solidarité2

 

 

 


Titre : Solidarité
Auteur : Valérie
Émail : valeriec2@wanadoo.fr
Spoiler : post-requiem.
Catégorie : PG13, shipper.
Résumé : le retour de Mulder après son enlèvement.

SOLIDARITÉ


Il se réveilla glacé et le corps douloureux. Autour de lui, à travers ses paupières lourdes, la lumière du matin filtrait à travers les branches des arbres centenaires. Une vague nauséeuse le secoua lorsque il tenta de se redresser. Sa tête le faisait souffrir, ses membres étaient pesants, ses articulations raides et engourdies. Il ne savait pas ce qu’il faisait là, dans cette forêt, ni même qui il était. Ni ce qui l’avait conduit ici. Il était désorienté.

Les tremblements de son corps s’intensifièrent. Il fallait qu’il se lève. Au mépris d’un effort qui lui sembla surhumain, il se redressa doucement, se maintenant au tronc pour ne pas perdre l’équilibre. Après quelques minutes, il lui sembla possible de se mettre en route. Il marcha longtemps, s’arrêtant souvent pour reprendre quelques forces, suivant ce qui ressemblait à un sentier. Il pleura presque de joie en découvrant la route qui scindait la forêt en deux.

Le ciel s’était assombri et des nuages noirs menaçaient. Il savait que sa vie serait en péril en restant cette nuit dans la forêt. La température descendait rapidement, et les simples vêtements qu’il portait, un jean, un sweater léger, ne le protégeraient pas contre le froid.

************

Mark roulait depuis des heures. La cabine de son camion sentait la sueur et le mauvais café, mais il aimait cette ambiance, cette vie qu’il avait choisi, ce métier de solitude et de longues traversées. Encore trois bonnes heures de route et il arriverait à sa prochaine étape. La pénombre commençait à tomber et il se concentra sur le long ruban d’asphalte qui se déroulait devant lui. Ses yeux fatigués par les longues heures de route détectèrent une silhouette à la lisière de la forêt. Intrigué, il ralentit progressivement pour s’arrêter enfin près de l’homme.

Il ouvrit la vitre côté passager et interpella l’étranger :

- Vous avez besoin d’aide ? Vous êtes en panne ?

L’homme ne sembla pas comprendre immédiatement. Il fronça les sourcils et le regarda un long moment avant de répondre d’une voix presque inaudible.

- Oui.

- Où est votre voiture ?

- Je... Je ne sais pas.

Mark vit que son corps était secoué de tremblements et il descendit immédiatement de sa cabine.

- Eh... Est ce que ça va ? Vous avez eu un accident ?

Tout en parlant à l’inconnu, il cherchait des signes apparents de blessure. Mais rien ne semblait indiquer qu’il été blessé. L’homme était simplement en état de choc, il respirait rapidement et une lueur d’inquiétude luisait dans ses yeux délavés. Il eut un instant de recul en respirant l’odeur qu’il dégageait, un mélange de sueur et peur. Il paraissait assez jeune, mais de ses yeux émanait une tristesse et une angoisse qui lui donnait dix ans de plus.

- Montez. Je vous conduis en ville. Je pense que vous avez besoin d’aller à l’hôpital.

- NON !

Cette fois ci l’homme réagit immédiatement à ses paroles. Il enserra ses bras maigres autour de sa poitrine et secoua la tête.

- Non.. Pas à l’hôpital. Je vous en prie. Je... Je vais bien... J’ai simplement très froid.

- Pas étonnant, vous n’avez rien sur le corps. Montez. De toute façon vous ne pouvez pas rester là.

L’homme le regarda et hocha la tête, puis le suivit dans la cabine.

La chaleur et les odeurs le submergèrent et sa tête se mit à tourner. Il se laissa aller contre le dossier du siège, les yeux clos, tentant de contrôler les tremblements qui le secouaient. Il sentit qu’on le recouvrait d’une couverture rêche et il s’y blottit avec délectation. Mon dieu, il avait si froid...

Mark le regarda du coin de l’oeil tout en roulant. Son mystérieux passager paraissait s’être endormi et il le détailla plus précisément. Il était grand et très mince, presque maigre. Ses paupières étaient ombrées par de grands cernes sombres, son front large portait une fine cicatrice blanche. Ses cheveux sombres étaient sales et auraient mérité une bonne coupe. Une barbe naissante ourlait ses joues creuses.

Sans doute un sans abri. Ou un échappé d’asile. Il chercha discrètement dans ses poches une quelconque indication de son identité. Rien. Il dormait si profondément qu’il ne s’aperçut pas de son intrusion.

Quelques dizaines de minutes plus tard, il émergea de sa stupeur. Mark essaya d’entamer la conversation.

- Où allez vous ? Vous avez un point de chute ?

L’inconnu sembla réfléchir un long moment, puis lui répondit sérieusement.

- Washington.

Sa voix était rauque et presque douloureuse.

Mark réprima un ricanement.

- Vous rigolez j’espère ?

- Non... Pourquoi ?

- Vous savez où vous êtes ?

- Non... Pas exactement.

- Oregon. Ca vous dit quelque chose ?

- Oui... Je crois.

- Oregon. Washington... Vous devez traverser le pays. Et vous ne semblez pas en mesure de vous payer un billet en première classe... Comment vous appelez vous ?

Chaque question lui demandait un effort de concentration intense. Les réponses ne venaient pas automatiquement. Son cerveau semblait englué dans un coton épais.

Il fronça les sourcils.

- Je.... je ne sais pas. Je suis si fatigué...

Il referma les yeux et s’enfonça plus profondément dans son siège. Il avait besoin de dormir. Il était épuisé.

Mark se concentra sur la route déserte et sombre, et oublia pour un long moment son passager endormi.

Il arriva enfin à destination. Sur le parking du motel, plusieurs camions étaient garés et ses collègues routiers prenaient un dernier café avant de reprendre la route. Il se dirigea vers l’un deux, expliqua sa situation de son passager toujours endormi, et obtint ce qu’il voulait. Il acheta un sandwich et une boisson dans un distributeur et ouvrit la porte de sa cabine. L’homme se réveilla en sursaut, et le regarda d’un air confus.

- Je vous ai trouvé un collègue qui part vers Washington. Il est d’accord pour que vous fassiez un bout de chemin ensemble. Je vous ai acheté à manger et à boire. Tenez.

L’homme tendit les mains vers lui et prit le maigre repas. Il regarda la nourriture quelques minutes, puis le remercia d’une voix cassée, avant de se diriger vers le camion qu’il lui indiquait. Le nouveau conducteur lui sourit et il s’installa près de lui. L’odeur de la nourriture le tentait et le dégoûtait à la fois. Il risqua une bouchée hésitante, puis dévora le sandwich. Quelques temps après, il dormait à nouveau.

De routes désertes en autoroutes, de cabines en cabines, il finit par arriver dans la métropole. Le dernier camionneur qui l’avait transporté lui avait donné une veste et quelques dollars, et lui avait conseillé, d’un air un peu dégoûté, de prendre une douche dans une station service. Il l’avait déposé aux portes de la grande ville, dans une gare routière. Pendant les longues heures de route, et après des efforts intenses de concentration, un mot avait surgi dans sa mémoire confuse. Il se le répétait comme un mantra, et ouvrit le premier annuaire téléphonique dans une cabine. Il ouvrit l’épais bottin, déchiré et dont la couverture était déchirée et trouva ce qu’il cherchait.

Mulder. 42 Hegel Place. Alexandria.

Il prit le premier bus pour le centre ville.

************

L’endroit lui semblait vaguement familier. Il se dirigea d’un pas hésitant vers le palier, où un homme balayait devant la porte. Il le dévisagea longuement.

- Monsieur Mulder ??? Mon dieu c’est bien vous ?

- Vous me connaissez ?

- Monsieur Mulder, je croyais que vous aviez disparu... Ca fait si longtemps... Vos amis ont libéré votre appartement depuis plus de trois ans...

- Mes amis ?

- Vous savez, vos collègues du FBI. Mlle Scully et monsieur Skinner. Ils m’ont dit que vous aviez disparu... Je ne peux pas le croire.

- J’avais disparu... Mais depuis combien de temps ?

- Ca doit bien faire cinq ans. Ils ont payé le loyer pendant au moins deux ans.

- Ce n’est pas possible... Je ...

Mulder sentit soudain ses jambes se dérober sous lui et le vieil homme le retint avant qu’il ne s’écroule avant de l’entraîner vers son propre appartement. Il le fit asseoir et lui offrit un café fort. Des flashs de mémoire lui revenaient maintenant, erratiques, sans qu’il puisse réellement faire de connections avec la réalité qui s’offrait à lui.

- Je vous aimais bien, vous savez, malgré les ennuis que vous avez pu causer. Vous étiez un locataire correct, qui payait toujours son loyer.

- Je travaillais pour le FBI ?

- Oui. Vous n’avez aucun souvenir ?

- C’est si vague... Il faut que je me rende au FBI.

Il se leva, remercia le vieil homme et sortit de la pièce. Il utilisa ses derniers dollars pour prendre un bus en direction des bureaux du FBI.

*************

La réceptionniste le regardait d’un oeil suspicieux. Depuis cinq minutes, il essayait désespérément de lui faire comprendre qu’il voulait contacter le directeur Adjoint Skinner. Ce nom lui était revenu alors qu’il parcourait les derniers mètres qui le séparaient de l’entrée du FBI.

- Monsieur, je suis désolée, mais vous ne pouvez pas contacter ainsi le Directeur Skinner. Si c’est pour un emploi, il faut contacter par écrit le bureau des ressources humaines. Si c’est pour...

L’homme lui coupa la parole et ses yeux se mirent à se remplir de larmes.

- Je vous en prie, Mademoiselle. C’est très important. Donnez lui simplement mon nom. Je sais qu’il va me recevoir.

La jeune femme le regarda encore une fois et prit pitié de cet homme au regard hanté. Elle décrocha le téléphone et composa un numéro. Devant lui, l’homme ferma les yeux et s’appuya lourdement sur le comptoir. Il était épuisé.

La conversation prit quelques minutes et elle lui sourit en entendant les paroles de son interlocuteur.

- M. Skinner va descendre dans quelques instants. Veuillez patienter quelques instants.

Il la remercia d’un timide sourire et s’avança vers les sièges qui ornaient la salle d’attente. Il se laissa aller dans un des fauteuils, sentant que ses jambes allaient bientôt se dérober sous lui. Il ferma les yeux quelques instants et le sommeil l’emporta.

*********

Skinner avait cru que son coeur allait s’arrêter de battre quand il entendit le nom prononcé par la réceptionniste. Depuis sa crise cardiaque il y a quatre ans, il était resté fragile et devait ménager sa santé. Cela ne lui avait pas empécher d’obtenir la promotion de Directeur, qu’il occupait depuis deux ans maintenant. Il descendit rapidement les étages et se dirigea vers le hall d’entrée. Il chercha des yeux la silhouette familière de Mulder, et son regard s’arrêta sur l’homme blotti dans le fauteuil près de la porte.

Tout d’abord il crut à une farce. Cet homme maigre et sale, au visage mangé par une barbe naissante, aux joues creuses, ne pouvait pas être l’homme qui avait disparu depuis plus de cinq ans devant ses yeux, l’homme athlétique et brillant qu’il avait admiré et appris à apprécier. Il détailla les vêtements usagés, la maigreur de son corps, et s’attarda sur le visage. Mon dieu, c’était bien lui ; les traits n’avaient guère changé, mais des rides profondes ornaient le pli de sa bouche et le front à moitié caché par les mèches de cheveux. Il s’approcha de lui doucement et posa une main sur son genou.

- Mulder ?

L’homme ouvrit les yeux et Skinner reconnut immédiatement le regard fatigué, mais si intense de son ancien agent.

**************
- Où allons-nous ?

C’étaient les premières paroles que Mulder avait prononcé depuis que Skinner l’avait entraîné vers sa voiture.

- Chez moi. Je pense que vous avez besoin d’une bonne douche et d’un repas chaud.

- Je n’ai pas faim.

- Peu importe. Il faut que vous avaliez quelque chose, Mulder.

Il regarda rapidement son passager qui avait fermé les yeux. Il ne pouvait pas croire qu’il était assis près de lui, semblant remarquablement en bonne santé malgré l’effrayante pâleur de sa peau, accentuée par la noirceur de ses cheveux qui lui couvraient le visage à moitié. Il ne lui avait pas posé de questions en le retrouvant, conscient des regards curieux qui s’étaient posés sur lui dans le hall d’accueil du FBI. Il l’avait aidé à se mettre debout et rapidement emmené dans le parking.

Cinq ans s’étaient écoulés depuis sa disparition. Cinq ans qui avaient nourri sa culpabilité de ne pas avoir su le retenir. Dans ses cauchemars, il revivait cette nuit maudite encore et encore. Soutenu par Scully et Doggett, il l’avait cherché pendant des mois, pour finalement abandonner au bout d’un an de vaines investigations. Il s’était évanoui dans la sombre forêt, sans une trace. Son bonheur de le revoir était entaché par la crainte de le retrouver si faible, si éteint. Qu’avait-il pu subir pendant toutes ces années ? Il avait vu le vaisseau, la lumière aveuglante. Il avait fini par croire aux théories des enlèvements par des extra-terrestres.

Ils ne prononcèrent pas une parole pendant le reste du trajet. Mulder semblait s’être endormi à ses côtés, recroquevillé dans le siège, grelottant malgré l’atmosphère chaude de la voiture. Il se réveilla doucement en arrivant devant son immeuble. Mulder ouvrit les yeux avec effort et le suivit à travers les couloirs. Ses pas étaient hésitants, incertains.

Il le poussa gentiment dans son appartement, et immédiatement Mulder se laissa tomber dans le canapé du salon, comme si ses jambes refusaient de le porter quelques mètres de plus. Il le releva doucement et le conduisit vers la salle de bains. Les yeux de Mulder étaient vides, et ce n’est que lorsque que Skinner entreprit de le déshabiller qu’il réagit presque brutalement, le repoussant, sa respiration devenant rapide et paniquée. Une lueur de peur irrationnelle irradiait de ses yeux.

- Ne... me touchez pas.....

- Je voulais juste vous aider, Mulder. Je ne vous ferai pas de mal.

Skinner recula de l’homme effrayé et lui présenta une grande serviette et un nécessaire de toilette. Mulder accepta ce que Skinner lui tendait et baissa les yeux.

- Pardon... C’est simplement que je ne supporte pas... d’être touché...

- Pas de mal, Mulder. Je vous prépare quelques affaires propres dans la chambre. Prenez votre temps.

Mulder hocha la tête et Skinner sortit de la salle de bains, un peu inquiet de le laisser seul dans l’état de détresse dans lequel il semblait se trouver.

La porte se ferma derrière lui et Mulder poussa un soupir de soulagement. Il se déshabilla lentement, et laissa tomber ses affaires sales sur le sol. En se tournant vers la douche, il retint un cri de stupeur en se découvrant dans le miroir qui ornait l’un des murs. Il passa sa main sur son visage, effrayé de découvrir un inconnu, puis son regard glissa vers son corps, maigre et pâle, si décharné que les côtes saillaient, et lentement sa main se dirigea vers la cicatrice rougeâtre qui défigurait son torse. Instinctivement, il ferma les yeux et des flashs lui revinrent en mémoire, effrayants de clarté. Il se revit, supplicié, hurlant sous la torture quotidienne qu’il avait subi... Un frisson le parcourut et il se reprit, en tentant de repousser les images dantesques qui l’assaillaient dès qu’il fermait les yeux.

Lentement, il se fit couler un bain, puis se glissa dans l’eau chaude. D’abord contracté, il se laissa aller bientôt au plaisir de se sentir enfin propre, se relaxant au contact bienfaisant de l’eau. Il se savonna avec soin, se lava les cheveux, étonné de les sentir si longs. La première chose dont il aurait besoin serait une bonne coupe. Il resta longtemps ainsi, puis sortit de l’eau avec regret pour se sécher et se raser. Les gestes familiers lui revinrent en mémoire, et il se brossa les dents avec soin. Les cicatrices n’étaient pas seulement externes, il sentait également dans sa bouche les sévices qu’il avait été forcé d’endurer pendant sa captivité. Les souvenirs vivaces le firent frissonner, et simplement revêtu d’une serviette de bains autour de la taille, il sortit enfin de la pièce embuée et s’habilla avec les vêtements simples que Skinner avait mis à sa disposition.

Propre, rasé, et habillé, il entra d’un pas hésitant dans le salon.

Skinner lui sourit en le voyant s’approcher du comptoir qui séparait la pièce de la cuisine ouverte. Pendant que Mulder était dans la salle de bains, il avait pris le temps de faire réchauffer une soupe et préparé quelques sandwiches.

- Vous vous sentez mieux ?

Mulder soupira et se passa la main sur le visage.

- Oui... C’est bon de se sentir propre... Merci pour les vêtements.

- Ils sont un peu larges pour vous, mais nous pourrons remédier à cela en faisant quelques achats. Mulder... Que s’est t’il passé cette nuit là ? Avez-vous été enlevé ? J’ai vu le vaisseau... Je l’ai vu disparaître... devant mes propres yeux...

- Je ne sais pas... Je crois que je ne préfère pas m’en souvenir... Mon dieu il s’est passé tant de temps... Je n’arrive pas à croire que j’ai disparu cinq ans...

- Nous vous avons cherché, Mulder... Si longtemps... Je ne pensais jamais vous revoir.

Mulder laissa échapper un petit rire nerveux.

- Moi non plus, Monsieur. J’ai tellement espéré. J’ai cru que ce moment n’arriverait jamais.

- Je vous en prie, Mulder, appelez moi Walter. Vous n’êtes plus sous mes ordres.

- Je n’ai plus rien, Walter. Je n’ai plus d’appartement, je suppose que je n’ai plus d’identité...

- Nous allons arranger cela, Fox. Nous avons gardé quelques affaires dans un local des Lone Gunmen. Nous avons espéré vous retrouver un jour.

- Scully ?

Skinner s’attendait à cette question depuis qu’il avait pris en charge son ancien agent. Il redoutait les réponses qu’il devait maintenant fournir.

- Dana a quitté le FBI, un peu plus d’un an après votre disparition. Elle est allée s’installer dans le Massachusetts. Elle y est médecin, elle a pris un cabinet.

- Je suis heureux pour elle... Elle a enfin la vie qu’elle mérite... Est ce qu’elle est ... mariée ?

- Oui, Mulder. Je suis désolé... Je sais combien vous teniez à elle... Mais elle ne vous a jamais oublié... Elle a simplement... eu besoin de quelqu’un pour l’aider à surmonter cette épreuve.

- Je comprends... et je ne lui en veux pas. Je vous demande simplement... de ne pas la prévenir. Du moins pas tout de suite... Je ne suis pas sûr d’être en état de lui parler ou même de la voir.

- Vous déciderez du moment, Mulder. Prenez votre temps. Ce sera un tel choc pour elle.

Ils mangèrent en silence. Skinner observa l’homme en face de lui, étonné de le voir si calme après l’annonce du mariage de celle qu’il savait être son âme soeur. Il avait redouté une explosion de rage ou de douleur, mais Mulder semblait prendre la nouvelle stoïquement. Quelque chose s’était brisée en lui, cette sorte de passion qui l’avait menée pendant toutes ces années où il avait eu la chance de travailler avec lui. Qu’avait t’il pu vivre pendant sa disparition ? Il avait encore le souvenir effrayant des corps qu’on avait retrouvé après sa propre disparition, des êtres humains défigurés, ces hommes et ces femmes qui s’étaient volatilisés le même soir que lui. Lui avait survécu, mais au prix de quelles souffrances ?

Ils finirent leur dîner, et Skinner lui proposa sa chambre d’amis, en attendant de pouvoir lui procurer ce qu’il semblait avoir tant besoin, une nouvelle vie.

***************

Skinner découvrit pendant les jours qui suivirent son retour que Mulder était profondément marqué par les évènements traumatisants dont il supposait qu’il avait été victime pendant ses années de captivité. Déprimé et silencieux, Mulder avait perdu toute confiance en lui, et une peur panique s’emparait de lui dès qu’il se sentait entouré d’inconnus.

Au salon de coiffure où il l’avait emmené dès le lendemain de son retour, à sa demande, il avait fallu une patience infinie pour qu’il se laisse enfin couper les cheveux. Les gestes les plus familiers lui demandaient concentration et maîtrise de soi.

Le lendemain, ils entreprirent les démarches administratives afin qu’il puisse accéder à ses comptes en banque.

Les nuits étaient terrifiantes. Mulder était en proie à des cauchemars qui le laissaient exténué, en larmes et il fallait de longues minutes avant qu’il ne reprenne pied dans la réalité. Attentif et concerné, Skinner passait des heures à le rassurer avant qu’il ne sombre dans un sommeil lourd.

Peu à peu, Mulder prit conscience qu’il ne se sortirait pas seul de cette épreuve. Il accepta d’entrer dans un centre spécialisé dans les traitements de syndrome de stress post-traumatique. Des mois durant, avec l’aide de psychologues, il entreprit de se reconstruire, de retrouver une normalité et d’oublier son enlèvement.

****************

Huit mois plus tard.


Scully profitait d’un samedi ensoleillé pour aménager son jardin où William s’ébattait avec délectation avec son chien. Le petit garçon riait aux éclats et sa mère lui sourit en le voyant si heureux, si magnifique. Des mèches de cheveux d’un brun chaud étaient collés sur son front et son visage était couvert de sueur. Il resplendissait de santé et de vitalité. Son regard se porta sur un homme grand et mince qui s’approchait de la maison. La silhouette, vaguement familière, fit battre son coeur plus fort et plus vite. Elle ferma les yeux et secoua la tête. Combien de fois avait-elle cru le voir, dans la rue, et combien de fois avait-elle été déçu, le coeur déchiré.

L’homme s’approcha, la démarche souple, et elle se figea en le voyant s’avancer vers elle. Depuis que Skinner lui avait appris la nouvelle de son retour, son monde avait basculé. Elle croyait avoir fait table rase de son ancienne vie, même si au fond d’elle même son coeur était toujours captif de l’homme incroyablement fou, impulsif, merveilleux, noble qu’elle avait aimé.

A partir du moment où elle avait su qu’il était vivant, elle avait compris que son mariage n’était qu’un mirage, une douce fable à laquelle elle avait crue pour se bercer d’illusions. Sans lui, elle existait sans être.

Avec déchirement, elle avait ouvert son coeur à l’homme qui avait su la réconforter, l’homme doux et calme qui lui avait apporté une stabilité dont elle avait temps besoin. Mark avait compris, il avait su dès qu’il avait appris la nouvelle du retour de Mulder qu’elle était perdue pour lui. Il s’était effacé, avec délicatesse, sans amertume.

Le jour qu’ils avaient attendu, redouté dans les moments de doute était arrivé. Ils se firent face quelques instants, et leurs yeux se rencontrèrent enfin. Elle se plongea dans la profondeur de ses prunelles noisettes, il se noya dans le bleu azur. Leurs mains s’enlacèrent, tremblantes, hésitantes, avides. Leurs lèvres frémissantes se rencontrèrent, et ils se délectèrent l’un de l’autre, oubliant le monde autour d’eux. Ils étaient un à nouveau.

Leur étreinte fut troublée par le petit homme qui se fraya un passage entre eux deux. Leurs yeux remplis de larmes de bonheur se posèrent sur le petit garçon qui regardait Mulder avec curiosité. Sa mère le prit dans ses bras et le visage de l’enfant se tourna à nouveau vers l’inconnu qui avait enlacé sa maman.

La voix de Scully était empreinte d’émotion lorsque elle les présenta.

- William, c’est ton papa. Il est revenu.

FINIS


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