Retour
Titre : Retour à la vie

Auteur : Valérie, librement inspirée par une merveilleuse fic de Michele Kieffer, intitulée Fringe

Email : valeriec2@wanadoo.fr

Spoiler : Requiem

Catégorie : MSR, PG13, MT.

Résumé : Il faut du temps avant qu'un être traumatisé retrouve son équilibre.

Disclaimer : Les personnages appartiennent à Chris Carter et la Fox. Je ne fais que les emprunter.

 

RETOUR A LA VIE

 

 

Il est là de nouveau, sous l'avancée du restaurant en face de chez moi. Il frissonne, sous la lueur du lampadaire, et j'ai l'impression qu'il parait un peu moins négligé ce soir. Je ne l'ai pas vu rasé depuis un long moment. Ce soir son visage est propre, ses cheveux un peu moins emmêlés. Cela me donne un peu d'espoir, mais j'essaye de rester pragmatique.

Il regarde vers ma fenêtre, comme il l'a fait tant de soirs auparavant. Il n'y a pas de rideau, et je laisse une lampe allumée à côté, pour que la fenêtre soit toujours illuminée, comme un appel, un espoir. Les soirs où il regarde, je fais en sorte de passer devant la fenêtre aussi souvent que possible, quelquefois avec Will dans mes bras. Je ne lui fais pas signe et je n'essaye même pas de croiser son regard. J'ai appris il y a longtemps que cela le ferait s'enfuir, secouant la tête, ses longs bras enserrant sa poitrine.

Les propriétaires du restaurant ne le chassent jamais, et je suis profondément touchée par leur gentillesse. L'équipe se souvient de l'époque des belles chemises et des manteaux luxueux, des dîners et des mains enlacées sous la table. Je sais qu'ils sont devenus très paresseux avec leurs poubelles, laissant des repas entiers à disposition, du pain et des sandwiches.

Ses cheveux sont longs dans son cou, atteignant presque ses épaules. Je pense qu'il les a peigné ce soir ; ils sont brillants sous la lumière de la rue, et je peux voir les traces du peigne dans ses mèches brunes. Il doit manger mieux ces derniers temps, aussi. Ses yeux n'ont pas cet aspect caverneux qu’ils avaient les semaines auparavant.

Je pense, quelquefois, à quitter cette ville, me demandant si cet endroit est correct pour élever un enfant. Cet appartement m'avait paru idéal quelques années auparavant, mais un enfant et son cortège d'équipement me le fait paraître inapproprié maintenant. Mais je ne pourrais jamais partir d'ici. L'idée de Mulder regardant un appartement où je ne vivrais plus est simplement trop triste.

Son regard ne quitte jamais la fenêtre, et je pense à aller chercher Will dans son berceau. Mais je repousse cette idée, il a été trop long à s'endormir ce soir. Alors je reste devant la fenêtre, devant la lampe, espérant que mon image lui apportera un peu de réconfort.

Son visage est si beau, ses lèvres à demi ouvertes. Je réalise que je le regarde dans les yeux et je mords l'intérieur de mes joues, effrayée que mon attitude ne le fasse fuir. Je suis agréablement surprise quand son regard croise le mien. Il reste ainsi à me regarder un long moment, avant que son visage ne s'éclaire d'un sourire éclatant. Je dois attraper le rebords de la fenêtre pour ne pas tomber. Avec un petit signe de la tête, il s’éloigne d’un pas tranquille et je me retiens de rire et de pleurer, me demandant ce que cela signifie.

J'essuie mes larmes avec le revers de ma main et je quitte ma place devant la fenêtre. Mon esprit vagabonde plus de deux ans en arrière. Je me souviens de Mulder, les yeux remplis de terreur, tremblant dans une chambre d'hôpital à Gaithersburg, Maryland. Il avait été trouvé errant dans les rues, répétant qu'ILS étaient après lui.

Il était couvert d'hématomes et de cicatrices, dont certaines étaient fraîches. C'étaient les seules pistes pour savoir ce qui lui était arrivé. Je ne sais pas si il se souvenait de quelque chose, parce qu'il ne pouvait ou ne voulait en parler. Immobile sur son lit d'hôpital, il restait couché sur le côté, son regard fixe et son visage paralysé par la peur. Ca me brisait le coeur de le voir sursauter à chaque geste. Il m'avait tant manqué, et maintenant je ne pouvais même pas l'enlacer ou caresser son visage.

Il était évident que son esprit avait souffert bien d'avantage que son corps, et les dommages physiques s'estompèrent rapidement. Il mangeait si on présentait la nourriture en face de lui, et se lavait si on le conduisait dans la douche. Il répondait avec apathie quand on lui parlait, mais jamais ne prenait l'initiative. Mon coeur était brisé de le voir ainsi, me souvenant qu'il était l'homme le plus expressif que je n'avais jamais connu, répondant maintenant en monosyllabes.

Les médecins ne pouvaient rien faire d'autre pour lui, et suggérèrent que je trouve un centre de long séjour qui puisse s'occuper de son esprit malade. Au fond de mon coeur, j'avais peur que cela soit la pire chose qui puisse lui arriver. Je savais que l'enfermer ne ferait qu'accentuer la descente aux enfers qu'il vivait.

C'était peut être la décision la plus importante de ma vie, à un moment où j'étais le plus vulnérable. Enceinte d'un enfant que Mulder ne savait même pas qu'il avait conçu, j'ai passé des mois à avoir peur pour lui et à essayer de penser comme lui.

J'ai donc pris la décision de le ramener à la maison avec moi. Il avait besoin de soins psychiatriques évidemment mais je pensais qu'ils seraient plus efficaces s'il restait en dehors d'une institution. Skinner avait été moyennement d'accord avec moi. Les médecins pensaient que j'étais dingue. Je ne sais toujours pas si c'était la bonne chose à faire.

Pendant deux semaines, il est resté à errer dans l'appartement comme un fantôme brisé, silencieux, caressant les affaires du bébé que j'avais commencé à acheter. Peut être a t’il pensé qu'il finirait par lui faire du mal. Peut être a t’il pensé qu'ILS finiraient par le trouver dans ma chambre d'amis. Je pense que je ne saurai jamais pourquoi il a fait cela, mais un soir, il a quitté la maison et disparu.

Skinner et moi l'avions cherché seuls, incapables d'obtenir l'aide des autorités. Mulder ne paraissait pas être un danger pour les autres, et il n'avait commis aucun crime. Il avait simplement décidé de nous quitter.

Un homme répondant à la description de Mulder avait été aperçu à la soupe populaire Zacchaeus sur la 17ème rue. Il avait rejoint la population des sans abris de Washington, dormant dans les foyers et Dieu sait où encore. Skinner s'était approché un jour de lui suffisamment pour voir qu'au moins il ne paraissait ni malade ni blessé. Ce soir là, je répondis à la sonnette de ma porte pour voir Skinner, le visage décomposé par la culpabilité. Il avait été incapable de persuader Mulder de rentrer à la maison, et il prenait cela comme un échec personnel. Je le fis entrer et l'enlaça fièrement, son ventre arrondi entre nous deux.

Skinner me dit ce soir là que Mulder lui rappelait les vétérans qui étaient rentrés du Vietnam, tellement choqués par l'expérience qu'ils ne sentaient à l'aise nulle part, sauf dans la rue. Mon coeur se brisa en me rappelant que la guerre était finie depuis si longtemps, et que ces gens n’arrivaient toujours pas à effacer ce traumatisme de leur mémoire.

William arriva, en pleine santé et magnifique, et son père me manqua plus encore à sa naissance. Ma tristesse était à son comble quand je voyais les pères fiers et heureux venir voir leurs enfants à la maternité.

J'essayais de retenir mes larmes et je pleurais silencieusement dans ma chambre, tentant de ne pas attirer l'attention des infirmières ou de ma mère. Leur pitié aurait été pire que tout à supporter.

Le jour suivant la naissance de Will, l'une des infirmières me raconta qu'un homme bizarre se tenait devant la nurserie et qu'elle s'en était inquiétée. Ma bouche devint sèche. Je me leva de mon lit, grimaçante à cause de l'épisiotomie et me précipita dans le couloir. Mais le temps que je me dandine jusqu'à la nurserie, l'homme avait disparu. Je fondis en larmes contre le mur, trop épuisée pour contenir mes émotions.

Je marque le passage du temps en voyant Will grandir, me demandant si son père fera un jour parti de sa vie. Mon angoisse est qu'il reste toujours en retrait, regardant à travers la fenêtre alors que la vie continue sans lui. Est ce qu'il se tiendra un jour sur le bord d'un stade, regardant un petit garçon jouer au base ball, assez prêt pour voir son visage, mais sachant qu'il ne le connaîtra jamais ?

J'ai une attention toute particulière envers la météo, stressée quand la température chute en dessous de zéro. Je me demande si Mulder a trouvé un endroit chaud pour dormir, et s'il a eu un bon repas. Je prie pour que personne ne lui fasse du mal, et pour qu'il ait un bon manteau.

Je sais qu'il me suit quand je vais au parc avec Will. Un jour, j'ai même laissé délibérément la casquette de Will sur un banc. Bien sûr je ne me suis pas retournée pour voir si Mulder l'avait prise, ou si c'était quelqu'un d'autre.

Les jours passent, bien remplis par Will et mon travail, mais je passe mes soirées devant ma fenêtre. Mulder est là toujours les soirs sous le lampadaire, et chaque soir il croise mon regard et ne s'enfuit pas. Inévitablement, il me sourit et finit par passer son chemin.

Ce soir est différent. Comme cela l'a été toute la semaine, les cheveux de Mulder sont propres et coiffés, et ses vêtements semblent propres et repassés. Il me regarde pendant un très long moment, mais ce soir, au lieu de repartir, il traverse la rue.

Je sais qu'il vient ici et je suis plus nerveuse qu'à mon premier rendez-vous. Je traverse l'appartement, ramassant ça et là les affaires de William, les vêtements et les jouets. Quand la sonnette retentit, mon coeur explose dans ma poitrine et je n'ai pas la présence d'esprit de poser ce que je tiens en mains.

J'ouvre la porte et me retrouve face à face avec Mulder pour la première fois depuis presque deux ans. Les mots ne me viennent pas. Il me sourit et je retrouve dans son regard l'homme que j'ai connu auparavant.

"Je peux entrer ?", demande t'il, et sa voix me parait merveilleuse et suave. Je hoche la tête, toujours incapable de parler. Je recule pour qu'il puisse entrer.

Il regarde à travers la pièce, savourant chaque détail. Je pose les objets sur une chaise et l'observe intensément. De si près, je peux voir plus de rides sur son visage que celles dont je me souviens. Elles sont nombreuses autour de ses yeux et il y a une cicatrice sur sa joue que je ne lui connais pas.

"As tu faim ? ", je lui demande. Il secoue la tête et me sourit à nouveau. J'ai envie de l'enlacer de mes bras et de le serrer fort. J'ai envie d'embrasser ses joues et ses paupières et ses lèvres et de sentir sa peau contre ma peau. Je veux déboutonner sa chemise, et dénuder ses épaules pour que mes paumes se posent sur sa poitrine. Mais je ne fais rien de tout cela. Je reste les mains croisées.

"Asseyons nous," et je le conduis sur le canapé. Il s'assoit et se penche vers le sol, ramassant une chaussure de Will. La main qui la ramasse est calleuse et rugueuse, et je me demande pourquoi. Il s'assoit de nouveau et un air émerveillé se lit sur son visage.

“Tellement petite...”, murmure t’il.

“Tu veux le voir ? Je peux le réveiller.”

"Non, je ne veux pas que tu le réveilles," dit-il, et je me demande s'il a peur de le rencontrer. Il continue à regarder la petite chaussure, et je vois des larmes dans ses yeux.

"Comment vas-tu, Mulder ?", je décide de tenter une approche et je lui prends la main. Il laisse ses doigts glacés entre les miens et j'essaye de refouler l'émotion qui me submerge.

"J'ai un boulot, Scully," me répond t'il avec une fierté tranquille. "Je répare des meubles d’occasion. Ils me laissent louer une chambre derrière l'atelier."

Cela explique l'état de ses mains. J'essaye de l'imaginer rabotant des tables et des armoires et trouve que ce n'est pas si dur que cela.

"Je suis sûre que tu es bon".

"Ca me plait. Il y a quelque chose de gratifiant à réparer des épaves."

Je ne peux empécher mes larmes de couler sur mes joues. J'espère qu'il ne va pas être perturbé par cela. Je veux qu'il me parle encore, me noyer au son de sa voix. Il serre ma main, et mon coeur s'envole.

"Maman, je suis réveillé," prononce Will, devant la porte de sa chambre. Il est devenu agile maintenant et sort de son lit sans mon aide.

"Je peux voir ça," dis-je en riant tout en le prenant dans mes bras, sa tiédeur contre moi me donnant un peu de courage. Will suce ses doigts et regarde Mulder avec un calme surprenant, à peine étonné de voir un homme inconnu dans le salon de sa maman.

"Will, voici Mulder."

"Bonjour," dit-il timidement, tendant sa main humide à Mulder. Il prend ses petits doigts mouillés dans sa grande main calleuse et ses paupières inférieures s'ourlent de larmes contenues.

"Bonjour, Will," répondit-il gentiment. Il reste là à tenir sa main, ses yeux ne quittant jamais le petit visage en face de lui. Finalement il me regarde et sourit. "Merci pour ça... pour m'avoir permis d'entrer."

"Tu es le bienvenu, n'importe quand. Écoute, pourquoi ne viendrais tu pas dîner demain soir ?". Je retiens ma respiration, espérant ne pas l'effrayer avec ma proposition. Will retire sa main de celle de Mulder et remet ses doigts dans sa bouche, avant de glisser à nouveau dans le sommeil sur mon épaule.

Mulder sourit en voyant son fils s'endormir et son regard s'accroche au mien. "Oui, ça me plairait. Bon, il faut que j'y aille."

Je voudrai le supplier de rester et de continuer à me parler, à me prendre dans ses bras, mais je sais que cela pourrait le mettre mal à l'aise. Je l'ai attendu près de deux ans, je peux attendre autant de temps qu'il faudra pour qu'il soit prêt.

Il se dirige doucement vers la porte. Je le suis, toujours tenant Will dans mes bras. "Six heures ? Ca te va ?"

"Je reviendrai" dit-il calmement. Il se penche et embrasse les cheveux humides de Will. En se redressant, il embrasse mes lèvres furtivement. Avec un sourire, il quitte l'appartement et ferme la porte derrière lui.

Je repousse mes larmes, sentant la douleur et l'inquiétude monter en moi. Je me rue vers la chambre, tout en essayant de ne pas réveiller mon fils et me poste devant la lampe afin de voir Mulder traverser la rue. Il se tourne vers ma fenêtre et me fait un signe de la main avant de s'en aller.

"Je serai là," je murmure. Et je laisse la lampe allumée.

*************

Pas de panique. C'est le mot d'ordre pour la soirée. Pas de panique. Du calme. Relax. Bien sur je ressens exactement le contraire en préparant le repas. Je ne pense pas avoir été aussi nerveuse depuis que j'ai passé mon permis de conduire. J'ai changé de vêtements quatre fois, essayant de trouver la juste mesure entre quelque chose de féminin et des vêtements simples. J'ai finalement choisi un jean et un pull léger en coton.

J'ai décidé de préparer un repas simple et familial, un plat que Mulder adorait. Je prépare la sauce tomate et je ne peux m'empécher de regarder l'heure toutes les trois minutes. Mulder ne devrait pas tarder. Plus que quinze minutes à attendre.

Will est sur une chaise devant la table de la cuisine, jouant avec des petites voitures. J’aime le savoir occupé quand je cuisine, cela évite qu’il traîne dans mes jambes, comme il l’a fait toute la journée, sentant mon inquiétude. Enfant sensible, il a ressenti mon trouble et a fini par poser ses petites mains sur mes joues. “Maman triste”, a t’il dit vers seize heures, et j’ai repoussé mes larmes en le prenant dans mes bras, réconforté par son petit corps contre le mien.

Je finis de préparer les pâtes et je vais pour tourner la sauce quand j’entends la sonnette de la porte. Je laisse tomber la cuillère dans la casserole et me précipite pour ouvrir, Will me devançant de peu. Le coeur battant, j’ouvre la porte et Mulder est là, le visage presque aussi tendu que le mien. Il a un bouquet de fleurs à la main. Cela me ramène des années en arrière, dans le service de cancérologie, la seule et unique fois où il m’a offert des fleurs.

Je le laisse entrer, il enlève son manteau et le pose sur une chaise. Il est vêtu d’un jean usé et d’une chemise bleu marine un peu délavée. Sans doute des vêtements d’occasion mais il n’y a que lui pour paraître aussi beau dans des vêtements aussi peu élégants. La couleur de sa chemise lui va divinement bien, et je me contiens pour le lui dire. Je ne lui ai jamais dit combien je le trouvais beau. Il m’aurait gentiment rabroué.

Embarrassée, je reste devant lui en le dévorant des yeux et il me tend le bouquet de fleurs.

“Merci. Elles sont superbes.” J’essaye de paraître détendue, mais mon coeur bat à cent à l’heure dans ma poitrine. Je me dirige vers la cuisine pour y chercher un vase et il me suit. En tendant la main vers un placard, je le sens très près derrière moi. Il sent le savon bon marché et le dentifrice, et je me sens presque défaillir au contact électrique de son corps. Il attrape le vase facilement et me le tend, et j’arrange les fleurs, avant de d’oser le regarder. Il est calme, son regard profond me bouleverse à chaque fois que je croise ses yeux.

Will casse l’ambiance en me réclamant son dîner. Nous nous mettons à table en silence et tout en servant Will, j’observe Mulder. Il a les yeux fermés, ses lèvres bougent imperceptiblement et je crois qu’il prie. Je ne connais pas l’homme devant moi. C’est Mulder, et c’est pourtant un inconnu.

Nous mangeons tranquillement, écoutant les babillages de William. Mulder savoure la nourriture, par petites bouchées, et je suis récompensée par un sourire éclatant quand il repousse son assiette, complètement vide.

“J’avais oublié comme c’est bon de manger quelque chose qui ne soit pas cuisiné en quantité industrielle. Et le fait de manger autrement que avec des assiettes et des couverts en plastique, et sans être entouré d’ivrognes ajoute au plaisir. ”

“Comment es-tu arrivé là, Mulder ?”. J’essaye de ne pas paraître pressante et il répond à ma question avec humour. Je retrouve mon Mulder.

“J’ai pris le bus, mais je pense que là n’est pas ta question, Scully.” Il me regarde avec tristesse et continue. “Un jour un prêtre qui s’occupe des personnes sans abri a essayé de discuter avec moi. Il m’a demandé pourquoi je restais dans la rue, alors qu’il savait que des gens cherchaient à m’aider. Je crois que tu l’as rencontré. Il m’a parlé aussi d’un grand homme costaud et presque chauve... Skinner sans doute. Je sais qu’il m’a cherché. Je ne lui ai pas répondu tout de suite, je n’avais pas de réponse. Quelques jours plus tard, il m’a tendu une carte de visite. C’était celle du magasin de Franck.

“C’est lui qui t’a appris à travailler le bois ?”

“Oui. C’est un brave type. Je suis le dernier sur sa longue liste de paumés qu’il a aidé.”

“Mulder...”

“Je suis ce que je suis, Scully. “ Il dit ça sans amertume, et cela me rend soudainement très triste.“Ca va, Scully. Écoute, je ne veux pas gâcher la soirée.”

Will renonce à manger avec la fourchette et prend les pâtes à pleines mains. Mulder le regarde, amusé.

“Il ne tiens pas ça de moi au moins”. C’est la première fois qu’il se réfère comme le père de Will. Mon coeur se remplit de joie et je me mets à rire tout en essayant de contenir mes larmes de joies. Will finit par se lasser de son repas et je le prends dans mes bras pour le nettoyer dans la cuisine. Il essaye de se débattre en riant et Mulder lui passe une serviette en papier sur la bouche et les doigts, sans beaucoup de succès. Nous rions tous les trois.

“Je crois que je vais lui donner un bain. Ca sera le seul moyen de lui refaire prendre une apparence humaine.” Nous nous dirigeons vers la salle de bains et entreprenons de le déshabiller. Heureux, Will se laisse faire et Mulder le pose dans la baignoire et commence à faire couler l’eau. Je le regarde faire, émerveillée de le voir accomplir les gestes simples d’un père. Will réclame ses jouets et instinctivement Mulder se met à jouer avec lui. Je ne peux que me délecter de la scène qui se joue devant moi.

Mulder a relevé ses manches et je ne peux m’empécher de fixer la cicatrice qui court sur son avant bras. Hideuse, longue de presque quinze centimètres, elle donne l’impression d’une blessure mal soignée. Mulder sent mon regard et j’essaye de ne pas faire paraître mon trouble. J’attrape alors le shampoing et commence à laver les cheveux de Will. Il se met soudain à pleurer et ses cris résonnent dans la petite pièce. Les gestes et le regard de Mulder se figent aussitôt, et quand je le regarde, tout en essayant de calmer mon fils, je m’aperçois qu’il n’est plus avec nous, mais dans un endroit où la douleur et la peine se conjuguent. Je pose ma main sur son épaule et je le sens trembler. Will finit par se taire et Mulder se reprend, mais son regard est triste et vide. Il quitte la pièce.

Affolée, terrifiée à l’idée qu’il s’enfuit à nouveau, je dois faire appel à toute ma volonté pour ne pas le suivre. Mais je ne peux pas laisser Will dans la baignoire, seul. Je le sors du bain rapidement et l’essuie dans une serviette moelleuse, avant le mettre en pyjama et de le conduire dans sa chambre. Calmé, il s’endort presque aussitôt.

Je reviens dans le salon, la pièce est vide. Le coeur battant, je me précipite dans ma chambre sans allumer la lumière et vers la fenêtre d’où je l’ai vu tant de fois. La rue est déserte.

Il n’est pas là. Oh mon Dieu, il n’est pas là.

“Retourne toi, Scully”.

***********

Sa voix me surprend et je me retourne pour le trouver assis sur la chaise dans le coin de la chambre plongée dans la pénombre.

“J’avais peur que tu sois parti. “ Je m’assieds sur le coin du lit. “Qu’est-il arrivé dans la salle de bains, Mulder ?”

“Je devais simplement en sortir”, répond t’il en se frottant le visage avec ses mains. Il se lève, comme s’il ne pouvait pas rester immobile, et se dirige vers la fenêtre. “Ainsi c’est ce que tu voyais tous les soirs.” De profil, son visage est d’une tristesse infinie.

“Je voyais un homme qui me manquait beaucoup. Je voyais un homme qui souffrait. Un homme que je ne pouvais pas aider. Mulder, pourquoi es tu sorti de la salle de bains tout à l’heure ?”

“ Je me suis souvenu que je devais être ailleurs ?”. Il me sourit, et je crois que même lui n’est pas convaincu par sa tentative d’humour. Son sourire s’efface. “Quelquefois le besoin de m’enfuir me submerge. Ca n’arrive plus très souvent maintenant. C’est plus fort que moi : ma tête menace d’exploser, je suis incapable de respirer, si terrifié et si anxieux que je ne sais pas quoi faire d’autre. La bonne nouvelle est que je ne me mets plus à hurler.”

“Et quelque chose a déclenché ça tout à l’heure ?”

“Le plus souvent ce sont des bruits qui déclenchent cette réaction.” Il hausse les épaules et se tourne vers moi. “Je ne sais simplement jamais ce que cela va être : une alarme de voiture, une sirène d’ambulance. Même la sonnerie d’un téléphone - plutôt drôle, non ? Une sonnerie de téléphone qui me rend hystérique.”

Je lui tends la main, espérant qu’il vienne s’asseoir près de moi. Un peu hésitant, il finit par accepter mon invitation silencieuse. Je pose ma tête sur son épaule.

“Je suis désolée, Mulder.” Ma voix est étouffée par sa chemise. Je sens sa main libre caresser mes cheveux. “J’aurais tellement voulu savoir comment t’aider.”

Mulder m’enlace. Je réponds à son embrasse, mes bras l’enserrent, et je suis un peu alarmée de sentir aussi distinctement ses côtes. Il serre ses bras autour de moi et ses mains commencent à bouger sur mon corps. Je sens un besoin urgent dans ses gestes et cela m’effraye un peu.

Les yeux sont le miroir de l’âme. Dans les siens, je vois la détresse et le désir. Ses lèvres se posent sur les miennes et il m’embrasse voracement. Mes doigts se perdent dans ses longs cheveux, je suis avide de ses caresses et j’ai tant besoin de le toucher moi aussi.

Sa respiration s’accélère, sa bouche devient presque agressive. Brusquement il me repousse en arrière et je tombe presque du lit. Son regard est noir, si désespéré que j’ai envie de me lever et de quitter cette pièce. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas le quitter des yeux.

“Personne ne peut m’aider. Je ne ferai que vous entraîner dans ma chute, toi et Will.” Sa voix est étouffée et semble amère. “J’ai eu tort de venir ici.”

Il est parti avant que j’ai eu le temps de réagir. J’entends la porte se fermer bruyamment et n’ai le temps de me précipiter à la fenêtre que pour voir sa retraite désespérée.

*************

Deux, trois, quatre jours se passent. L’impression de solitude est pire maintenant que je l’ai tenu dans mes bras. Je ne me lève que parce que William est là, je me rends à mon travail de façon automatique. Le soir, j’essaye de m’occuper de mon petit garçon comme je l’ai toujours fait, mais quand la nuit tombe, je m’écroule sur mon lit, frustrée, en larmes. Il n’est jamais revenu sous ma fenêtre. J’ai peur de ne jamais le revoir.

Une nuit je rêve de lui d’une façon particulièrement réaliste et je l’entends prononcer ces mots : “Tu n’abandonnes jamais, n’est-ce-pas ?”

Le matin je sais ce que je dois faire. Je confie William à ma mère et j’entreprends ma recherche. A quinze heures, je trouve enfin ce que je cherche. C’est un magasin vieillot coincé entre deux immeubles récents. J’entre et j’attends que l’homme derrière le comptoir ait fini avec son client. Le coeur battant, je lui demande où est Fox Mulder, essayant de ne pas paraître trop inquisitrice. Il fronce les sourcils. “Il n’a pas d’ennuis. Je veux juste le voir.”

Sans un mot, il me pointe la direction de l’arrière boutique. Je me dirige vers le fond de l’entrepôt et soudain j’aperçois Mulder. Il ne m’a pas entendu arriver, trop occupé à travailler avec une machine bruyante sur un meuble de bois sombre.

Je le dévore des yeux. Ses longs cheveux sont tirés en arrière et attachés, dégageant son visage. Il est maigre, mais son torse et ses bras sont bien définis, plus musclés qu’ils n’ont jamais été, sans doute grâce au travail manuel. Son pantalon flotte autour de ses cuisses minces, et le tee shirt autrefois blanc, sans manche, est tâché par la sciure et le vernis. Je reste sans bruit à le regarder travailler, son visage intense et concentré. Une vague de désir m’envahit.

“Tu devrais porter un masque de sécurité”.

Mulder est si surpris qu’il en tremble. Je culpabilise de lui avoir fait peur. Il coupe sa machine, la mâchoire crispée, et hausse les épaules en essayant de se composer une attitude.

“Franck dit la même chose. Je ne peux rien supporter devant ma bouche.” Il regarde ses mains, ne croise pas mon regard. “Tu n’aurais pas du venir ici, Scully.”

“Mulder, si la situation était inversée, qu’aurais-tu fait ? Tu aurais abandonné ?”

Il pose la machine qu’il tient en main et essuie la sciure qui ternit la pièce de bois. “Je doute que tu te sois laissée sombrer aussi bas que moi.”

“Tu penses que tu es responsable des choses qui te soient arrivées ? Que tu aies manqué de force pour tenter de redresser la barre ? Mulder, tu es la personne la plus intelligente, la plus forte que je connaisse. Tu as essayé de t’en sortir par toi même.” Je m’approche un peu de lui. “Peut être devrais-tu laisser quelqu’un t’aider.”

Je prends une de ses mains rugueuses dans la mienne. Il ne croise pas mon regard, mais une myriade d’émotions traversent son visage. “Mulder quand nous t’avons retrouvé, j’avais peur de te pousser trop loin, trop vite. Peut être avais-je tort de te laisser faire face tout seul.”

Mes mots attirent son attention et il lève les yeux vers moi. “Non, tu as fait le bon choix. Les psys m’auraient enfermé si j’avais du leur parler. Je serai devenu dingue dans un asile.

“J’ai fait le bon choix ?” Je sens des larmes coulées sur mes joues. Je trace avec mes doigts les contours des os de son poignet et remonte vers la cicatrice de son avant bras. “Comment c’est arrivé ?”

“Quelqu’un voulait ma couverture. Je ne voulais pas lui donner.” Sa bouche se tord en un semblant de sourire. “Tu disais que j’étais têtu. Eh, tu ne devrais pas t’inquiéter pour ça.”

“Mulder, je ne veux pas que tu restes loin de moi. J’ai besoin de toi.”

“Je ne suis plus l’homme que j’étais. Je ne serai plus jamais cet homme. Pour te dire la vérité, je m’en souviens à peine.”

“Tu penses que je suis la même femme qu’il y a dix ans ?” Je porte à mes lèvres sa main, embrassant chaque ampoule, chaque écorchure. “Chacune des choses qui nous arrive nous modèlent. J’aimais cet homme, celui qui portait des beaux habits et qui faisait des blagues. Mais tu sais quoi ? J’aime cet homme aussi. J’aime cet homme qui répare des meubles et qui trouve la force de se lever tous les matins. Je pense que je suis prédestinée à t’aimer.”

Je suis enfin arrivée à ce dont j’ai longtemps rêvé. J’ai réduit Mulder à un silence stupéfait. Je place ma main sur sa nuque humide et attire son visage vers le mien, avant d’embrasser doucement ses lèvres. “Je ne peux pas te forcer à revenir, Mulder. Je t’aime. Souviens toi simplement, la lumière est toujours allumée pour toi.”

Je me retire, me retournant une seule fois pour voir Mulder. La tête penchée, il se tient à l’établi comme si c’était la seule chose qui le tenait debout. Mes pas sont légers quand je sors de l’atelier, mon coeur en paix.

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Les jours se passent, je me sens apaisée, sachant que la décision lui appartient. Il reviendra ou non, mais il a les cartes en mains. Les nuits sont toutefois longues.

William est un rayon de soleil. Les ressemblances avec son père deviennent évidentes de jour en jour et cela me remplit à la fois de joie et tristesse .

Un soir où nous jouons tous les deux dans le salon, on sonne à la porte. Mon coeur se met à battre plus vite, mais j’essaye de ne pas me laisser emporter par l’espoir. Peut être est-ce simplement le gardien de l’immeuble qui vient réparer la fuite de la salle de bains.

J’ouvre la porte et il est là. William l’accueille avec des cris de joie et je m’émerveille qu’il le reconnaisse. Il tient à la main un large sac de papier brun.

“Bonsoir. J’ai beaucoup pensé à ce que tu m’as dit.”

“Entre, je t’en prie.” Je ferme la porte derrière lui et il regarde Will qui a repris son jeu avec les blocs de Lego. Il s’agenouille près de lui et lui présente le sac. Will l’ouvre avec des mains avides et Mulder me gratifie d’un sourire qui me laisse les jambes flageolantes. Je m’agenouille d’ailleurs près d’eux.

William sort un merveilleux jouet de bois et spontanément enlace Mulder de ses petits bras avant de lui faire un baiser sonore sur la joue. Les yeux de Mulder se remplisse de larmes de joie.

“C’est toi qui l’a fait ? C’est merveilleux.” J’essuie ses larmes et le prend dans mes bras, attendrie par son geste et nous restons longtemps ainsi dans les bras l’un de l’autre.

“J’aurais aimé être là pour ses premiers pas.”Son corps est secoué de sanglots silencieux.

“Tu es là maintenant. C’est tout ce qui m’importe maintenant.”

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J’entends la voix enthousiaste de baryton de Mulder venant de la chambre de William et je secoue la tête en souriant. Il ne va jamais l’endormir s’il chante aussi fort. Il trouve ainsi sa place de père, petit à petit, en faisant ses petites expériences, découvrant les goûts de Will et ce qu’il n’aime pas. Même si j’ai très envie quelquefois d’être présente et de jouer les “traducteurs”, je m’efforce à le laisser faire pour qu’il apprenne.

Tout en débarrassant la table des restes du dîner, je l’écoute. Sa voix est plus douce maintenant, presque caressante. C’est mieux ainsi. Je peux l’entendre lui murmurer une histoire de bon génie, pleine de gnomes facétieux et de gentils fantômes. Des années auparavant, c’est à moi qu’il racontait ce genre de choses, durant nos longues nuits de surveillance dans les voitures.

Je range la cuisine et mets le lave vaisselle en route. Je quitte la pièce et m’assoies dans le canapé du salon, bercée par la voix de Mulder. Les mots sont inaudibles maintenant, mais le ton presque hypnotique.

Mulder a dîné avec nous presque tous les soirs depuis des semaines. En règle générale, je cuisine pendant qu’il joue avec Will. Quelquefois nous commandons une pizza ou un dîner chinois, et cela me rappelle les soirs où nous dînions entourés de dossiers et discutant des affaires. Maintenant nous dînons avec un enfant de deux ans entre nous.

La semaine dernière, nous sommes allés au restaurant en face de chez moi. Je sais que Mulder était nerveux à cette idée, se souvenant des soirs où il dévorait les sandwiches si précieusement laissés pour lui sur la poubelle. Le gérant avait les larmes aux yeux en nous voyant tous les trois et ne nous a pas laissé payer l’addition.

Mulder sort de la chambre et vient s’installer confortablement près de moi. Il étire ses bras au dessus de sa tête et son pull remonte, révélant sa peau au dessus de la ceinture de son jean. Je retiens ma main qui veut se glisser là, et toucher sa peau tiède. Même si nous passons du temps ensemble maintenant, aucun de nous n’a eu le courage de passer aux choses sérieuses.

“Il lui a fallu trois chansons et deux histoires, mais il dort enfin.” Mulder pose ses pieds sur la table basse, l’air content.

“Il combat le sommeil pour passer plus de temps avec toi,” lui dis-je, et m’inquiète qu’il prenne ça comme une critique. “Tu le fascines.”

“Il me fascine également. Tout est magique pour lui. On était comme ça quand on était petit ?”

Je me rapproche de lui, près, mais sans le toucher. “Je crois que les enfants regardent le monde et en voient toutes les possibilités, mais nous perdons cette faculté en grandissant. Certaines rares personnes gardent cette capacité.” Je me tourne vers lui, et croise son regard. Mulder était un de ces êtres qui regardait la vie autour de lui avec des yeux grands ouverts et une immense ouverture d’esprit. Est-ce-que les horreurs des dernières années ont fait qu’il est perdu cela aussi ?

J’étais si contrariée dans il avait l’absolue conviction que chaque affaire était la réponse à toutes les questions de l’Univers. Il me présentait Big Blue ou les lumières des montagnes brunes comme un magicien faisant un tour de prestidigitation. Moi, bien sûr, je considérais qu’il était de ma responsabilité de freiner cet enthousiasme. Maintenant, le merveilleux à travers ses yeux, la magie de son sourire me manquent, quand il me charmait pour que je le suive au bout de la terre. La vie est ironique.

“Je devrai te laisser te coucher”, dit-il en se levant. Mulder ne reste jamais longtemps après que Will soit couché. Il souffre encore de crises d’anxiété, et les soirs où il n’en a pas, je pense qu’il espère s’en aller avant qu’une se produise. Il y a des soirs où cela se produit, le laissant incapable de respirer et tremblant de façon incontrôlable. Ces soirs là il ne me regarde pas dans les yeux. Peut être ne peut-il pas supporter que je sois témoin de sa faiblesse.

J’ai l’impression que Mulder essaye de se contrôler, inquiet que si je voyais sa terreur, je serai horrifiée et je chercherai à m’éloigner de lui. Il pense que je suis forte, que je ne peux accepter l’homme qu’il est devenu. C’est encore une petite ironie de la vie, le fait que ma fierté puisse me tenir à l’écart de la personne dont j’ai le plus besoin. J’ai essayé de couvrir mes propres peines et douleurs. J’ai seulement caché les preuves. Je suis, aussi, effrayée de révéler mes blessures.

“Il est tôt, Mulder. Pourquoi ne regarderions nous pas quelque chose à la télé ?”. Je pose ma main sur son bras et il se rassoit. Il semble le faire à regret, mais il s’installe quand même. Je m’empare de la télécommande et zappe sur les différentes chaînes, jusqu’à trouver un vieux film.

Nous nous installons confortablement, nos cuisses se touchant presque. L’acteur principal, James Stewart, me fait penser à Mulder quand je l’ai rencontré pour la première fois : fougueux et excité, et presque trop beau pour être vrai. Je le regarde de tant à autre, un peu inquiète, mais il semble se relaxer et s’appuie même un peu contre moi. Mes yeux se remplissent de larmes à la fin du film. Je me tourne vers Mulder pour voir sa réaction, pour le trouver endormi, sa tête légèrement en arrière contre les coussins du canapé, la bouche entrouverte.

Il n’a pas dormi en ma présence depuis si longtemps. Je réalise que la première fois depuis qu’il est revenu dans ma vie que je le vois aussi détendu. Son visage paraît plus jeune, les rides autour de ses yeux sont moins prononcées, et la souffrance, qui semble pertétuellement marquer ses traits, est effacée par le sommeil. Traçant du doigt la ligne de sa mâchoire, je remercie le ciel d’être autorisée à voir cela.

Des années auparavant, Mulder a passé beaucoup de nuits ici, quelques unes sur le canapé, d’autres dans mon lit. J’ai peur que si je le réveille et le persuade de s’installer au lit, il va paniqué et s’enfuir dans sa petite chambre au dessus de l’atelier. Sortant une couverture du placard, je décide de le laisser dormir sur le sofa.

Après avoir vérifiée que Will dorme, je suis enfin prête pour me coucher. Je pense à l’homme qui dort quelques mètres plus loin et me demande si cette presque “vie de famille” sera la seule chose que nous aurons jamais. Pendant deux ans, je l’ai observé à distance, trop brisé et traumatisé pour me laisser l’approcher. Je devrai être satisfaite de ce que nous avons maintenant, mais je suis gourmande. J’ai l’impression d’être une femme qui a regagné l’usage de ses jambes. Mais mes petits pas ne me suffisent pas. Je voudrai courir.

Avant que je m’endorme, je prie pour qu’un jour, nous soyons capable d’avoir une vie ensemble. Quand l’espoir me gagne, je vois une maison dans un endroit où Mulder pourrait fabriquer de beaux meubles et je soignerai les gorges irritées et les bras cassés. Je rêve d’un endroit où Will pourrait grandir en paix et en bonne santé.

Je suis réveillée par des hurlements suivis d’un bruit de chute. Tout d’abord je suis incapable de bouger ; mon coeur cogne trop fort dans ma poitrine. J’allume la lampe de chevet avec une main tremblante. Me dirigeant vers le salon, j’espère que le bruit ne réveillera pas William.

La lumière venant de la fenêtre m’autorise à voir la scène qui se joue devant moi. Mulder est assis sur le sol, les yeux vitreux, la respiration haletante, le visage trempé de sueur. J’entends d’horribles sons venant de sa poitrine, comme si chaque inhalation le faisait souffrir.

J’aurai du m’attendre à cela. Mulder avait des cauchemars même au mieux de sa vie. Avec tous les traumatismes qu’il a subi au cours des dernières années, j’aurai du voir ça venir. Mais la pure terreur dans ses yeux me choque.

Je m’agenouille près de lui. Les mains sur les cuisses, j’essaye de ne pas paraître menaçante. Il lutte pour reprendre sa respiration, tirant sur le col de son pull comme s’il étouffait. Il lance des regards dans la pièce, mais il ne semble pas reconnaître l’endroit où il se trouve. Il me fait penser à un animal terrifié, pris au piège.

“Mulder, tu es en sécurité. Tu es dans mon appartement. Tu as fait un cauchemar.” Je m’approche un peu de lui, sans toutefois le toucher. Je reste assise, observant ses inspirations et expirations, jusqu’à ce qu’il reprenne ses esprits. Ses mains sont toujours autour de sa gorge, mais il commence à récupérer.

“Mon Dieu, Scully, j’ai cassé ta lampe,” dit-il quand sa respiration le lui permet. Dans un mouvement de panique, il a fait tombé la lampe perchée sur la table près du canapé. Le pied de lampe s’est brisé en une multitude de morceaux colorés. Mulder essaye de ramasser les débris, ses mains tremblant sous le choc.

“Ca vient d’une solderie. Aucune importance.” Il y a deux choses ici irremplaçables. J’attrape la main de Mulder avant qu’il ne se fasse du mal avec les morceaux tranchants, tenant ses doigts glacés entre mes mains. Son visage est moite de sueur ; je touche ses joues et le sent tremblant.

“Allez, assieds toi. Tu es glacé.” Je l’aide à se relever et il se laisse tomber sur le canapé. Nous entourant tous les deux de la couverture, je le serre contre moi. Ses bras l’enlacent si fort que je peux à peine respirer, comme si j’étais la seule personne au monde qui le fasse se sentir en sécurité.

“J’espère que je n’ai pas réveillé Will,” dit-il. Sa voix tremble un peu alors qu’il continue à frissoner.

“Non, il dort. Tu as souvent ce genre de cauchemars, n’est-ce-pas, Mulder? C’est pourquoi tu pars si tôt.”

“Je n’en ai pas autant que je n’en ai eu. Ils étaient vraiment terribles au début, j’attirais trop l’attention sur moi, c’est pourquoi je dormais dans la rue le plus souvent possible. Les clochards ivres dorment plus profondément.” Il tente un petit sourire, mais cela ne me convainc pas. “Ca va mieux maintenant ; la boutique est vide la nuit, il n’y a que moi. Je ne dérange personne là bas.”

“Tu as peur de réveiller les voisins?”. Je me dégage un peu de son étreinte pour le regarder dans les yeux.”Mulder, tu as besoin d’aide. Tout ça te mine de l’intérieur, les crises de panique, les cauchemars. Tu sais bien que ça n’ira pas mieux sans l’aide d’une psychothérapie.”

Mon ton est plus dur que dans mon intention. Je ne peux pas dire si je suis en colère contre lui pour ne pas prendre soin de sa santé mentale et physique ou contre moi pour être trop dur avec lui. Son visage reste impassible, à peine sous contrôle.

“Que penses tu qu’un psychiatre va faire pour moi ? En admettant qu’il ne me fasse pas enfermer à la première mention d’un enlèvement par des extra-terrestres, combien de temps penses tu qu’il me faudra avant que je sois médicamenté comme un zombie ?”

Sa voix est sourde, sa colère froide et effrayante. Mais il ne se dégage pas de moi, et j’espère que ça signifie autre chose que le besoin de chaleur humaine. Je pose ma tête contre sa poitrine et j’entends son coeur battre rageusement. Une prière silencieuse me vient aux lèvres. Mon dieu, aidez cet homme brisé. Guérissez son âme. Donnez moi la force de l’aider.

“A quoi rêves tu ?”

“Je ne veux pas parler de cela.”

“Maman m’a toujours dit que parler de ses mauvais rêves aidait à les faire disparaître.” Mon oreille toujours collée à son coeur, je l’entends soupirer. Je joue aux apprentis psychiatres, mais si je ne pas le convaincre d’aller parler à un spécialiste, je peux peut être l’inciter à me parler.

“Ok, Scully. Tu veux vraiment entendre ce dont à quoi je rêve ? Je rêve que je suis glacé, comme si j’étais nu sur un bloc de glace. Je ne peux pas bougé. Je ne peux pas les empécher de me faire du mal. Et ils me font souffrir, taillant dans ma chair, me cassant les os. Je hurle, encore et encore, mais cela ne les arrête pas.” Sa voix devient murmure, si pleine de souffrance. “Tu sais, je ne me souviens pas vraiment de ce qu’il m’est arrivé, je veux dire, quand je suis éveillé. Je vois des images fugitives, mais je ne sais pas si elles sont réelles ou si c’est mon esprit qui les fabrique pour combler le vide. En quelque sorte, cela rend les cauchemars pire encore. J’ai peur que mes rêves soient la vérité.”

Ma bouche devient sèche, mon corps se raidit dans les bras de Mulder. Je le repousse, me dégage de la couverture qui nous unit. C’est trop dur, trop cru. Je regarde Mulder en essayant de repousser la nausée qui me monte à la gorge. Je connais cette sensation, ces souvenirs qui n’en sont pas vraiment, images de quelque chose de tellement affreux que vous priez pour qu’ils ne soient pas vrais. Je vous en prie, faites que ce soit le produit d’une imagination fertile ou de trop de mauvais films. Mon dieu, faites que cela ne soit pas vrai.

Mulder soupire profondément et je jure qu’il peut lire dans mon esprit. Je ne sais pas si cela m’effraie ou me rassure. Il m’attire contre lui, et je me laisse aller, trop abasourdie pour résister. “Tu connais cela, n’est-ce-pas ?”

Je hoche la tête. Nous nous tenons l’un contre l’autre, comme des enfants apeurés par le noir. L’aveugle guidant le paralytique. Bercée par les battements de son coeur, et le son apaisant de sa respiration, je m’endors.

Je me réveille, seule, au son des dessins animés. La lampe brisée a été enlevée. J’imagine Mulder ramassant chaque morceau, essayant de ne pas faire de bruit. Je l’imagine fermant doucement la porte derrière lui. Le visage de Mulder danse derrière mes paupières crispées. J’ai peur de l’avoir poussé un peu trop loin.

***********

Deux jours se sont passés. Deux jours d’incertitude et d’angoisse, deux jours de solitude. J’ai rencontré Skinner, lui ai relaté notre dernière conversation. Son regard profond m’a bouleversé. Il connaît ce que Mulder a vécu. Il a connu les cauchemars et les terribles angoisses. Il m’a simplement tendu une carte de visite, celle de son psychothérapeute. Il m’a dit de laisser faire les choses, que Mulder finirait par comprendre que sa vie était avec moi. Je l’ai cru, de tout mon coeur.

Des coups cognent à la porte. Il fait un temps tellement affreux ce soir qu’il n’y a que Mulder qui puisse être dehors. Je reste un moment avec ma main sur la poignée de la porte,faisant appel à tout mon courage pour accueillir l'homme qui m'attend derrière. J'ouvre la porte.

"Je sais qu'il est tard," dit-il, tremblant, ses cheveux plaqués contre ses joues. "J’ai besoin de te voir."

"Mulder, tu es trempé," précisant l'évidence. Il doit avoir marché tout le long du chemin depuis la fabrique. Je ne peux pas décider si je suis touchée ou furieuse contre lui pour avoir risquer une pneumonie. Il retire son manteau dégoulinant, et je le lui prends des mains. Ses doigts sont glacés. "Je vais te chercher une serviette."

J’accroche le manteau de Mulder dans la salle de bains, et je reviens dans le salon, une serviette sous le bras. Il a retiré ses chaussures trempés. Je les prends et mets ses chaussures devant le conduit de chauffage de la cuisine pour qu’elles sèchent. "Tu dois ôter ces vêtements humides." Sa chemise s'accroche à lui, humide malgré son manteau. Il tapote la serviette contre son visage et son cou avant de sécher ses cheveux.

J'ai tellement à lui dire. Je veux lui dire qu'il n'a pas besoin de me cacher des choses. Je veux lui dire que rien qu'il pourrait faire ou dire m'effrayera, qu’il est celui dont j'ai besoin autant qu'il a besoin de moi.

Je déboutonne sa chemise, et les mots dérivent de mon esprit comme la brume au dessus d'un lac. Tout que je peux faire est regarder fixement la peau qui se révèle derrière le tissu humide. Mes mains prennent une vie propre, poussant la chemise de ses épaules et révélant ses bras. Il semble retenir son souffle pendant qu'il m'observe, une expression dans le regard que je ne peux pas tout à fait déchiffrer.

Mes doigts tracent la ligne de ses clavicules et les muscles de sa poitrine. Les petites cicatrices me rappellent le passé. Je pose mes lèvres sur chacune d’elle, comme si je pouvais les effacer. Celle-ci est celle où je lui ai tiré dessus. Celle là est celle de la femme bête. Quelques unes sont celles du temps où il nous a été retourné, meurtri et brisé. Mes lèvres tracent le torse de Mulder de haut en bas, soudainement fascinées par la ligne des poils clairsemés qui disparaissent sous le denim moite.

Quand j’atteins son nombril, il halète. Sa respiration tremblante laisse un espace dans la ceinture de son jeans. Avec des mains frémissantes, Mulder saisit mes épaules et me relève. Mon visage est abattu, et je me demande si je suis allée trop loin. Je sens le souffle de Mulder sur ma peau pendant qu'il embrasse doucement mon front.

Néanmoins me voit-il comme il le faisait du temps où nous étions amants ? Je lève mes yeux pour rencontrer son regard et je suis essoufflée. On dit que les yeux sont la fenêtre à l'âme, et je me sens comme si je pouvoir voir l’essence même du coeur de Mulder. Je suis assommée par le courage que j’y vois, la reddition complète des ses défenses. Il me présente son amour comme une offrande.

Les mains de Mulder glissent sous le matériel doux de mon pyjama. Ses doigts sont froids contre la peau chaude de mon dos. Je fais bon accueil au froid, me sentant plus vivante que je l’ai été depuis des âges. Mes propres mains sont occupées, frôlant la fine pilosité du torse de Mulder, glissant au-dessus des collines et vallées de son angulaire musculature. Et nous nous embrassons. Nos lèvres se taquinent et le contact est affamé. La bouche de Mulder quitte la mienne et explore la ligne de ma mâchoire, la colonne de mon cou.

Sa respiration s’accélère, et il tire le dessus de pyjama au-dessus de ma tête. Mulder se met lentement à genoux ; ses mains baissent mon pantalon de pyjama. Il grimace quand il s’agenouille enfin sur le sol froid, ses os d’entre deux âges protestant contre la surface dure.

Des yeux scintillants de larmes dans la lumière douce du salon, il me regarde fixement. Il est un homme qui a voyagé si loin et si longtemps. Je crois il a pensé qu'il ne reverrait jamais la maison, et j'ai si peur de ne pas être digne d'un tel regard, d’un tel amour. Je retire d’un geste vif mon pyjama, impatiente de sentir la chair dure de Mulder contre moi. Il se penche en avant, enserrant son visage entre mes seins, ses bras entourant ma taille.

Je peigne ses cheveux avec des doigts tremblants, mon désir si fort qu’il m’effraie. Mulder m'explore, ses mains rugueuses et calleuses contre ma peau. Mon désir m'encourage à offrir mes seins à ses baisers. J'éloigne, et il gémit de déception. Regardant dans ses yeux, j'essaye de lui communiquer mon désir, mon amour, et comme j'ai besoin de lui pour me faire l'amour. Il sourit avec compréhension et me permet de le mener à la chambre à coucher. Mulder retire son jeans encore humide, et nous nous allongeons sur le lit.

Nous nous explorons avec des lèvres et les mains, nous découvrant changés par les années. Mulder est plus mince et plus dur qu'il était la dernière fois où nous avons fait l'amour. Son corps est comme s’il avait été brûlé par les feux de l'enfer, réduit à sa forme plus pure. Je me demande comment il perçoit mon corps. La grossesse et l'accouchement ont une manière de changer le corps d'une femme. Mulder caresse mes seins, mon corps avec révérence. J’ai l’impression qu’il n'est pas contrarié par les changements. Je pleure quand il se présente, riant et pleurant d’une joie pure. Son corps devient immobile pendant qu'il me regarde, et il couvre ma bouche de baisers.

J’ouvre mes jambes, essayant de capturer Mulder au plus profond de moi, saisissant l'arrondi de ses fesses avec des doigts impatients. Son visage révèle une intensité profonde. Mon corps répond comme si il n'était pas hors de pratique. Je me souviens maintenant - cette impulsion, cette joie, cette apogée d'émotion. Les sensations s’intensifient, et la joie inonde de nouveau mon coeur, la douleur et la tristesse à jamais oubliés.

Mulder fait écho à mes halètements de plaisir avec son propre orgasme frissonnant. Son corps se détend au-dessus de moi, et il chuchote qu'il m'aime. Nous somnolons, enveloppés dans les bras l’un de l’autre, et écoutons le tambour de pluie contre le toit. Je sais que nous n'avons résolu aucun problème ici. Nos ennuis nous attendent en dehors de ce lit chaud, mais pendant un moment, je veux juste écouter cet homme respirer.

"Je suis venu ici pour te dire que j'avais pensé à ce que tu as dis l’autre jour." La voix de Mulder est rendue rauque par l’émotion. Je me relève sur un coude pour regarder Mulder et je sais que nous devons avoir cette conversation. "J'ai parlé à Skinner hier. Il connaît un phychothérapeute qui a travaillé avec des vétérans du Vietnam. Ce type a beaucoup d'expérience avec le syndrome de stress post-traumatique".

"Tu as parlé à Skinner à mon sujet ?" J’entends à sa voix qu'il n’en ai pas vraiment heureux. "J'étais si inquiète, Mulder. J'ai dû parler à quelqu'un. Skinner fait confiance à cet homme. Il dit que ce docteur l'a aidé."

“Skinner a vu un thérapeute?" Mulder se frotte les yeux. "Je ne sais pas pourquoi je suis étonné, considérant ce qu'il m'a dit au sujet de son expérience de la guerre. Je ne le vois simplement pas comme quelqu’un qui a besoin d'aide."

“Ce n'est pas un signe de faiblesse que d'avoir besoin d'aide. Tu le sais mieux que n'importe qui." Mulder se recule jusqu'à la tête de lit. Il reste silencieux pendant plusieurs minutes, assez longtemps pour que je me demande s'il est fâché.

"Je le ferai si tu le fais."

"Si je fais quoi, Mulder?"

"Je verrai un thérapeute si tu en vois un aussi," dit-il avec intensité. "Nous avons tous les deux des démons intérieurs et nous nous le devons à nous-mêmes et à William."

Je suis assommée par son habile manoeuvre. Il m'a eu, et nous le savons tous les deux. Il me sourit, et je retrouve en lui son ancienne arrogance. Je me lève, essayant de prendre de la distance. Le sourire de Mulder se fane pendant que j’enfile ma robe de chambre.

Je marche à la fenêtre et regarde la rue silencieuse. Le restaurant a fermé ses portes. Mon instinct me hurle de fermer mon coeur, pour me protéger et de ne pas admettre ma propre fragilité. Quelque part, profondément, je sais que je dois être aussi courageuse que je demande à Mulder de l’être.

"Tu te crois malin, n’est-ce-pas?" je lui demande, me tournant vers lui. "Bien, nous appellerons demain matin." Nous appellerons le thérapeute le matin et nous essayerons de faire reculer nos démons. Qui sait ? Peut-être trouverons la paix qui laisse les personnes dormir la nuit et qui permet de ne pas être ébranlé quand une alarme de voiture retentit au loin. J'ai ressenti, ce soir, que les émotions que je gardais enterrer dans la tentative de dissimuler la douleur, ne sont pas mortes. Elles dormaient seulement et je dois les réveiller.

Je me rallonge sous les couvertures, me blottissant dans les bras forts de Mulder. Il glisse ses mains sous la robe de chambre, caressant ma peau nue. Je ne sais pas ce que le futur nous réserve. Peut-être trouverons-nous un équilibre. Je ne pense pas que des gens comme Mulder et moi vivent heureux pour toujours, pas avec ce que nous avons vécu. Nous aurons des hauts et des bas. Mais nous nous aimons et c'est tout ce que la plupart des personnes peuvent espérer.

Je veux y croire.

FIN

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