Résistance

Titre : Résistance

Auteur : Valérie

Email : valeriec2@wanadoo.fr

Avertissement : cette FF contient des scènes violentes pouvant heurter l’imagination des plus jeunes d’entre vous, faisant référence aux évènements dramatiques de la dernière guerre. Toute personne susceptible d’avoir une sensibilité accrue quant à la Shoah peut être choquée.
Avertissement : PG - 13

Catégorie : S - A

Mots clés : Skinner Angst - Mulder Angst - Krycek Angst - Angst for everybody !

Spoilers : Gethesmane - Amor Fati - La Colonie -

Résumé : La fin de notre Monde
Disclaimer : Les personnages de Mulder, Scully, Skinner etc ont été crées par C. Carter et ne m’apartiennement pas.

 

 

ILS ont gagné.

En quelques heures, en quelques jours, ILS sont pris le contrôle de tous les gouvernements du Monde. Tout était prêt. ILS ont déclenché l'offensive et en quelques jours la moitié de la population a été anéantie.

Quelques hommes ont réussi à échapper à leur emprise. Ils ont migré vers les zones non habitées pour tenter d'organiser une résistance héroïque. Leurs moyens sont dérisoires en comparaison de la puissance des Forces Extra-terrestres. Mais leur détermination est solide et ils savent qu'ils iront jusqu'au bout, jusqu'à la mort.

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Le prisonnier sortit de son sommeil glacé avec un sursaut d'épouvante. Il venait de revivre une fois encore sa capture et ce souvenir le fit frissonner. Il tenta de calmer les battements de son coeur en respirant profondément mais la vue qui s'offrit à lui lorsqu'il ouvrit ses paupières tuméfiées le replongea dans son cauchemar. Autour de lui, groupés les uns contre les autres pour tenter de récupérer un peu de chaleur, des hommes étaient allongés à même le sol, sans protection contre le froid tenace qui régnait dans la cellule. Lui même était blotti contre un mur et le froid le transperçait plus encore. Son corps était douloureux et sa tête vide. Il n'avait rien mangé de consistant depuis deux jours et son dernier repas n'était qu'un bout de pain trempé dans un bouillon infâme. A mesure que les jours passaient, le nombre de prisonniers diminuait dans la cellule. Ceux qu'on venait chercher ne revenaient pas. Régulièrement, on entendait des cris qui déchiraient le silence de mort qui régnait dans l'enceinte du bâtiment.

Depuis combien de temps était-il là ? Il avait perdu la notion précise du temps. Il estimait sa capture à environ 5 jours, mais il n'en était plus sûr. Cinq jours... Les souvenirs lui revinrent, douloureux et effrayants. Ils n'avaient rien pu faire. Dès l'instant où les forces étrangères avaient donné l'assaut de leur modeste campement, malgré leurs armes, malgré leur courage, ils avaient été submergé. ILS l'avaient séparé d'ELLE. Il l'avait vu hurlé sa rage et sa peur, il l'avait vu être embarqué dans un camion avec toutes les autres femmes présentes. Il avait vu les hommes de plus de soixante ans se faire tuer comme des animaux. Il avait cru mourir lui aussi mais ILS l'avaient poussé dans un camion avec tous les autres combattants survivants du carnage. Quelques heures plus tard, ILS les débarquaient dans une caserne vétuste aménagée en centre d'internement.

ILS les ont humiliés en les faisant se dévêtir dehors dans le froid.

ILS les ont battus pour leur ôter toute envie de résistance.

ILS les ont parqués comme des bêtes dans des cellules, les obligeant à une promiscuité dégradante.

L'espoir de voir arriver une aide providentielle s'est amenuisé en quelques heures.

La porte de la cellule s’ouvrit brutalement et le prisonnier fut embarqué avec brutalité dans les couloirs sombres.

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Ils étaient dehors depuis plus de deux heures, dans le froid glacial, les pieds dans la boue. Ils attendaient l’arrivée de nouveaux prisonniers, comme tous les jours, essayant de ne pas succomber à la fatigue et au désespoir. Ils fallaient qu’ils tiennent le coup, pour vivre encore un peu, pour s’accrocher à l’espoir insensé qui était le leur depuis qu’ils étaient arrivés ici. Ils avaient survécu à la première épreuve. Ils leur restaient à prouver qu’ils étaient plus forts que leurs tortionnaires.

Le camion arriva enfin. Les bâches se levèrent sur les ombres qui se mirent à descendre péniblement, titubantes et hagardes.

Les prisonniers se précipitèrent sur les nouveaux arrivants. Le mot d’ordre circula rapidement, comme un chuchotement, se propageant à tous. Il fallait rester debout. Il fallait rester debout ou la mort vous attendait.

ILS tentèrent de leur imposer le silence. Mais l’entraide entre les survivants était trop forte pour les faire taire. Malgré les coups, malgré les hurlements, tous passèrent le message.

Le désordre s’organisa et les rangs se formèrent. Quelques hommes tombèrent, ivres de fatigue. Ils furent rapidement emmenés vers leur destin et chacun frissonna.

L’un des prisonniers fixait chaque nouveau arrivant. Tous les jours depuis qu’il était arrivé ici, il tentait de découvrir un visage familier. Il savait que nombre de ses connaissances avaient survécu au Premier Anéantissement. Soudain son attention fut attirée par une silhouette longiligne, maigre et vacillante. Il s’en rapprocha en quelques pas discrets et le regarda plus en détail. Son coeur se mit à battre plus fort.

Il murmura.

- Mulder ? C’est bien vous ?

Le pauvre être chancelant se tourna légèrement vers la voix.

- Skinner ?

Sa voix n’était qu’un filet rauque.

- Chut... Ne dites rien. Faites ce que je vous dis.

Skinner remarqua la peur et l’épuisement dans les yeux délavés du jeune homme. Il se rapprocha de lui, prêt à le soutenir s’il venait à s’effondrer. Il fallait qu’il tienne le coup encore quelques minutes. ILS allaient bientôt les autoriser à rentrer dans les baraquements. Il le vit soudain tituber et le retint d’un bras ferme.

- Restez debout, Mulder. Faites un effort.

Dans un sursaut de volonté, il parvint à ne pas succomber à sa fatigue. Des ordres furent aboyés et Skinner l’entraîna rapidement vers l’un des bâtiments, puis ils se mêlèrent aux autres prisonniers pour accéder aux dortoirs. Skinner le poussa vers un matelas crasseux où il s’allongea et sombra instantanément dans le sommeil.

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Il dormait depuis douze heures. Son sommeil avait été troublé par des cauchemars, mais cela ne l’avait pas réveillé. Skinner l’observa une fois encore. Le visage de son jeune ami était presque méconnaissable par la crasse et les grands cernes noirs qui entouraient ses paupières gonflées. Ses lèvres étaient crevassées, ses cheveux sales et emmêlés. Il avait tenté de lui faire avaler un peu d’eau, mais n’avait réussi à lui faire boire que quelques gouttes. Avec douceur, il avait inspecté son corps, découvrant sans surprise les traces du Traitement Spécial.

Il soupira. L’état de Mulder était pire encore que le sien après son arrivée ici. Combien de temps avait-il dû subir leurs ignominies ? Lui même était resté près de deux jours et il avait cru y rester. Il passa sa main sur la petite cicatrice dans la nuque de Mulder. Il était Réfractaire. Tout comme lui. Dieu merci, il était Réfractaire.

Il frémit en repensant aux horreurs qu’il avait subi. Après sa capture, il avait été enfermé avec tous les autres pendant des jours, avant qu’ILS ne le conduisent dans ce labo. ILS lui avaient implanté quelque chose dans la nuque, tout comme Mulder puis l’avaient soumis à une sorte de matière visqueuse qui s’était introduite dans son corps. C’était si douloureux et si terrifiant qu’il avait cru ne pas résister. Mais il s’en était sorti et l’on l’avait conduit ici. Manifestement, il faisait partie de cette poignée d’hommes qui n’étaient pas réceptifs à leur expérience. Il connaissait le sort qui était réservé aux malheureux qui n’avaient pas cette chance. Depuis des jours, il en voyait les conséquences.

Mulder gémit dans son sommeil et ouvrit les yeux avec difficulté. Il semblait avoir repris des forces. Il déglutit douloureusement et son regard se posa sur Skinner qui lui tendit un verre d’eau sale. Il avala quelques gorgées puis reposa le verre sur le sol crasseux. Il se redressa doucement, grimaçant de douleur, puis s’adossa contre le mur froid.

- Comment vous sentez-vous, Mulder ?

- Ca va mieux. Depuis quand êtes-vous là ?

- Je ne sais pas exactement... Une quinzaine de jours. J’avoue que j’ai perdu le compte.

- Quel est le sort qu’ILS nous réservent ?

- On est là pour travailler pour eux, Mulder. ILS ont besoin de nous. Mais toute défaillance est fatale. Il ne faut pas leur montrer notre épuisement.

Mulder ferma les yeux et esquissa un petit sourire de dépit.

- Je n’ai mangé depuis des jours... Je ne peux pas tenir debout.

Skinner fouilla sous le matelas, sortit un morceau de pain et ce qui ressemblait à du fromage et lui tendit.

- Et vous ?

- Ne vous inquiétez pas pour moi, Mulder. Mangez. Vous avez besoin de reprendre des forces. ILS vont bientôt nous apporter notre repas.

Il le laissa manger en silence, puis lui posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu’il l’avait trouvé.

- Scully ?

Les yeux de Mulder se voilèrent de tristesse et ses mâchoires se crispèrent de colère.

- Je ne sais pas. Nous avons été séparé lors de notre capture. Je l’ai vu partir dans un camion semblable à celui dans lequel j’ai été emmené. Elle n’a pas été blessée.

Skinner ferma les yeux. Les images défilèrent dans sa tête et il tenta de chasser ses pensées. Il savait trop bien le sort qu’ILS réservaient aux femmes jeunes... Mulder le saurait bien assez tôt.

Mulder jeta un rapide coup d’oeil autour de lui. Une dizaine de matelas étaient entassée à même le sol, la plupart occupée par des hommes qui semblaient endormis. Ils portaient tous les mêmes vêtements gris et sales qu’il portait lui même. Il passa la main dans ses cheveux. Il se sentait sale et faible, deux états qu’il détestait. Il regarda Skinner, amaigri, mais lut dans ses yeux une force qui lui réchauffa le coeur. Il était possible de résister dans ce chaos.

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Les heures passaient, grises et froides. Ils avaient mangé en silence la nourriture qu’on leur avait apporté, et Mulder sentait qu’il reprenait des forces. Il fallait que son corps le soutienne. Il rompit le silence pesant.

- Qu’est ce qu’ils attendent de nous ?

- Demain matin, nous serons conduits au labo, Mulder. Nous allons devoir travailler sur les corps des malheureux qu’ILS ont converti. Pendant deux jours, nous allons les déshabiller, les raser, et les mettre en place dans des caissons cryogéniques.

- Ils sont conscients ?

- Je ne sais pas... Leurs yeux sont ouverts, leurs coeurs battent.. Mais je ne suis pas sûr qu’ils éprouvent quoique ce soit. Enfin je l’espère. La première fois, c’est terrible. Mais il ne faut pas flancher, Mulder. Pendant deux jours, sans manger ni boire, vous allez faire exactement ce que je vous dit. C’est compris ?

- Oui... Vous avez déjà rencontré... des gens que vous avez connu ?

- Oui... Ca m’est arrivé. Il ne faut pas y penser. Il faut continuer à faire le travail qu’ILS attendent de nous. C’est le seul moyen de survivre. Promettez moi de ne rien faire d’insensé, Mulder. Il FAUT obéir.

Mulder baissa les yeux et essaya de ne pas imaginer les deux prochains jours.

Il n’osa même pas demander ce qu’ILS faisaient des corps.

 

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Mulder, Skinner et les autres prisonniers furent conduits dans le matin blême et glacial à travers les différentes cours de l’immense enceinte. ILS les firent attendre dans le froid, et les poussèrent dans le laboratoire. Une forte odeur les prit à la gorge. Ceux qui n’étaient jamais entrés ici eurent soudain l’impression de basculer dans un mauvais film de science fiction. Le hangar était garni d’un grand tapis roulant sur lequel circulaient des corps. Des hommes et des femmes, jeunes pour la plupart, quelques enfants, vêtus en début de chaîne puis bientôt rasés et déshabillés, pour finir ensuite dans les caissons. Mulder retint un haut de coeur en les voyant ainsi, et Skinner le prit fermement par le bras pour le retenir de prendre la fuite. Il plongea son regard dans celui de son supérieur et essaya d’y puiser la force de se taire.

ILS les mirent au travail après avoir prestement fait sortir les autres prisonniers épuisés. Skinner et Mulder se retrouvèrent face à face et l’infernale cadence se mit en route. Ils étaient chargés de dévêtir les corps, et le firent de façon mécanique, essayant de ne pas trop s’attarder sur les yeux ouverts qui semblaient les fixer.

Le hagard ne possédait ni fenêtre, ni horloge. Ils travaillaient ainsi pendant des heures et des heures, la tête vide, le ventre creux. Skinner savait que Mulder était au bord de l’épuisement et essayait de ne pas imaginer ce qui pourrait se passer s’il craquait. Mais il le savait trop bien. Il avait vu des dizaines de fois des hommes incapables de se retenir, et des dizaines de fois il avait vu ces mêmes hommes embarqués par les vigiles vers une mort certaine.

Jetant un regard vers l’amont de la chaîne, Skinner découvrit avec horreur le flamboiement d’une chevelure rousse. Il tenta d’accrocher le regard vide de Mulder pour l’inciter à rester calme, mais en vain. Skinner le vit soudain se reculer d’un pas, vit son front se couvrir de sueur, ses mâchoires se crisper, sa respiration se faire plus rapide. Il semblait pétrifié, et soudain se précipita sur le corps inerte de la jeune femme. Skinner le vit fermer les yeux et tomber genoux contre terre, pleurant à chaudes larmes. Son regard se porta sur le corps et il soupira. Ce n’était pas Scully.

Les vigiles avaient immédiatement réagi, se précipitant sur Mulder qui était resté prostré, incapable de se relever. Ils le traînèrent à terre avant même que Skinner ait pu réagir et il le vit disparaître derrière une lourde porte. Skinner reprit ses gestes machinaux, écartant les sombres pensées qui l’habitaient. Il fallait tenir, coûte que coûte.

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Il ne se rendit pas compte immédiatement qu’il était nu, puis le froid s’infiltra en lui. Il tenta de se recroqueviller sur lui même, mais ses mains et ses pieds étaient attachés. Ses dents s’entrechoquèrent sous l’effet du froid et de la peur. Il régnait un silence mortel dans la pièce sombre. Il ne se souvenait pas être entré ici. Il avait du perdre connaissance.

Il passa sa langue sur ses lèvres et sentit le goût du sang dans sa bouche. Tout son corps grelottait maintenant. L’image se forma dans son esprit et il ferma les yeux pour tenter de la faire fuir. Il avait cru que c’était Scully... Mon Dieu... Ce n’était pas elle. elleétaitenvieelleétaitenvieelleétaitenvieelleétaitenvieelleétai........

Il se récitait cette phrase comme un mantra, chassant la terreur de ses pensées. Il allait mourir. Il allait mourir loin d’elle.

Des hommes s’approchèrent de lui. Il ne voyait pas leur visage. ILS n’avaient pas de visage...... L’apparence humaine n’était qu’un leurre. La terreur s’infiltra dans son esprit et il se mit à hurler. Il sentit qu’on lui injectait quelque chose. Il était glacé... Il voulut fermer les yeux et mourir mais ses muscles ne répondirent pas. Il croyait hurler mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il vit qu’ILS se penchaient vers lui avec d’étranges instruments. La douleur fit immédiate, insolente, insoutenable. Il allait mourir....

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Les deux jours étaient passés. Skinner se traîna jusqu’à sa couche et sombra dans un sommeil lourd. Pas de trace de Mulder. ILS l’avaient tué.

 

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La porte s’ouvrit brutalement et la lumière crue réveilla les quelques hommes qui dormaient encore. Skinner se redressa en sursautant. Ce n’était pas l’heure du repas. Ce n’était pas le moment de reprendre le travail. Il n’avait pas dormi assez. Il vit soudain qu’ILS traînaient un corps derrière eux et qu’ILS le jetaient sans ménagement sur un matelas vide. L’homme geignit doucement avant de perdre connaissance. Les prisonniers se rendormirent sans perdre un instant. Ils fallaient qu’ils reprennent des forces.

Skinner attendit qu’ILS aient quitté la pièce puis se faufila jusqu’au matelas où ILS avaient laissé Mulder. C’était la première fois qu’un prisonnier revenait après avoir commis une erreur.

Lorsqu’il découvrit l’état de son ami, il pensa un instant qu’il eut mieux valu qu’il ne survive pas. Son corps était recouvert de brûlures étranges, sa respiration était rapide et irrégulière, son coeur battait faiblement. Ses bras étaient couverts de traces de piqûres, et Skinner se rendit compte avec effroi que ses paupières ne semblaient pas vouloir se fermer. Tout son corps semblait rigide et lorsqu’il voulut toucher sa main, Mulder se mit à gémir de douleur. Le seul contact de la couverture rugueuse qui recouvrait le matelas semblait le faire terriblement souffrir. Skinner était désemparé. Instinctivement, il s’approcha de son ami, prenant garde de ne pas le toucher et lui murmura des mots d’apaisement à l’oreille. La respiration de Mulder se fit plus calme et son corps se détendit un peu. La main de Skinner effleura les cheveux poisseux de son jeune ami et progressivement, les yeux de Mulder se fermèrent.

Il resta dans cet état plus de dix heures, incapable de parler, incapable de bouger. Skinner avait simplement déposé sa couverture sur son corps supplicié, mais la chaleur ainsi dispensée n’était pas assez forte et Mulder tremblait de froid et de douleur. Peu à peu, ses muscles reprirent une tonicité normale et il se roula sur lui même, prononçant des mots sans suite, que Skinner essayait de comprendre. Sa température corporelle monta de façon inquiétante et son front se couvrit d’une sueur malsaine. Toute la nuit, Skinner essaya de lui faire boire le peu d’eau qu’il avait réussi à cacher, mais Mulder ne semblait pas être en état d’avaler quoi que ce soit.

Le petit matin arriva, glacial et blême. Mulder avait le visage exsangue d’un mourant. Skinner caressa ses cheveux avec chagrin. Il se souvint de toutes ces années passées près de lui, de son insubordination, de son opiniâtreté, de son courage, de ses combats. Au fil des années, il était devenu comme un fils pour lui. Un fils insupportable, mais si vivant, si touchant. Il n’avait jamais pu lui exprimer ce sentiment, retenu par la hiérarchie et la pudeur...

Il ne méritait pas de mourir ainsi... Personne ne méritait de mourir dans ces conditions.

La porte s’ouvrit et Skinner sut que s’il abandonnait Mulder dans cet état, il ne le reverrait jamais. Il ne pouvait pas le laisser ainsi, seul, abandonné de tous. C’était trop cruel. Les prisonniers se levèrent un à un, passèrent la porte, résignés. Skinner resta assis contre le mur, le menton relevé, défiant les hommes qui s’approchaient de lui pour l’intimer de se lever. Une voix puissante s’éleva près de la porte. Une voix connue. Une voix détestée. Krycek.

ILS échangèrent un regard étonné, puis se retirèrent bruyamment. Krycek s’approcha du matelas où gisait Mulder et se mit à genoux près de lui. Il retira avec précaution la couverture qui couvrait son corps nu puis sortit une fiole de son blouson. Skinner le regardait faire sans un mot, prêt à lui sauter dessus. Krycek lui tendit le flacon.

- Appliquez lui ça. Trois fois par jour. Ca devrait l’aider. Et faites lui avaler ça.

Il lui tendit quelques comprimés contenus dans une petite boite transparente.

- Qu’est ce que c’est ?

Krycek ne lui répondit pas.

- Vous n’aurez pas à travailler pendant deux jours. Veillez sur lui. Et tachez de le remettre sur pied. Je ne pourrais pas vous couvrir très longtemps.

Il se leva et sortit rapidement, le regard inexpressif.

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- Mulder... Je sais que ça va faire mal... Criez si ça vous soulage. Nous sommes seuls.

Skinner commença à appliquer la pommade sur les blessures de son ami. Ses gémissements lui brisaient le coeur.

- Pardon, Mulder. C’est pour votre bien.

- Trop... mal...

- Je sais... J’ai presque fini. Courage.

Le blessé se mit à haleter, et ses yeux se crispèrent sous l’intense douleur. Sa tête roulait de droite à gauche sur le matelas, et ses poings se contractèrent spasmodiquement. La main de Skinner se fit plus légère, puis la douleur se dissipa peu à peu. Mulder sentit qu’on lui glissait un comprimé dans la bouche et se força à avaler un peu d’eau saumâtre. Il vit Skinner le recouvrir avec la couverture puis sentit son corps devenir plus léger. Il sombra dans un sommeil profond.

Toutes les quatre heures, Skinner s’efforça de dispenser les soins à Mulder. La douleur sembla de moins en moins vive et les blessures changèrent d’aspect, pour bientôt devenir moins visibles. On leur apporta à manger et Skinner lui fit avaler quelques bouchées de l’immonde nourriture. Mulder était épuisé par la souffrance et la fièvre mais sentait que son corps avait besoin de reprendre des forces. Il parlait peu, ses yeux étaient encore marqués par l’épreuve qu’il avait enduré, mais Skinner sentait la vie renaître en lui.

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Les heures se rapprochaient du moment où ils allaient devoir retourner à leur tâche ingrate. Skinner expliqua à Mulder l’intervention de Krycek.

- Krycek ? Il est ici ?

- Oui. Il semble être de LEUR côté. Mais il vous a sauvé la vie, Mulder. Je ne comprends pas son attitude.

- C’est un traître. Il se placera toujours du côté des Forts.

La voix de Mulder était amère.

- Je n’ai jamais eu confiance en lui.

- Mulder... Si nous sommes en vie aujourd’hui, plutôt que d’être comme ces pauvres êtres que nous déshabillons et rasons, c’est sans doute en partie grâce à lui. Pensez à Tunguska. Ce qu’ils vous ont inoculé. C’est sans doute grâce à cela que vous êtes Réfractaire. Comme je le suis. Le poison dont j’ai été victime, Krycek le contrôle. Tout comme il a contrôlé votre expérimentation en Russie. Je pense au contraire qu’il est de notre côté. Qu’il savait ce qui se préparait. Pensez-vous que le message que nous avons tous reçu avant la Première Offensive soit un hasard ? Qui nous l’a envoyé ? Sans lui nous serions tous morts. Nous avons tous quitté les villes grâce à ce message. Il voulait que nous échappions au carnage.

- Je n’arrive pas à croire qu’il soit avec nous...

- Peu importe, Mulder. L’essentiel est qu’il vous ait sauvé la vie, aujourd’hui et maintenant.

Ils méditèrent longuement sur cette pensée, attendant qu’on vienne les chercher pour les remettre au travail. Les heures passèrent, les autres prisonniers revinrent, de moins en moins nombreux, exténués, silencieux.

La silhouette de Krycek se détacha soudain dans la lumière crue.

Il aboya des ordres et deux hommes arrachèrent Mulder et Skinner de leur matelas. Skinner tenta de défendre la cause de son ami.

- Krycek, non ! Il n’est pas en état de tenir debout ! Je vous en prie !

Krycek s’approcha de Skinner et posa sa main sur sa gorge, serrant si fort que Skinner pouvait à peine respirer.

- Taisez-vous. Je ne veux plus vous entendre prononcer mon nom, c’est bien compris. Taisez-vous.

Skinner se dégagea en essayant de rependre son souffle.

- Suivez moi.

Les deux hommes encadrèrent les deux prisonniers et suivirent Krycek jusqu’à un local sanitaire. Il les regarda avec un mélange de haine et de respect et leur jeta un pain de savon.

- Vous allez travailler à l’infirmerie pendant quelques jours. Lavez vous. Vous puez.

Les deux hommes se regardèrent avec étonnement et Skinner commença à se déshabiller tandis que Mulder faisait couler l’eau sur lui avec délectation. L’eau était froide mais la sensation était merveilleuse. Il oublia rapidement la douleur qui montait de ses blessures et passa le savon sur son corps amaigri, puis dans ses cheveux. Skinner lui sourit discrètement et fit de même.

On leur tendit des vêtements usagés mais propres et on lui conduisit rapidement vers une partie du bâtiment qu’ils ne connaissaient pas. Les locaux étaient simplement équipés mais immaculés, et vides. Krycek intima l’ordre aux deux vigiles de rester à l’extérieur et se tourna vers les deux hommes.

- Les médicaments sont dans l’armoire blanche. Elle n’est pas fermée à clef. Tu trouveras ce qu’il faut pour te soulager, Mulder. Il y a des anti-douleurs et la pommade que j’ai donné à Skinner il y a deux jours. Il y a un lit dans l’autre pièce. Mais faites semblant de travailler. Il y a des seaux et de la lessive à récurer. Vous devriez être tranquille pendant un moment. ILS sont rarement malades. Je vous apporterai à manger.

Il se retira et ferma la porte à clef derrière lui. Les deux hommes se regardèrent, et sourirent de leur transformation physique. Les cheveux mouillés de Mulder étaient ébouriffés et des gouttes d’eau lui coulaient dans le cou. Ses yeux étaient remplis d’une joie enfantine mais Skinner le vit soudain vaciller. L’excitation du moment avait fait brutalement place à l’épuisement résiduel. Il l’aida à s’allonger sur le lit recouvert d’un drap blanc. L’exquise sensation fit naître un large sourire sur les lèvres desséchées de Mulder. Il ferma les yeux de plaisir et s’endormit rapidement.

Skinner fit l’inventaire des médicaments dont son jeune ami pouvait avoir besoin et les posa sur la petite table métallique près du lit. Les joues de Mulder avaient repris les couleurs de la vie et la fièvre semblait avoir baissée. Lui même se sentit soudainement épuisé par les heures sans sommeil et la tension nerveuse de ces derniers jours. Il s’installa dans le fauteuil et se laissa aller à une sieste réparatrice.

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Ils dormirent ainsi de longues heures, sans que personne ne vienne les déranger. Skinner renouvela les soins sur les blessures de Mulder et ils se laissèrent aller à des rêves d’évasion. Krycek pouvait peut être les aider. Il fallait qu’il le fasse. Ce n’était qu’un maigre répit. Un répit inespéré, mais sans doute de courte durée. Leur espoir était de convaincre Krycek.

La porte de l’infirmerie s’ouvrit brutalement sur une jeune femme. Skinner et Mulder se précipitèrent sur les éponges et la brosse pour tenter de donner le change. Mais la jeune femme vit les médicaments sur la table de chevet et le lit qui portait encore l’empreinte du corps de Mulder.

Elle s’apprêtait à donne l’alarme lorsqu’elle dévisagea avec stupeur le visage de Mulder. L’homme qu’elle avait vu quelques jours plus tôt, supplicié et terrifié, sur la table d’opération du laboratoire avait repris figure humaine. La crasse avait disparu, faisant apparaître un visage qui lui paraissait familier. Les cheveux sombres et lourds encadraient un front large, le nez un peu fort lui rappelait son propre nez, les lèvres pleines, les yeux aux reflets changeants, mélange de vert, de gris et de brun... Elle secoua la tête pour chasser cette impression de déjà vu qui ne l’avait pas quitté depuis sa première rencontre avec lui.

Comment se pouvait-il que ce soit lui ? Après tant d’années, après tant de souffrance ? L’homme la fixait lui aussi, et dans ses yeux elle pouvait lire l’innocence d’un enfant de douze ans, la vulnérabilité et la douceur d’un frère qu’elle avait perdu il y a si longtemps. Ses jambes se dérobèrent sous elle et elle s’assit pour ne pas tomber.

Elle l’entendit à peine prononcer son prénom.

- Samantha ? Samantha, c’est bien toi ?

Il s’approcha d’elle et l’obligea à lever les yeux vers lui. Sa main effleura sa joue et elle sentit que des larmes s’échappaient de ses paupières. Lui même avait les yeux humides et ses lèvres tremblaient d’émotion.

- Fox ?

Sa voix n’était qu’un murmure, mais sut qu’il avait compris. Il tomba à genoux près d’elle et ses mains capturèrent son visage. Il plongea ses yeux dans les siens et elle vit les larmes couler sur son visage.

- Mon Dieu, Samantha... Qu’est ce que tu fais là ?

Elle sentit une main glacée lui broyer le coeur. Il avait prononcé ces mots avec un sentiment de reproche dans la voix.

- Je suis médecin... Je ....

- Tu fais partie de LEUR camp ? Sam ?

Sa voix était maintenant anormalement aiguë.

- Je suis des leurs, Fox. Je suis... une Hybride.

- Tu participes à leurs expériences ? Je t’en prie, Sam, réponds moi.

- Je m’efforce que les tiens restent en vie, Fox.

- Les miens ? Bon Dieu, Sam. Tu es humaine !

- Non, Fox... Je ne suis ni humaine, ni extra-terrestre. Je suis un prototype... L’une de leur première réussite... Mais je crois que toi aussi tu.....

- Tais toi...

- Fox... Tu ne t’es jamais demandé pourquoi tu étais en vie actuellement. Tu as reçu du matériel génétique, Fox. Tout comme moi. Tout comme lui.

Elle désigna Skinner qui était resté silencieux puis continua :

-Tout comme ceux qui sont restés en vie. Ils avaient besoin d’êtres comme nous pour continuer leur colonisation. Je suis restée à leur côté car je n’ai jamais connu autre chose. Ils ont toujours été ma famille.

Le visage de Mulder se crispa de détresse.

- Mais tu sais ce qu’ILS font ? Tu sais ce qu’ils m’ont fait ? Tu n’as rien fait pour les en empêcher ? Tu sais comme j’ai souffert ?

- Je ne savais pas que tu étais là... Je savais ce qu’il s’était passé, en Russie, et plus récemment, lorsque tu as été enlevé et qu’ils t’ont opéré. Je savais que c’était pour ton bien, Fox. Tu n’aurais pas survécu sans cela...

Le visage de Mulder était baigné de larmes. Elle caressa tendrement ses joues mouillées et passa la main dans ses cheveux.

- Tu m’as tellement manqué, Fox... J’aurais tellement aimé te retrouver ailleurs, dans d’autres circonstances.

- Pourquoi n’es tu pas venue à moi, Samantha ? Tu savais que je te cherchais... Depuis tant d’années... Tu savais et tu n’as rien fait...

- Je n’avais pas le droit, Fox. Ils m’en auraient empécher. ILS t’ont envoyé des clones... Mais tu n’as jamais cru à leurs mensonges. Je savais que ça te faisait du mal... Mais je ne pouvais rien faire. Ils avaient mes enfants...

- Tes enfants ? Samantha, tu as des enfants ?

- Oui... J’ai trois enfants, trois fillettes.. Tu les connais d’ailleurs... Tu les as vu dans tes rêves... Lorsqu’ils t’ont enlevé...

Mulder secoua la tête comme pour chasser un mauvais rêve.

- Tu veux dire qu’ILS auraient fait du mal à tes enfants si tu avais cherché à me revoir ?

- Oui... Tu comprends maintenant... Tu n’as pas non plus voulu rester avec moi alors que tu m’avais enfin retrouvée...

- Ce n’était donc pas un rêve ? J’ai réellement vécu cela... Je t’ai réellement tenu dans mes bras. Et je suis parti.

La voix de Mulder s’était brisée en prononçant ces derniers mots.

Samantha prit le visage de son frère entre ses mains et le regarda intensément dans les yeux.

- Fox... Tu as choisi une autre voix. Tu as choisi de retrouver Scully. Tu as choisi de te battre. Je ne t’en veux pas. Mais ne m’en veux pas non plus. Nous avions tous les deux des raisons justes.

Le frère et la soeur restèrent longtemps ainsi et Mulder finit par prendre sa soeur contre lui et la serra fort dans ses bras. Il sursauta de douleur lorsque Samantha répondit à son étreinte.

- Mon Dieu, tu es blessé... Il faut que je vois ce qu’ils t’ont fait. Je peux t’aider.

Elle déboutonna doucement la chemise de son frère et retira le vêtement avec précaution. Elle ne put retenir son indignation devant l’étendue des lésions qui couvraient encore le corps de son frère.

Elle prit sa main et l’entraîna doucement vers le lit où il s’allongea docilement. Les mains douces de la jeune femme parcoururent son corps blessé, l’effleurant à peine et il sentit un bien être l’envahir. La douleur disparaissait au passage des mains de Samantha. Il se souvint des pouvoirs de Jérémiah Smith et comprit que sa jeune soeur possédait le même pouvoir de guérison. Il la regarda avec étonnement puis ses paupières se fermèrent et il glissa dans un sommeil réparateur.

Samantha se tourna vers Skinner.

- Merci. Merci de l’avoir aidé, toutes ces années. Je sais ce que vous avez fait pour lui.

- Il a fait beaucoup pour moi aussi, Samantha. Mais vous pouvez faire plus encore pour nous deux. Il faut nous sortir de là.

- Non... Je ne peux pas faire ça. Je ne veux pas le perdre... une fois encore. Dès l’instant où vous quitteriez cette enceinte, vous vous exposeriez à une mort certaine.

- Mais nous sommes LEURS esclaves. Nous ne pouvons pas accepter cela !

- Soyez patients. Ils vous réservent un autre sort. Ils ont besoin de vous.

- Je ne comprends pas...

- Je ne peux pas vous en dire plus. Mais n’essayez pas de vous échapper. Prenez soin de lui. Je vais essayer de revenir très bientôt.

Elle quitta la pièce rapidement et referma la porte derrière elle. Skinner retourna au chevet de Mulder et tenta de mettre en ordre les pensées chaotiques qui l’agitaient. ILS avaient besoin d’eux... Pour quelle raison ? Que pouvaient-ils apporter à cette race qui paraissait supérieure ? Ses questions restèrent sans réponse.

Il regarda Mulder. Son visage était détendu et sa respiration régulière. Son corps avait retrouvé un aspect normal, les traces de brûlures avaient totalement disparu. Il posa une main légère sur son front et s’aperçut que la fièvre était tombée. Il ne pensait pas pouvoir croire un jour à ce genre de miracle. Mais les faits étaient là. Samantha l’avait guéri.

 

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Ils ne virent personne pendant des heures puis soudain ils entendirent des bruits de pas. La porte s’ouvrit sur une horde de gardes et ils jetèrent les deux hommes à terre sans ménagement. Un officier s’approcha d’eux et les interpella d’une voix forte.

- Qu’est ce que vous faites là ? Qui vous a permis d’entrer ici ?

Il asséna un violent coup de pied à Skinner qui gémit de douleur. Les deux hommes restèrent néanmoins silencieux.

- Emmenez les.

Ils les traînèrent dehors. La cour était remplie de prisonniers et de gardes et il régnait un silence pesant. Mulder vit Krycek attaché à une potence, le visage ensanglanté. Il comprit que qu’il avait payé pour sa traîtrise et frémit quant à leur propre sort. Il pria pour que Samantha ne soit pas impliquée.

ILS les firent approcher de Krycek et l’officier leur demanda en hurlant si cet homme leur avait apporté de l’aide. Ils ne répondirent pas tout de suite, et les coups se mirent à pleuvoir, d’une brutalité effrayante. Mulder sentit le sang couler sur son visage et on lui attacha les mains en croix sur une sorte de grillage métallique. On lui arracha ses vêtements et il sentit le froid le transpercer. Skinner subissait le même sort. Ils se regardèrent un instant, et dans leurs yeux passa la peur. Un silence de mort régnait parmi les autres prisonniers rassemblés.

Le visage contre le métal froid, Mulder essayait de trouver la force de ne pas succomber à la panique. Il ne voulait pas mourir. Pas maintenant qu’il l’avait retrouvé. Pas maintenant...

La sentence fut prononcée d’une voix hurlante.

Le premier coup lui coupa le souffle. Il sentit la peau de son dos se déchirer. Il regarda Skinner qui l’avait reçu en même temps que lui et vit les larmes se former dans ses yeux. Le deuxième coup leur arracha un cri, puis leurs cris devinrent des hurlements. Les coups tombèrent, réguliers, insupportables. Leurs cris se transformèrent en plainte sourde. Skinner perdit connaissance au bout de dix. Mulder essaya de ne pas sombrer, puis perdit le compte au bout de treize.

Derrière une fenêtre du bâtiment, Samantha pleurait de rage et de honte.

Les prisonniers se dispersèrent en silence, et la cour retrouva son aspect sinistre et calme. ILS avaient laissé les corps des deux hommes sur place, immobiles, inconscients.

 

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Mulder reprit connaissance en premier et regretta immédiatement ce fait. La douleur s’infiltra en lui, insidieuse, intolérable. Il mordit ses lèvres pour ne pas hurler de douleur. Il essaya de tourner la tête vers Skinner mais sa nuque était raide et endolorie. Il ne sentait pratiquement plus ses bras. Il sombra quelques minutes plus tard dans l’inconscience.

Le deuxième réveil fut pire encore. Il faisait nuit. Le froid glacial mordait son corps en partie dénudé. Il leva les yeux et vit les étoiles qui scintillaient dans le ciel sombre. De fins flocons de neige dansaient dans la lumière des projecteurs. Il tourna la tête pour voir Skinner. Il ne savait pas s’il était vivant ou mort. Ses pensées s’échappèrent vers Scully, vers Samantha, vers tous les êtres qu’il avait connu et aimé. Il bascula dans le néant.

 

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Les hommes vêtus de noir s’approchèrent silencieusement du mur d’enceinte. Ils avaient soigneusement calculés leur intervention. Ils abattirent les premiers gardes sans attirer l’attention, puis camouflèrent leurs corps. Les hommes pénétrèrent sans un bruit dans la cour déserte, puis d’eux d’entre eux entrèrent dans le bâtiment principal. La porte du dortoir s’ouvrit sans difficulté et ils s’emparèrent du corps dévêtu qui gisait sur le matelas. Ils l’enveloppèrent rapidement dans une couverture et sortirent rapidement de la pièce déserte. L’un des hommes avait pris le blessé sur ses épaules.

La cour s’illumina soudain sous les projecteurs des miradors. Ils se mirent alors à courir et le feu nourri des armes se déchaîna. Leurs compagnons d’arme les couvrirent dans leur fuite effrénée. Ils parvinrent à sortir et se précipitèrent sur le camion qui les attendait à l’extérieur de l’enceinte. Ils firent sauter les charges qu’ils avaient placé préalablement au niveau de toutes les sorties, annulant toutes possibilités de poursuite.

L’homme déposa le blessé à même le plancher du camion qui démarra en trombe. La femme regarda le visage de Mulder et son coeur se serra. Elle écarta la couverture dont il était enveloppé et s’exclama :

- Vite ! La trousse de secours ! Il a pris une balle !

On lui tendit la maigre valise. Elle la regarda avec effarement. Il lui fallait des poches de sang, des antibiotiques, un respirateur... Bon Dieu, elle n’avait rien de tout cela. Elle n’avait rien qui puisse le sauver. Elle fit la seule chose qui lui restait à faire. Elle prit le corps meurtri dans ses bras , le berça contre son coeur en lui murmurant des mots tendres et des larmes roulèrent sur ses joues.

 

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Il flottait. Il flottait en dehors de son corps. Il se voyait allongé sur un lit de camp, le visage blafard et maigre, des grands cernes noirs entourant ses paupières fermées. Son abdomen était entouré d’une large bande rougie du côté gauche. Ses jambes étaient recouvertes d’un drap gris. Une jeune femme était à ses côtés, silencieuse et triste, qui tenait sa main inerte. Elle remonta une mèche sur son front. Il pouvait voir les larmes dans ses yeux. Il était bien, il était loin, il n’avait plus mal, il n’avait plus froid. La jeune femme lui murmura des paroles douces qu’il ne pouvait entendre. Mais il captait la tristesse dans sa voix et soudain il réalisa qui elle était. Scully. Scully était près de lui. Elle était vivante. Il ne l’avait pas perdu.

La douleur revint dès l’instant où il réintégra son corps. Son dos le brûlait, son côté le faisait terriblement souffrir. Il n’avait pas la force d’ouvrir les paupières, pas la force de lui dire qu’il ne voulait plus souffrir.

- Scully ?

La jeune femme se tourna vers l’homme qui s’était approché d’elle silencieusement.

- Il est mourant, Frohyke. Je ne peux rien faire pour lui. Je ne peux rien faire qu’attendre. Et prier.

- Vous pouvez faire beaucoup plus, Scully. Vous pouvez lui donner la force de vivre.

- Il ne m’entend pas...

- Je suis sûr que qu’il vous entend. Parlez lui, Scully. Parlez lui.

Il posa un baiser léger sur son front et la laissa seule avec le blessé.

Scully serra la main de Mulder qu’elle n’avait pas quitté depuis leur arrivée ici. Sa paume était chaude dans sa main, très chaude. La fièvre était encore montée. Elle baigna son front avec un linge frais et repoussa les mèches de cheveux collées sur son front humide. Elle vérifia la perfusion qui coulait dans ses veines. Du sérum... C’est tout ce qu’elle avait. Et des prières.

 

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L’espoir revint dans son coeur au bout de deux jours. Son état s’était stabilisé. Il ne saignait plus, sa température était tombée à 38° et les blessures de son dos commençaient à cicatriser. Elle le tournait régulièrement sur le côté droit pour nettoyer ses plaies délicatement, puis posait des compresses stériles. Il n’avait pas repris connaissance et seule sa respiration régulière attestait qu’il était encore en vie. Elle caressa sa joue tendrement et sortit de la petite pièce dans laquelle il reposait.

Frohyke vint vers elle et lui posa un bras affectueux sur l’épaule. Elle pouvait lire la sollicitude et la tristesse dans ses yeux.

- Rien de nouveau, Frohyke. Il ne va simplement pas plus mal.

- Allez vous reposer, Scully. Vous êtes épuisée. Je vais prendre le relais.

- Non... Non. Je ne veux pas le quitter.

- Scully... Vous ne pouvez pas vous permettre de flancher... Pas maintenant. Allez vous reposer. Je viendrais vous prévenir du moindre changement.

Elle soupira et ferma les yeux. Il avait raison. Elle était à bout de forces. Elle sentit que Frohyke la prenait par la main pour l’entraîner dans l’autre partie du souterrain où ils avaient trouvé refuse. C’était une ancienne mine abandonnée, aménagée en refuge depuis l’Offensive. Ils croisèrent des hommes et des femmes afférés qui les ignorèrent. Elle s’allongea sur le lit sommaire parmi les autres combattants, puis tenta de trouver le sommeil.

Les mêmes images se bousculèrent dans sa tête. Leur capture, le visage de Mulder déformé par la détresse, la vision de tous ces hommes embarqués comme des animaux, de tous ces corps étendus, ensanglantés. Elle ressentit sa propre peur, puis les longues heures dans le camion parmi les autres femmes. Elle se souvint de l’attaque brutale des Rebelles qui avait permis leur délivrance, et la fuite dans la forêt. Le bonheur de retrouver des visages familiers, Frohyke, Langly. La tristesse de savoir que Byers avait été tué quelques jours plus tôt.

Elle se souvint de l’angoisse qui ne la quittait pas, malgré la faim, malgré sa propre détresse. Mulder... Cette pensée ne la quittait pas. Elle ne pouvait vivre sans lui. Il fallait qu’elle le retrouve.

Elle avait pris la tête de son groupe et remué ciel et terre pour le retrouver. Les Rebelles ne possédaient que peu d’informations. Les Survivants étaient dispersés sur de nombreux sites, et il était presque impossible de retrouver une trace. Elle avait néanmoins réussi à obtenir le renseignement qu’elle désirait, au péril de plusieurs vies. Les Rebelles étaient prêts à les aider. Ils assistèrent impuissants à la condamnation des deux prisonniers, puis attendirent le moment propice pour agir avec la complicité d’un Rebelle qui s’était infiltré dans LEURS troupes. Langly avait été tué dans l’assaut.

Ses yeux se fermèrent et elle s’enfonça dans un sommeil réparateur.

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Mulder reprit connaissance deux jours plus tard. Faible, le corps douloureux, sa première parole fut pour demander où était Skinner, avant même de comprendre qu’il était en sécurité, parmi les siens. Lorsqu’il vit Scully approcher de lui, une larme, une seule, coula de ses paupières.

Il reprit des forces rapidement et se retrouva bientôt à la tête de leur petit groupe. Leur tâche principale était d’essayer d’entrer en contact avec d’autres groupes de Survivants pour tenter d’organiser une résistance plus forte. Ils vivaient constamment

avec la peur d’être découvert ou trahi, mais la vie s’organisait malgré tout. Il leur fallait oublier tout ce qu’ils avaient connu, leur confort, leurs habitudes. Ils étaient peu équipés, mal vêtus, mal nourris, mais leur force résidait dans leur abnégation.

Scully cligna des yeux en sortant du souterrain. Ils avaient aménagé un petit abris à l’extérieur et Mulder s’y trouvait, avec plusieurs de ses hommes. Elle l’observa un moment avant de les rejoindre. Vêtu de noir, le visage halé par le soleil des semaines précédentes, très mince, les cheveux un peu longs, il était penché sur les plans et les cartes, discutant avec animation. Il possédait une aura naturelle qui faisait de lui un rassembleur. Lui qui était si solitaire avant les événements avait trouvé sa voix dans l’Ultime Bataille. Il avait la Foi, c’était son combat. Il leva la tête, la vit et lui sourit. Elle se joignit à eux.

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Leurs deux corps blottis l’un contre l’autre dans le petit lit, ils profitaient d’un de leur rare moment d’intimité. Les conditions de vie étaient difficiles et ils devaient comme les autres se résoudre au manque de place. Scully se souleva légèrement sur le coude et regarda son partenaire. Un sourire imperceptible se dessinait sur ses lèvres charnues alors que son visage était totalement détendu. Ses yeux clos cachaient à Scully l’éclat de ses prunelles. Elle caressa ses cheveux où apparaissaient des mèches de cheveux blancs. C’était l’une des séquelles des épreuves terribles qu’il avait subi. Elle caressa tendrement son corps nu où ne subsistaient que quelques cicatrices. Ils avaient fait l’amour plusieurs fois et il s’était endormi contre elle, en paix.

Elle se rappela de la première fois où ils avaient fait l’amour. C’était peu après la nouvelle année. Il avait été blessé, il s’était retrouvé à l’hôpital, le bras cassé. Ils étaient tous les deux devant le poste de télévision qui diffusait le compte à rebours avant l’An 2000. Il l’avait regardé, dans ses yeux elle avait pu lire une nouvelle attente, une promesse. Il s’était penché sur elle et ils s’étaient embrassé, longuement, tendrement. Lorsqu’ils s’étaient séparés, ils s’étaient posés silencieusement la même question... Qu’allait-il se passer ensuite ?...

La réponse était si simple... Elle l’avait raccompagné chez lui, l’avait aidé à se déshabiller, puis leurs sentiments respectifs avaient finalement brisés la barrière qu’ils avaient eux mêmes construits. Leurs corps avides, si longtemps brimés, s’étaient enfin trouvés et ils avaient fait l’amour. Comme des adolescents timides, puis comme deux êtres qu’enfin la vie avait réunie.

A leur grand soulagement à tous les deux, leur relation n’avait pas été bouleversée. Ils avaient tous les deux besoin d’avoir leur propre indépendance, et n’avaient rien changé à leurs habitudes. Ils vivaient chacun dans leur appartement, mais leurs retrouvailles n’en étaient que meilleures. Seules quelques personnes très proches, Skinner, Margaret Scully, s’étaient rendus compte que leur relation avaient changé de nature. Leur complicité était plus forte encore, leurs sourires plus tendres.

Ils n’avaient eu que quelques mois de répit. Puis il y avait eu la Grande Offensive. Ils avaient survécu, ils avaient soufferts. Ils étaient vivants, et ils faisaient l’amour. Tant de gens n’avaient pas eu cette chance...

Elle frissonna soudain et sans ouvrir les yeux, il lui parla d’une voix douce, éteinte par le demi-sommeil dans lequel il était plongé.

- Tu as froid ?

- Non... Je réfléchissais.

- Oh... Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée...

Il entrouvrit ses paupières et lui sourit. Dans ses yeux substituait une certaine tristesse, et le souvenir d’un autre temps. Le fait d’avoir retrouvé Samantha n’avait pas apaisé sa douleur. Mais lorsqu’il la regardait, une douceur inattendue faisait place à la nostalgie.

- A quoi pensais tu ?

- A toi... A nous.

Il la serra dans ses bras d’un geste protecteur. Il l’aimait tant. Il avait tant besoin d’elle. Elle répondit à son étreinte et ils reprirent leur danse d’amour.

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Les semaines passèrent, leur groupe se renforçait chaque jour par de nouveaux arrivants hagards et désorientés par les épreuves qu’ils avaient subi. Dès qu’ils étaient en état, ils étaient formés selon leurs compétences.

Mulder possédait le charisme d’un chef et tous se fiaient à son instinct et aux connaissances qu’il avait pu rassembler sur Eux. Ils remportèrent quelques victoires, mais leurs pertes étaient lourdes. Tant qu’ils ne trouveraient pas un moyen de les combattre efficacement, il fallait s’attendre au pire.

Scully détestait lorsque son compagnon partait en mission. La peur au ventre, elle le regardait se préparer, harnaché comme un combattant. Elle ne participait pas elle même aux missions. Elle restait au campement, et attendait le retour des blessés, priant chaque fois pour que Mulder ne figure pas parmi eux.

Les combattants étaient prêts à partir lorsqu’on signala une entrée suspecte dans le camp. Scully vit le visage de Mulder se figer. Les hommes étaient sur leur garde, et l’inconnu s’approcha. Un capuchon couvrait en grande partie son visage et il se découvrit devant lui. Scully ne put retenir un cri de surprise. L’inconnu était une femme et ressemblait étonnamment à Fox.

- Samantha...

La voix de Mulder n’était qu’un murmure. Il était partagé entre la joie de revoir sa soeur et l’angoisse qu’elle soit là pour les trahir. Il ne pouvait pas croire qu’elle soit venue de son plein gré dans leur repère. Il la conduisit à l’abri des regards indiscrets, faisant signe à Scully de les suivre.

 

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- Je suis là pour vous aider, Fox. J’ai enfin choisi mon camp. Je peux vous aider à les détruire.

- Comment ? Ils sont à la tête de tous les gouvernements, de toutes les structures. Ils sont partout.

- Ils ont une faille... Je connais le moyen de les anéantir.

Mulder regarda sa soeur puis Scully et les deux femmes purent voir le doute dans ses yeux.

- La solution est entre vos mains. A tous les deux.

- Que veux-tu dire ?

- Scully porte en elle l’instrument de leur destruction.

Scully porta la main instinctivement à son ventre. Elle savait. Elle savait depuis des jours qu’elle était enceinte, contre toute attente. Elle pensait pourtant ne jamais pouvoir enfanter. L’espoir était né quelques jours plus tôt, mais elle n’avait rien dit à Mulder. C’était tellement inattendu, tellement incroyable qu’elle ne voulait pas lui annoncer avant d’en être réellement sûr. Elle avait si peur aussi. Peur d’enfanter un monstre, un être génétiquement différent d’eux, à cause des expériences qu’elle avait subi, des expériences qu’ILS avaient fait subir à Mulder.

Mulder était silencieux, et Scully savait que la crainte le submergeait lui aussi. Il posa néanmoins une main rassurante sur son épaule.

Samantha reprit :

- L’enfant sera différent de nous tous. Il grandira plus vite que n’importe quel enfant. Il faudra lui faire confiance. Je serais là pour vous guider et pour vous aider à lui apprendre le sens de sa mission. Dans quelques années, il sera l’instrument de leur destruction. Faites moi confiance. L’espoir est en lui.

 

 

 

FIN

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