Peurs

TITRE / PEURS

AUTEUR Valérie
ÉMAIL valeriec2@wanadoo.fr

AVERTISSEMENTS (G, PG, PG13, R, NC17) PG

CATEGORIE (X, C, H, MSR, etc...) A

SPOILERS Biogénésis - 6th extinction - Amor Fati

RESUME Suite alternative de la trilogie marquant la fin de la 6ème saison et le début de la 7ème saison.

DISCLAIMER Mulder et Scully appartiennent à notre père à tous, Chris Carter et à la Fox.

PEURS

 

Nous étions assis sur le canapé depuis près de deux heures, à regarder un match qui semblait ne jamais se finir. Je l’avais enregistré pour lui, pour qu’il puisse le regarder lorsque son état le permettrait.
Sa tête posée sur mes genoux, je caressais distraitement ses cheveux courts, effleurant parfois sans le vouloir la cicatrice au niveau de son lobe temporal gauche, qui commençait à disparaître sous la repousse des cheveux drus.
Je le sentais ailleurs, il n’avait pas parlé depuis le début du match. Son regard se perdait quelquefois dans des abîmes où je ne pouvais pas le rejoindre.

- Tu vas bien ?

Sa voix me parvint, lointaine.

- Oui.

- Tu te masses les tempes.

Il ôta instantanément les mains de sa tête.

- L’habitude. Ca va.

Je savais qu’il me mentait. Il n’allait pas bien.

*********

Les premiers jours avaient été terrifiants. Nous avions réussi à le sortir de l’hôpital, dans un état de faiblesse indescriptible. Byers et Frohike s’étaient proposés pour l’accueillir chez eux mais ils ne savaient pas à quoi s’attendre. Une fois les effets des drogues dissipés, il avait commencé à faire des crises de terreur, où il se mettait à hurler. Il restait ensuite de longues heures abattu et silencieux, refusant de manger ou même de communiquer. Byers avait vidé une pièce où il ne restait qu’un matelas, où il se blottissait des heures durant, les yeux fous, les mains sur ses tempes. J’étais totalement désemparée. Continuait il à entendre ces voix qui le terrorisaient ou était ce seulement une hallucination ?

J’arrivais à l’approcher lorsque nous lui donnions des barbituriques. Sa résistance était telle que les médicaments ne faisaient que partiellement leur effet. Il était alors comme à l’hôpital, catatonique et aréactif. J’en profitais pour changer son pansement et pour le laver, caressant son corps amaigri par ces jours de cauchemars. Il suivait mes mouvements des yeux, et je sentais qu’il m’en était reconnaissant. Sa bouche s’ouvrait quelquefois et j’espérais qu’il me parle, mais aucun mot ne franchissait la barrière de son mutisme.

Sa première parole fut pour moi. Ses crises s’espaçaient et nous pouvions rester près de lui plus longtemps sans déclencher de fortes réactions de sa part. D’une voix faible, il m’interpella pour me demander à boire.

Les paroles revinrent peu à peu, et nous avons pu commencé à échanger des phrases au bout de dix jours. Il avait besoin de sédatifs pour se sentir mieux mais à ma grande crainte ses besoins ne cessaient d’augmenter.

Lorsque les questions arrivèrent, je ne sus quoi lui répondre. Je lui racontais que je l’avais trouvé sur une table d’opération, le crâne ouvert, et qu’avec l’aide des Lone Gunmen nous l’avions sorti de là. Je ne pouvais pas lui donner d’autres réponses. Je n’en savais rien. Que lui avaient ils fait ? Quelles seraient les conséquences des actes pratiqués ? Je n’avais aucune réponse à lui apporter, je ne pouvais lui apporter que mon réconfort et mon amour.

Quinze jours plus tard, il a demandé à rentrer chez lui. Il était encore faible et incapable de mener une vie normale, je me suis donc installée chez lui. C’était une première pour nous deux, même si nous avions passé quelques nuits ensemble avant.
Avant... Lui comme moi savions que rien ne sera comme avant. Cela nous effrayait, mais nous avions l’un comme l’autre la volonté d’oublier ce cauchemar.
Mulder faisait des efforts pour tenter de l’effacer, mais chaque fois les crises revenaient, atténuées parfois, mais régulières, accablantes, inéluctables.
Toute émotion forte, bonne ou mauvaise, le conduisait aux portes de la terreur.
Nous avons tenté de refaire l’amour, de retrouver ce plaisir presque inconcevable qui nous avait délivré de nos doutes, un certain soir, après une démonstration de base ball. Mais après une tentative, j’ai passé presque deux heures à le calmer dans mes bras, à étouffer ses sanglots et ses craintes. Nous nous contentions donc de nous effleurer, comme par le passé.

*********

Les crises. Je les sens venir, j’ai l’impression que mon cerveau va exploser, les voix se bousculent dans ma tête... Où bien je crois qu’elles sont encore là, je me souviens... Je perds le contrôle de moi même, je me mets à hurler et à pleurer, je sanglote contre l’épaule de Scully ou me roule en boule sur moi même, trop effrayé pour essayer de réagir. Mon Dieu, j’ai survécu à tant de choses... le rétrovirus, l’huile noire, les balles des serial killers, l’hypothermie.... Pourquoi ne puis je pas me remettre de cette terrifiante expérience ? Pourquoi ? Que m’ont ils fait ?

Un mois bientôt que Scully m’a sauvé la vie. Je souffre d’un cas extrême de syndrome post-traumatique m’explique t’elle. Je veux la croire. Mais au fond de moi même, je sais que ce n’est pas que cela.

Nous avons fait plusieurs tentatives. J’arrive à sortir dehors, mais il me faut un endroit calme et sans trop de monde autour de moi. J’arrive à contrôler ma peur de la multitude, et je me concentre sur ma pensée. C’est épuisant. Scully me soutient, mais que peut elle faire de plus ?

J’aime quand elle travaille à la maison, son énergie me fait du bien. Tard dans la nuit, elle vient me rejoindre dans la chambre et nous nous blottissons l’un contre l’autre. Ces moments de bien être m’aident plus que tout.

********

Lorsque je me réveille, je sens une présence dans l’appartement. Ce n’est pas Scully. Mon comportement d’agent fédéral reprend le dessus. J’enfile un jean et des baskets, je porte le tee shirt gris que j’avais cette nuit. Ma main cherche instinctivement mon arme, que je sais cachée dans le tiroir de la commode. Je marche doucement dans l’appartement, les bruits viennent de la cuisine. J’entre dans la pièce et je braque mon arme.

- Frohyke !

- Eh Mulder. Baisse ton arme, d’accord. Je ne savais pas que tu détestais le thé à ce
point !

Je le regarde et j’essaye de lui sourire, mais mon regard se pose sur l’épais dossier qu’il tente de dissimuler sous le set de table. Son regard me fuit un peu et je sens qu’il est embarrassé.

- Scully m’a demandé de passer... Elle devait sortir et elle ne savait pas pour combien de temps elle serait absente. Ca va Mulder ?

Je commence à blêmir et je sens les gouttes de sueur sur mon front. Non Mon Dieu, pas devant Frohyke...

D’une voix faible, je lui demande de sortir de la pièce. Il s’exécute sans un mot, me laissant seul dans la cuisine.

Je me laisse tomber à terre, mes bras encerclent mes jambes et je me recroqueville contre le mur. Impossible de contrôler la terreur qui m’envahit brutalement. C’est Frohyke, c’est mon ami. Je respire profondément et au bout de quelques minutes j’arrive à me mettre debout et à contrôler le tremblement de mes jambes. Je m’assois lourdement sur la première chaise qui se présente à moi. Mon bras se tend vers le dossier qui est là, à portée de mains.
Je le parcoure rapidement et son contenu pénètre peu à peu mon esprit. Soudain mes yeux se brouillent et mes mains se portent à mes joues ruisselantes de larmes. Ce que je lis est trop invraisemblable...

Sans réfléchir, je bondis hors de la cuisine et je franchis la porte d’entrée en courant. L’air brûlant du dehors m’assaille, mais je continue à courir, franchissant les limites de mon immeuble puis les limites de mon quartier. Mes jambes me portent, j’ai l’impression que mon esprit est resté là bas, devant l’épais dossier. Ma course me conduit bientôt vers le parc où Scully m’a emmené le jour de ma première sortie. C’est un endroit calme et presque désert, le long du fleuve.

Mes poumons me brûlent, je sens la sueur couler sur mon front. L’effort musculaire, oublié depuis des semaines, m’épuise rapidement. Je ressens une douleur sur le côté qui bientôt m’oblige à m’arrêter. J’essaye de respirer profondément, mais la chaleur est telle que j’ai l’impression d’être dans un four. Je vois à travers les yeux brouillés par les larmes et la sueur les regards qui se posent sur moi. Et soudain je sens la multitude...

Des centaines de gens sont à quelques dizaines de mètres de moi, écoutant gaiement un groupe de rock qui joue sur un podium. Le festival... Le parc reçoit un festival de musique... Des centaines de gens... Je panique en sentant leur présence, si proche...
InconscieMment je prends la position qui m’aide à me concentrer, à moitié accroupi, les bras serrant mes jambes. Je sens mon coeur qui s’affole et mes pensées assaillies...
Il faut que je trouve un endroit désert... Je me répète cette phrase comme un mantra, me concentrant sur cette unique pensée. Mes jambes ne répondent plus. Je suis trop épuisé pour me lever.

Soudain je sens une présence près de moi. Je lève ma tête, difficilement. Une toute jeune femme portant un enfant me sourit et me demande si j’ai besoin d’aide. Besoin d’aide.... Je lui murmure que j’ai trop couru, que la pollution à l’ozone a fait une victime de plus. J’essaye de lui sourire pour qu’elle se rassure et qu’elle n’appelle pas les secours. Elle me tend un verre d’eau que j’avale avec volupté puis me laisse enfin. J’arrive à me lever et je reprends mon chemin, m’éloignant de la foule. Je n’ai pas d’argent sur moi, pas de portefeuille, pas de portable. Je ne peux pas rentrer seul, je suis trop fatigué. Ma tête menace d’exploser, je sens le battement du sang sur mes tempes. La chaleur m’accable.

Je trouve enfin un endroit plus calme et je m’allonge dans l’herbe. Le soleil est maintenant au zénith et je peux enfin essayer de retrouver mes esprits. Scully... J’ai besoin de toi...

Lorsque je me réveille, le soleil se couche sur le fleuve. J’essaye de me relever, mais ma tête tourne et je reste finalement couché. Mes lèvres sont sèches et ma peau est brûlante. J’ai si soif...

********

Je l’ai cherché des heures. Depuis que Frohyke a constaté sa disparition, j’ai parcouru chaque rue, chaque parc. Et puis soudain une idée me traverse. Je saute dans la voiture et me dirige vers le parc où nous sommes allés la première fois. Le festival se termine et la foule commence à se retirer. Il n’a pas pu rester là... Trop de monde. Mais le parc est vaste. Je le parcoure allée après allée, scrutant chaque visage. Une silhouette familière allongée dans l’herbe... Je me précipite vers elle. Mon Dieu, merci. Il est là.

********

Mes yeux brûlés par le soleil tente de s’ouvrir et j’aperçois à travers mes paupières mi-closes le sourire triste de Scully. Elle s’agenouille près de moi et humecte un mouchoir qu’elle pose sur mon front. La fraîcheur du contact me paralyse presque. Elle m’aide à me relever, et je me blottis contre elle, respirant l’odeur suave de sa peau chaude.
Elle murmure mon nom, et je me sens enfin en sécurité.

*******

- Tu es resté en plein soleil toute la journée, n’est ce pas ?

- Tous les arbres étaient déjà pris...

- Il faut que tu boives. Tu es complètement déshydraté.

Je sens dans sa voix une ombre de désapprobation. Elle se lève et me tend la main.

- Il y a une fontaine tout près. Tu peux y arriver ?

Je hoche la tête et me redresse sur mes jambes. Un étourdissement m’oblige à m’appuyer sur elle.

Elle me guide doucement vers la source d’eau. Avec douceur, elle me verse de l’eau sur la nuque, puis sur les cheveux et bientôt mon tee shirt est trempé. J’aperçois les ravages du soleil sur la peau de mes bras et je sens mon visage brûlé. Elle m’oblige à boire de grandes gorgées d’eau tiède et mon estomac se révulse. Je vomis dans l’herbe jaune, plié en deux.

- Je suis garée loin. Tu vas pouvoir marcher ?

Je ne lui réponds pas mais nous nous mettons en marche. La voiture apparaît comme un havre de paix. Elle branche la climatisation au maximum. La fraîcheur me fait frissonner.

- Je devrais te conduire à l’hôpital. Tu as une sérieuse insolation et un érythème solaire assez fort.

Le regard que je lui lance la fait changer d’avis. Elle sait que je ne supporterais pas une hospitalisation.

- Bon oublie ça. Mais il faut que tu te fasses faire un bilan, Mulder. Je t’en prie.

Nous avons plusieurs fois repousser l’échéance, mais après l’épisode d’aujourd’hui, je sais que je ne peux pas continuer à vivre ainsi. Il faut que je sache.

*********

Je le déshabille comme un enfant, il se laisse faire avec des yeux tristes. Il frissonne dans les draps frais. Toute la nuit, je l’entends délirer à côté de moi. Il a plus de 40° de fièvre. Son organisme épuisé réagit avec peine et il met plus de 4 jours avant de s’en sortir. Je suis restée près de lui, attentive, inquiète... Maman m’a relayé quelques heures, pour que je puisse dormir un peu. Elle a une vraie tendresse pour lui, elle sait combien il compte pour moi. Je ne lui pas dit toute la vérité, mais elle sait la gravité de son état. Je prends contact avec les meilleurs spécialistes. Nous avons rendez vous dans trois jours.

*********

Les tests ont duré une journée entière. Une journée où je me suis efforcé à rester calme, à expliquer ce qui m’arrive aux médecins. Neurologue, psychiatre, radiologue... J’ai l’impression d’être une curiosité. Ils sont tous pourtant très compréhensifs, et très gentils avec moi.

A la fin de la journée, dans un grand bureau austère, ils sont tous là. Ma main dans celle de Scully, j’essaye de comprendre ce qu’ils me disent. J’entends les mots : lésions irréversibles, schizophrénie probable, nécessité d’éloignement. Je vois les larmes de Scully, je sens sa main qui agrippe la mienne.
Nous rentrons à la maison dans un silence pesant. Le choc est atténué par les médicaments dont ils m’ont abreuvé durant toute la journée, mais la peur au ventre j’essaye de comprendre ma situation.

Jamais plus je ne serais le même.

********

Scully prend les choses en main avec une force de caractère étonnante. Elle envoie nos lettres de démission au FBI après avoir longuement téléphoné à Skinner. Elle s’occupe de résilier les contrats de location de nos appartements respectifs et prend contact avec différentes agences pour nous trouver une maison, ailleurs, dans un endroit où je ne serais pas trop en contact avec la population. Elle choisit le Montana. Elle a trouvé un cabinet médical à vendre.
Je n’ai pas eu à lui poser la question de savoir si elle m’accompagnait dans cette nouvelle vie. Elle a décidé de notre avenir.Les nouveaux médicaments qu’on m’a prescrit me permettent de mener une vie presque normale. Mes phobies ne sont plus aussi prononcées qu’auparavant, mais je sens bien que mon esprit n’a plus la même vivacité.
Nous nous installons un mois plus tard.

***********

Nous avons du faire le deuil de nos espérances.

*********


Cher Walter,

Deux ans déjà...
Pardon de ne pas vous avoir fait signe plus tôt, mais le temps passe si vite et nous avons eu tant à faire...
Notre nouvelle vie est paisible, nous n’avons plus les mêmes préoccupations qu’auparavant. Le plus grand bouleversement a été la naissance de notre fille, six mois plus tôt. La FIV a été un succès. Jamais je n’aurais pensé recevoir tant de bonheur. Lisa est magnifique.
Fox est fou de joie. Il passe beaucoup de temps avec elle, c’est un père merveilleux. Lisa lui apporte un équilibre, plus encore que les médicaments dont il ne peut se passer pour mener une vie presque normale.
Sa merveilleuse intelligence est restée intacte, même si il persiste un certain retard, une sorte de rêverie qui le rend encore plus attachant.Il a du faire le deuil de sa personnalité passée, ça n’a pas été simple.
Il communique sur Internet, c’est le seul moyen qu’il ait trouvé de passer outre son agoraphobie maladive.
Mon cabinet médical m’apporte beaucoup de joie et de peine, la vraie vie...
Nous serions heureux de vous voir très bientôt.

Dana.

 

FIN

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