucie emménagea chez lui peu à peu, transformant son triste appartement en lieu de vie agréable et simple. Puis quelques mois après leur rencontre, ils vidèrent sa chambre d’étudiante. Elle continua à fréquenter les cours pour obtenir son diplôme d’infirmière, il trouva un poste qui le motivait plus que le précédent.


Trois ans plus tard.

Mulder ouvrit son courrier distraitement. Toujours les mêmes choses, les factures, les remboursements, les papiers administratifs qui encombraient encore sa boite aux lèvres. Son regard fut attiré par une enveloppe au timbre coloré. Il l’ouvrit avec une telle hâte qu’il déchira la lettre qu’elle contenait.

Il y avait une page entière d’une écriture familière. Son coeur battit soudain plus vite. Il s’assit avec précaution sur le canapé, se tenant le dos en grimaçant de douleur et se plongea dans la lecture de la lettre.

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Mulder,

Je t’écris sur mon lit de camp, alors que dehors le soleil est si fort qu’il est impossible de sortir. La tente est calme et pour une fois je me retrouve seule, ce qui est rarement le cas.
J’ai reçu la lettre de Maman il y a seulement quelques jours, et je sais que ma lettre arrivera sans doute trop tard. Trois mois ont passé et je voudrais te dire combien j’aurais aimé pouvoir être prêt de toi, pouvoir te réconforter. Maman m’a relaté ton courage et ta force de caractère dans cette tragédie. Je n’en doute pas un seul instant. Je n’ai jamais douté de toi.

Ici, dans ce lieu de misère et d’espoir, j’ai tout oublié. Toute mon âme a accompli une renaissance. Mes joies et mes peines d’antan ont disparu. Ici, il n’y a que les enfants, et ces hommes et ces femmes qui ont besoin de moi. Ma vie d’avant n’est qu’un souvenir lointain.

Ma mission est bientôt terminée et je n’ai pas encore décidé de mon avenir. Je sais que je n’accomplis qu’une partie infime du travail ici, mais j’en suis fière. Je ne sais pas si je serais capable de vivre à nouveau en oubliant ce que j’ai vécu ici.

Je te laisse, Mulder, en espérant de tout mon coeur que tu sauras trouver la force nécessaire pour avancer, encore et toujours.

Scully.

<<<<<<<<<<<<

Mulder ferma les yeux et des larmes roulèrent sur ses joues. Elle l’avait pardonné. Cette lettre témoignait de son pardon. Mon dieu, merci. Quatre ans sans avoir de nouvelles directes, quatre ans de silence pesant. Mais aujourd’hui, alors qu’il avait tant besoin d’elle, elle avait écrit, elle avait pardonné. Il soupira profondément. Le poids qu’il avait sur la poitrine depuis toutes ces années s’était subitement envolé.

Un an plus tard.

Elle le regardait depuis une heure. Cela lui semblait une éternité. Elle avait pensé tant de fois à cet instant qu’elle était comme paralysée. Elle le regardait, magnifique et tendre, si peu changé par les années. L’écho de son rire lui parvenait lorsque la petite fille blonde sautait dans ses bras. Il la faisait tournoyer et elle riait aux éclats puis se blottissait contre son cou, et il la dévorait de baisers. Il la laissait repartir à ses jeux et s’asseyait sur le banc de bois, remontant le col de son blouson de cuir, engloutissant ses mains nues dans ses poches, attentif à la petite fille, insouciante et gaie, qui se mêlait aux autres enfants.

Elle frissonna. La lumière de cette fin d’après midi d’automne était superbe, les arbres avaient des tons roux et chauds et le temps semblait suspendu.
Elle n’osait pas aller vers lui, et briser la magie de cet instant. Elle l’avait imaginé avec son enfant, mais le voir ainsi, attentionné et affectueux, la bouleversait.

Elle se leva, mais ses jambes tremblaient d’émoi. D’un pas hésitant, elle s’avança vers le banc où il était assis. Il se leva soudain, anxieux, en voyant la petite fille qui venait de tomber et qui pleurait. Il se précipita vers elle et l’enlaça dans ses grands bras, la cajolant et embrassant ses larmes. L’enfant se remit à sourire et lui embrassa le nez, mutine.

Elle se tenait maintenant derrière lui, et la petite fille la regardait avec des yeux étonnés. Il s’aperçut de ce regard insistant et se retourna brusquement. Dans ses yeux apparurent la stupeur et l’émotion.

- Scully ?

Sa voix chaude et douce était pareille à son souvenir.

- Bonjour, Mulder.

- Scully, mais qu’est ce que tu fais là ? Mon Dieu, je ne sais pas quoi dire...

- Dis moi bonjour.

Elle le regarda avec attention, notant le pli de sa bouche, les premières rides autour de ses yeux aux reflets changeants, les quelques cheveux blancs sur ses tempes, ses cheveux coupés courts, toujours aussi indisciplinés. Elle le vit s’avancer vers elle pour déposer un baiser aérien sur la joue. Il portait toujours le même parfum, léger et musqué, qu’elle aimait tant.

- Dana, c’est une telle surprise... Je te croyais encore en Afrique.

- Non, je suis rentrée. Définitivement. Je suis là depuis quelques jours. C’est Maman qui m’a dit que je pourrais te trouver là.

- Maggie... Oui, elle vient ici avec moi de temps en temps. Dana, voici ma fille Lizzie.

- Bonjour Lizzie.

Dana se pencha pour embrasser la petite fille qui lui rendit son baiser.

- T’es une copine à Papa ?

- Oui, une vieille amie.

- Tu es pas vieille. Tu es très belle.

- Tu es belle aussi ma chérie.

Elle retrouvait dans les traits délicieux de l’enfant l’innocence et l’intelligence qui l’avaient tant séduite chez son père.

- Lizzie, tu peux retourner faire du toboggan, d’accord ? Mais fais bien attention cette fois ci.

La petite quitta les bras de son père et courut jusqu’à la structure retrouver ses camarades.

- Elle est magnifique.

Elle plongea ses yeux dans le regard de Mulder, retrouvant les émotions du passé. Une lueur de tristesse passa dans ses prunelles mordorées.

- Elle ressemble à sa mère.

Elle lisait à coeur ouvert sur son visage. La joie et la peine se disputaient.

- Comment vas tu ?

- Ca va. Lizzie... est ma seule raison de vivre, à présent. Je l’aime comme je n’ai jamais aimé personne. C’est une merveilleuse découverte, de s’apercevoir qu’un être à tant besoin de vous... Sans elle, je ne sais pas si...

- Je sais, Mulder. Maman m’a tout dit. J’ai eu tant de peine pour toi...

- Il faut continuer à vivre, avec le poids de ses regrets. Je vis pour elle.

- Et ton dos ?

- J’ai subi ma dernière intervention il y a deux mois, les chirurgiens m’ont assuré que je n’aurais pas de séquelle. Il faut que je fasse attention à certains mouvements, mais ça peut aller. J’ai eu de la chance de ne pas me retrouver en fauteuil roulant, finalement.

Il lui sourit de façon un peu ironique. La chance... Lucie n’avait pas eu cette chance. Pour elle, tout avait été terminé le jour de l’accident. La douleur de l’absence lui revint en mémoire l’espace d’un instant et il ferma les yeux, essayant de chasser les larmes qui menaçaient de couler. Revoir Scully était à la fois difficile et merveilleux à la fois. Il respira profondément et se plongea dans son regard bleu.

Elle avait changé. Elle était plus femme que jamais. Le soleil africain donnait à sa peau une couleur qu’il ne lui connaissait pas. Ses yeux clairs ressortaient encore davantage dans son visage hâlé. Ils restèrent ainsi de longues minutes sans qu’aucune parole ne soit échangée. Puis la petite fille se glissa entre eux deux, leur prit la main et ils se laissèrent guider dans l’allée.

FIN

 

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