Testament


Titre : Le testament.
Auteur : Valérie D’après une adaptation de A LONG ROAD AHEAD, de Vickie
Moseley, avec son aimable autorisation.

Émail : valeriec2@wanadoo.fr
Catégorie : G / MSR / MskinnerR (amical) / S / MulderAngst.
Spoiler : minime référence à 6th Extinction.

Résumé : Les événements de cette fan fic font directement référence à Biogénésis. Le mal dont souffre Mulder a finalement une explication beaucoup plus rationnelle.

Disclaimer : les personnages de cette histoire ont été crées par Chris carter et appartiennent à leur auteur et à la FOX.

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Skinner sursauta en entendant le téléphone. Il regarda le quadrant de son réveil qui marquait 23 heures 30. C’était l’hôpital. Un instant il avait espéré que ce soit le Bureau, que le directeur l’envoie en urgence vers une mission importante qui aurait réclamée sa présence. Mais non. C’était l’hôpital. Le médecin qu’il avait quitté quelques heures plus tôt demandait à ce qu’il vienne le plus rapidement possible. Il y avait du nouveau sur l’état de Mulder.

Skinner raccrocha d’un air songeur. D’après le médecin, Mulder semblait s’être calmé peu de temps après son départ, avec le départ de Scully et celui de Diana. Les médecins avaient enfin pu procédé à des examens plus complets. Skinner avait été très impressionné par l’état de son agent. Pendant son trajet vers le centre hospitalier, il revécut avec intensité la scène qui s’était déroulée quelques heures auparavant, lorsque il avait tenté d’établir un contact avec lui, dans la chambre d’isolement. Il revit son regard hagard, ses yeux vides et cernés, son corps qui semblait ne plus lui appartenir. Puis en touchant son cou encore meurtri par le contact violent, il revit son attaque imprévisible et cette rage silencieuse qui habitait Mulder l’espace d’un instant, puis ses hurlements de détresse.

Il était seul maintenant pour gérer cette crise. Scully était partie chercher une vérité auquel il ne croyait pas, un remède à l’état de son ami.

Les couloirs de l’hôpital étaient déserts à cette heure tardive. Skinner se dirigea rapidement vers le bureau du médecin, le seul éclairé. Le docteur Harriman le reçut, la mine préoccupée.

- Nous avons procédé à un nouveau scanner cérébral avec injection, contrairement au premier que nous avions réalisé sans produit de contraste, du fait de l’agitation du patient. Cet examen a révélé un fait tout à nouveau. Regardez par vous même.

Skinner s’approcha du négatoscope et tenta de se familiariser avec les dizaines d’images qui recouvraient l’écran translucide. Il n’était pas médecin, l’anatomie n’avait jamais été son fort, mais malgré tout, il vit tout de suite de quoi le médecin voulait parler. Une tumeur. Une large tache d’environ 5 cm, visible sur plusieurs coupes tomodensitométriques.

- La tumeur se loge au niveau du lobe temporal. Elle semble extrêmement vascularisée, ce qui incite à penser que son développement est très rapide. A ce stade, elle est encore opérable. Mais elle ne le sera plus très rapidement.

Skinner se concentra sur les dernières paroles du médecin. Encore opérable. C’était une tumeur, mais il y avait une chance de l’éradiquer. Il connaissait les risques d’une telle opération. Dans le meilleur des cas, Mulder pourrait récupérer, retrouver une vie presque normale, prendre soin de lui même. La chance pour qu’il retrouve son statut d’agent sur le terrain était sans doute mince, mais il pourrait continuer à travailler au FBI.

Skinner frissonna en envisageant le pire des scénarios. Mulder pourrait parfaitement se retrouver après cette chirurgie dans un état végétatif. Ou même pire. Skinner le connaissait suffisamment pour savoir qu’il n’accepterait pas cette situation.

Le médecin reprit le fil de ses pensées.
- J’ai déjà parlé de l’opportunité d’un geste chirurgical à M. Mulder. Il refuse d’entendre raison. Mlle Scully est injoignable. Elle est la personne listée concernant les décisions médicales de Mulder. C’est pourquoi j’ai fait appel à vous. Vous devez lui faire entendre raison.

- Quelles sont ces chances sans cette intervention ?

- Elles sont nulles, M. Skinner. La tumeur va s’étendre rapidement, elle va provoquer des troubles neurologiques graves, tels qu’une paralysie, une cécité. Puis la pression exercée par la tumeur entraînera la mort. Rapidement. Et ce ne sera pas sans douleur. Actuellement M. Mulder souffre. Il souffre et c’est cette souffrance qui a sans doute provoquée ses accès de violence. Nous l’avons mis sous morphine depuis quelques heures. Il est cohérent et semble parfaitement en état de prendre une décision. Il faut le raisonner.

Le médecin le fit sortir du bureau et le conduisit dans la chambre où Mulder avait été transféré. Skinner frappa deux coups et entra sans entendre de réponse. Il s’approcha du lit où reposait son agent.

Son coeur se serra lorsque il vit les sangles de contention qui maintenaient ses poignets, ses chevilles et son torse. Le visage de Mulder était très pâle et des mèches de cheveux poisseux étaient collées à son front. Une odeur acre de transpiration se dégageait de lui. Des auréoles de sueur tachaient sa chemise d’hôpital à plusieurs endroits. Skinner vit avec tristesse l’état de ses mains. Ses ongles étaient complètement déchiquetés, résultat de la folie qui l’avait conduit à se battre contre les murs de sa cellule d’isolement.

Skinner prit un siège et s’assit lourdement près du lit. Mulder n’était pas fou. Il était malade, très malade. Et les médecins attendaient de lui qu’il lui fasse entendre raison.

Les paupières de Mulder s’ouvrirent lentement et son regard se dirigea immédiatement vers Skinner, comme s’il savait avant même d’ouvrir les yeux qu’il était entré dans la pièce. Des yeux d’une couleur indéfinissable, changeante, délavés par l’épuisement et la douleur. Il passa sa langue sur ses lèvres un peu tuméfiées et respira profondément.

- Mulder... Comment allez vous ?

- Mauvaise question. Mal. Je sais pourquoi vous êtes là.

Skinner haussa les sourcils. Il avait oublié que Mulder semblait lire dans les pensées depuis son brusque changement de comportement.

- Il n’est pas question que j’accepte cette foutue opération. Jamais je ne les laisserais toucher à mon cerveau. Jamais. Sa voix était rauque et déformée par les heures qu’il avait passé à hurler sa douleur et sa peur. Skinner lui tendit un verre d’eau et Mulder aspira doucement quelques gorgées.

- J’ai besoin d’aide. Il faut que vous m’aidiez à sortir d’ici.

- Vous avez besoin de soins, Mulder. Je ne peux pas vous aider.

- Je ne veux pas mourir ici. Je vous en prie. Il me reste peu de temps. J’ai encore un espoir... mince, mais je ne veux pas le laisser passer. Aidez moi.

C’était une prière. Le jeune homme ferma les yeux et son visage se crispa sous l’effet d’une douleur intense. Skinner vit son cors entier se tendre soudain et ses mains serrer les draps. Il était prêt à appeler de l’aide lorsque la douleur sembla refluer.

Les deux hommes se regardèrent un long moment, silencieux. Skinner était partagé entre le désir d’aider cet homme à mourir dans la dignité, dans la ligne qu’il s’était toujours fixé, celle d’un éternel croyant en un espoir hypothétique, et la peur de commettre un geste qu’il risquait de regretter le reste de sa vie. Mais le désespoir et la peur qu’il lut dans les yeux du jeune homme le fit se décider rapidement. Il détacha les sangles une à une et aida Mulder à se relever. La tête vide, l’estomac au bord des lèvres, Mulder pensa un instant à renoncer. Il se sentait si faible qu’il se crut un moment incapable de pouvoir se lever. La douleur s’intensifia pour devenir pratiquement insupportable, puis reflua quelques instants plus tard. Skinner retira avec maladresse les perfusions et les capteurs du corps de Mulder puis sortit pour récupérer un fauteuil roulant où il s’installa, tout en lui déposant son blouson de cuir sur les épaules.

Les couloirs étaient toujours aussi vides et après une rapide inspection, Skinner s’engagea dans le corridor silencieux et sombre. Mulder sentit que Skinner le déposait dans le siège avant d’une voiture et il ferma les yeux, épuisé.

- Où voulez-vous que je vous emmène ?

Mulder répondit sans ouvrir les paupières.

- Chez Scully.

Ils firent le trajet en silence et arrivèrent bientôt devant l’immeuble de la jeune femme. Skinner aida son jeune ami à sortit de la voiture et l’aida à marcher jusqu’à la porte de l’appartement. Mulder chercha d’une main tremblante les clés dans son blouson et ouvrit la porte.

Mulder se dirigea d’une démarche hésitante jusqu’à la cuisine, ouvrit le frigidaire et se servit un grand verre de thé glacé. Il revint vers Skinner qui était resté dans le salon.

- J’ai vraiment besoin d’une douche. Ce ne sera pas long.

Skinner le vit revenir quinze minutes plus tard. Il paraissait encore plus pâle qu’à l’hôpital et de grands cernes gris ombraient ses paupières. Il avait revêtu un jean et un tee-shirt gris qui manifestement se trouvaient dans la chambre de la jeune femme. Skinner se demanda soudain quel était le degré d’intimité des deux agents. Mulder possédait les clés de Scully, et sans doute réciproquement, il avait des affaires chez elle, et se déplaçait ici comme chez lui.

Mulder portait une sacoche noire qu’il déposa sur la table du salon. Il s’assit lourdement dans le canapé moelleux.

- Je vais avoir besoin de vous. Je suis incapable de me servir de ça. Heureusement que je ne suis pas diabétique.

Skinner regarda avec étonnement le contenu de la sacoche. Elle était remplie de seringues, d’aiguilles et de plusieurs petits flacons.

- C’est du Demerol. C’est un puissant antalgique. Les flacons ne sont pas périmés. Scully s’en servait lorsque elle souffrait trop à l’époque de son cancer. J’ai déjà été sous Demerol. Ca supprime la douleur, mais on reste cohérent. Quatre injections pour jour, à six heures d’intervalle. Scully m’a toujours dit qu’il fallait surtout respecter les intervalles. Quelle que soit la douleur et la demande du patient.

Skinner le regarda avec inquiétude.

- C’est si douloureux ?

Mulder ne répondit pas immédiatement et son regard se perdit vers la fenêtre.

- Mulder, si vous voulez que je vous aide, il faut me répondre.

- La douleur est terrifiante. Et je sais qu’elle sera pire encore dans quelques heures, dans quelques jours. Je l’accepte. Je n’ai pas le choix. C’est ça ou revenir à l’hôpital. Et il n’en est pas question.

Sa voix était résignée et presque dénuée d’émotion, mais Skinner sentit qu’il était au bord des larmes. Ses mâchoires étaient crispées lorsque il déboutonna son jean pour dégager le haut de sa fesse droite.

- J’espère que vous étiez infirmier au Vietnam.

Skinner prit une compresse imbibée d’alcool et nettoya soigneusement la zone d’injection, puis remplit la seringue avec le contenu d’un premier flacon. Il prit une inspiration profonde et enfonça l’aiguille. Mulder sursauta mais ne broncha pas.

- Désolé. J’étais dans l’infanterie.

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Ils roulaient depuis plusieurs heures dans la nuit sombre. Mulder avait fini par s’endormir, lové dans le siège avant, ses bras entourant sa poitrine, la tête posée contre la vitre de la portière. Skinner le regardait de temps à autre, espérant que le Demerol tiendrait ses promesses. Avant de partir, il avait vomi plusieurs fois dans les toilettes et Skinner l’avait récupéré au bord de l’évanouissement.

Il ne lui avait pas donné beaucoup d’explication, juste un nom : Farmington, Nouveau Mexique. C’était là son espoir, c’était la destination finale. Skinner avait proposé l’avion, mais il semblait que Mulder était encore beaucoup trop faible et trop sensible à la foule pour supporter l’entière cargaison humaine d’un vol.

Skinner s’arrêta dans une station pour prendre de l’essence. Mulder se réveilla en sursaut et ouvrit la porte de façon réflexe pour vomir sur le bitume. Le thé glacé était depuis longtemps reparti et il vomit seulement de la bile. Skinner fit le plein et entra dans la station pour essayer de trouver quelque chose qui pourrait le soulager un peu. Il revint avec une bouteille de soda que Mulder refusa d’un mouvement de tête.

- Arrêtez vous un peu pour dormir. Vous paraissez fatigué.

Skinner le regarda avec stupeur. C’était lui qui disait ça ! Ses cernes s’étaient encore accentuées et il paraissait sur le point de s’évanouir.

- Ca va. On peut rouler encore un peu. Je m’arrêterais dans la prochaine station.

Mulder soupira et se laissa aller contre le dossier du siège. Quelques minutes plus tard, il dormait de nouveau. Skinner roula pendant encore une heure, puis sentit ses paupières s’alourdirent dangereusement. Il prit la bretelle d’accès à un motel ,se gara sur le parking et s’endormit quelques minutes après.

Mulder le réveilla brutalement. Son visage était un masque de douleur. Il avait du mal à parler tant sa douleur était forte. D’un geste faible, il désigna le sac qui était posé sur la banquette arrière. Skinner regarda sa montre. Cela faisait huit heures que Mulder avait eu sa première injection. Il prépara rapidement de quoi soulager son jeune ami.

- Vous auriez du me réveiller plus tôt, Mulder. Il ne faut pas attendre que la douleur revienne si forte. Mulder ne répondit pas, trop concentré à ne pas gémir de douleur. Il reçut l’injection avec un cri sourd.

- Pardon. Je ne suis vraiment pas doué.

Mulder ferma les paupières et attendit un peu que le médicament fasse de l’effet. Au bout de quelques minutes, il reprit la conversation.

- Vous dormiez si profondément. Vous avez roulé toute la nuit. Je voulais vous laisser une chance de reprendre quelques forces.

L’injection fit rapidement effet et le visage de Mulder se détendit rapidement. Skinner le regarda attentivement. Ses joues étaient creusées par l’épuisement et le fait qu’il n’avait rien avalé de solide depuis des jours.

Sans ouvrir les yeux et alors que Skinner se remettait en route, Mulder se mit à parler doucement.

- Lorsque je serai parti, j’espère que Scully rencontrera quelqu’un, qu’elle trouvera un homme sympa et qu’elle pourra adopter un enfant. Elle est encore assez jeune pour espérer cela.

Skinner lui jeta un oeil interrogateur. Comment quelqu’un d’aussi brillant pouvait être aussi aveugle ?

- Mulder, après sept ans, pensez vous honnêtement que Scully veuille ce genre de vie ?

Mulder refusa de regarder Skinner. Son regard était porté vers l’horizon.

- C’est la vie qu’elle mérite. Elle a mieux à faire que de parcourir le pays, que de me sortir de situations délicates. Elle mérite un peu de bonheur.

- Écoutez, Mulder, je ne suis peut être pas un expert en la matière, mais d’après ce que je connais de Scully, elle n’est pas malheureuse avec sa vie actuelle.

Mulder finit par le regarder avec une lueur d’impatience.

- Vous êtes dingue ? Vous pensez honnêtement qu’elle est heureuse ? Je veux dire, on est constamment sur la brèche, elle a été blessée plusieurs fois, presque assassinée, tellement fois que j’en ai perdu le compte, et je suis une véritable plaie..

Il se mit à rire, mais il n’y avait pas vraiment de joie dans son rire.

- Et c’est moi qu’on traite de cinglé !

- Mulder, elle a eu beaucoup d’opportunités de prendre un autre chemin. Elle ne l’a jamais fait. Vous ne vous êtes donc jamais réellement demandé pourquoi ?

- Elle sera mieux sans moi. Elle ne le sait pas encore, c’est tout.

Skinner sentit sa colère monter.

- Mais qui êtes-vous donc pour savoir ce qui est le mieux pour elle ?

Soudain Skinner ressentit une étrange pensée. Mulder voulait en finir. Il avait refusé l’opération pour en finir et pour libérer Scully. Il allait commettre une sorte de suicide. Mais il avait préféré fuir loin d’elle, loin du monde, et tenté de donner le change en allant chercher une aide plus qu’hypothétique au Nouveau Mexique.

Skinner oublia que Mulder pouvait lire ses pensées. Il vit avec effarement le jeune homme poser sa main sur la portière de la voiture, prêt à l’ouvrir. La voiture roulait à vive allure.

- Si vous pensez faire demi-tour maintenant...

Il s’arrêta avant de finir sa phrase. Skinner savait ce qu’il allait faire. Son geste était suffisamment explicite.

- Je le ferais avant que vous puissiez ralentir la voiture...

Skinner le regarda. Il ne l’avait jamais vu aussi mortellement sérieux. Il allait le faire. Il allait ouvrir la portière et se jeter dehors. Il serait mort à la minute où il atteindrait le bitume. Skinner se contrôla.

- D’accord. Je ne ferais plus rien qui contrecarre votre projet.

Mais au moment même de prononcer ces paroles, Skinner se rendit compte de leur portée. Il le condamnait à mort.

Mulder se détendit un peu et sa main quitta la poignée de la portière. Cette petite altercation l’avait épuisé. Il eut la force de prononcer une dernière phrase avant de s’effondrer.

- A la prochaine halte, j’aurais besoin de papier. Et de quelques enveloppes.

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Skinner roula un long moment. Le soleil était maintenant haut dans le ciel et frappa les vitres de la voiture avec violence. Mulder avait dormi presque pendant tout le trajet et Skinner se préoccupait de la déshydratation dont il allait vraisemblablement souffrir. Il s’arrêta dans la prochaine station, reprit de l’essence et acheta ce que Mulder lui avait demandé. En remontant dans la voiture, Skinner s’aperçut avec effroi que Mulder s’agitait dans son sommeil. Non, ce n’était pas seulement de l’agitation. Il avait une convulsion. Skinner avait déjà vu au Vietnam. Les pauvres soldats blessés faisaient parfois des convulsions et il se souvint des gestes qu’il avait vu faire. Il se mit pratiquement en travers du corps de Mulder et l’empêcha de se blesser. Au bout de quelques minutes qui lui parurent une éternité, la convulsion cessa.

Mulder en sortit complètement hagard et Skinner mit un moment à comprendre qu’il avait du mal à parler. Les mots ne semblaient pas vouloir sortir de sa bouche. Il comprit enfin que Mulder réclamait une nouvelle injection d’antalgique. Il se précipita sur le sac mais regarda sa montre. La dernière injection remontait à seulement cinq heures. Mulder avait été très ferme sur le fait qu’il ne devait pas lui injecter une autre dose trop tôt. Skinner reposa le sac sur la banquette. Mulder le regarda avec animosité, mais comprit aussitôt. Le regard résigné, il se frotta les yeux un moment, puis ouvrit le sac contenant le papier et les enveloppes.

- Merci pour le papier.

Il s’installa et commença à écrire.

Le bruit du stylo sur le papier fut comme un soulagement pour Skinner. Cela sonnait si normalement. Un bruit courant. Un bruit rassurant. Un bruit de tous les jours. Mulder s’arrêtait de temps à autre, portait son regard fatigué vers l’horizon, puis reprenait au bout de quelques minutes. Skinner se demandait ce qu’il pouvait écrire. Puis il se maudit pour sa stupidité. Mulder écrivait son testament. Tous les agents fédéraux devaient avoir un testament prêt, au cas où ils leur arrivent quelque chose.

Skinner le vit écrire deux pages de lettres serrées, puis signer, et enfin plier les pages dans l’enveloppe. Il fit une autre lettre, plus courte, mais plus difficile à écrire sans doute puisque il s’arrêtait plus fréquemment, respirant profondément avant de reprendre. Après un moment, la lettre fut placée comme la première dans une enveloppe. La troisième fut courte elle aussi, Mulder souriait en l’écrivant, comme s’il écrivait une bonne blague.

L’heure approchait de sa prochaine injection. Skinner s’arrêta sur un parking de restaurant et prépara la seringue. L’injection se passa mieux que la dernière fois. Skinner commençait à avoir la main, ou Mulder appréhendait moins, mais il ne pipa pas cette fois-ci.

Skinner se prépara à sortir de la voiture. Il était presque deux heures et son estomac commençait à réclamer.

- Vous devriez manger un peu. Ca vous redonnerait un peu de force.

Mulder lui sourit faiblement, mais refusa l’invitation.

- Non. Merci, monsieur. Je vais bien. Enfin, si on peut dire ça.

Skinner le regarda avec appréhension, se souvenant de l’état où il l’avait retrouvé la dernière fois où il était remonté dans la voiture.

Skinner s’offusqua des derniers mots. Il savait parfaitement que Mulder allait mal. Plutôt que de lui dire directement, il s’avisa à lui rappeler un petit détail.

- Mulder, j’aimerais vraiment bien que vous cessiez de m’appeler Monsieur. J’ai accepté de vous conduire à l’autre bout du pays, je risque peut être ma carrière dans ce coup là, alors je vous demande une faveur.

Mulder se força à sourire, un peu embarrassé.

- Comment voulez-vous que je vous appelle, monsi.. Skinner ?

- Skinner tout court ça va. En fait, ma famille m’appelle Skipper ou Skip. Comme vous voudrez.

Le sourire de Mulder s’élargit, et fit soudain paraître son visage dix ans de moins.

- Skip. Ca me va aussi.

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Skinner entra dans le restaurant et parcourut le self du regard, cherchant ce qu’il pourrait ramener à son ami. Il remplit un bol de soupe et prit pour lui même deux sandwiches et un grand café. La journée serait longue.

Lorsqu’il rentra dans la voiture, il trouva l’expression de Mulder étrange. Le stylo dans la bouche, il frottait son poignet droit contre son poignet gauche doucement. Il ne s’aperçut pas que Skinner était revenu et cela inquiéta plus ce dernier que son étrange comportement.

- Que se passe t’il, Mulder ?

Il regardait sa main comme si celle ci n’était pas la sienne.

- Ma main est engourdie.

Son ton était résigné.

- Votre main ou votre bras ?

- Mon avant bras. Jusqu’au coude. Je ne la sens plus.

Skinner frémit en entendant ces mots. Une autre manifestation de la tumeur.

Mulder enchaîna aussitôt.

- Je pense que la tumeur entraîne une pression sur mon cerveau.

Il porta son regard sur la page à peine écrite.

- Il faut pourtant que je finisse d’écrire cette lettre.

Skinner le regarda et comprit ce qu’il avait en tête. Après un moment d’hésitation, il offrit d’écrire pour lui. C’était une décision difficile. Il avait des relations professionnelles avec cet homme. Pas vraiment de relations amicales. Il savait qu’il y avait une admiration mutuelle entre eux, une sorte de confiance. Il ne voulait pas le trahir.

- C’est pour Scully.

- Je promets d’oublier tout ce que j’entendrais.

L’humour détendit un peu les deux hommes. Skinner prit la lettre, et reprit là où Mulder s’était arrêté.

Mulder porta son regard vers l’horizon, prit une grande inspiration et commença à parler doucement. Il parlait si doucement que Skinner entendait à peine.

- Scully je t’aime. Mais je dois te dire que Skinner vient de me faire une injection de Demerol, donc tu pourras toujours croire que je suis à nouveau drogué...

Mulder sourit à sa propre blague, puis reprit.

- Ce n’est pas mon écriture, comme tu peux le voir, mais Skip t’expliquera la raison. Je veux écrire ça au cas où...

Mulder se mordit la lèvre inférieure. Après une longue minute, il reprit sa phrase.

- au cas où je ne serais plus capable de te parler quand tu reviendras... Ceci n’est pas un testament. J’ai fait de Byers mon exécuteur. C’est juste pour clarifier quelques points. Je donne tout ce que je possède à ma mère, l’argent de mon père, les deux maisons, mais j’apprécierai que tu prennes soin d’elle de temps en temps. Je sais que vous n’avez pas des relations particulièrement simples, mais Scully, je ne pourrais pas te dire le nombre de fois où elle m’a traité d’idiot parce que je ne te demandais pas en mariage. Elle t’apprécie, beaucoup. Elle sait que tu me permets de rester sain d’esprit. Elle a raison.

L'argent que je tiens de mes grands parents, je te le laisse. Tu ne vas pas
devenir pour autant une milliardaire, Scully mais laisse le travailler et
tu auras un bon petit pécule. Tu te demandais tout le monde d'où me venait
l'argent pour mes fringues, voila un mystère d'élucidé.
Maintenant les conditions.

- Je veux que tu redeviennes un médecin, Scully. Quitte le FBI, quitte
ce monde de conspirateurs et de mensonges et de trahison. Trouve un garçon
sympa, pose toi. Fin de l'histoire. Non. Commencement de Ton histoire.
Je veux que tu ne regardes pas derrière toi, que tu oublie toutes ces
horreurs, et que tu te rendes compte que tu peux avoir une vie agréable.
Fais le Scully, fais le pour moi.

Skinner arrêta d'écrire et se frotta la paupière. Mulder en profita pour lui
reprendre la lettre des mains.

Skinner le regarda peiner pour finir d'écrire la lettre avec sa main
gauche valide.

- Je t'aime, Scully. Depuis toujours et pour toujours. Et ça, tu dois
le croire.

Mulder tourna la tête vers la fenêtre, mais Skinner eut le temps d'apercevoir les larmes
couler sur ses joues. Il frotta lui même ses yeux humides, puis prit
doucement la lettre des mains de Mulder, la détacha du bloc de papier,
la plia soigneusement et la glissa dans une enveloppe.

Ils reprirent la route en silence.

Ils roulaient depuis quelques kilomètres quand Skinner reprit la conversation.

- Elle ne le fera pas. Quitter le FBI.

- Alors faites votre boulot. Empéchez là de faire quelque chose de stupide, répondit
Mulder en reniflant et en s'essuyant les yeux avec sa main gauche. Apparemment la droite
était toujours engourdie.

- Vous pensez réellement que je peux la faire changer d'avis ?
Écoutez, elle vous aime.

Skinner se rendit compte soudain de quelque chose. Il ne le savait pas.
C'était impossible, tout le monde pouvait voir que ces deux là s'aimaient.
Mais apparemment il n'en était pas conscient.

- Non, ce n'est pas ça. Elle prend soin de moi, ça fait partie
du job, mais elle ne m'aime pas.

Skinner commençait à s'énerver. Comment l'homme pouvait être
aussi aveugle ?

- Elle est ma partenaire, prendre soin de moi fait partie de son
boulot. et elle prend son boulot vraiment au sérieux.

Skinner voulait le secouer, là, dans la voiture. Cet homme était dingue.

- Je pense simplement qu'elle a peur, d'elle même et non pas
pour elle. Elle a peur de se perdre ou quelque chose comme ça.
Mais vous êtes tous les deux des idiots de ne pas vouloir
croire en vos sentiments.

- Et bien c'est trop tard, maintenant.

- Elle ne laissera pas tomber avec votre mort. Vous pensez vraiment qu'elle va vous
mettre en terre et simplement passer à autre chose ?

Mulder tourna sa tête vers la fenêtre, ses mâchoires étaient
si serrées que Skinner pensa qu'il allait se fracturer les
molaires.

- Elle essayera de vous venger, de comprendre ce qui a provoquer
cette chose en vous. Vous savez ça. Et elle ira jusqu'au bout pour cela.

Skinner comprit qu'il avait peut être été trop loin. Il n'avait
jamais vu Mulder craquer, il pensait que l'homme était
invincible.

Mulder éclata en sanglots.

Skinner voulut arrêter la voiture, mais c'était trop dangereux et de toute façon
c'était trop tard. Il avait vraiment été trop loin. Et il n'aurait rien pu dire qui aurait
diminué sa peine. Parce que Mulder se rendait enfin compte de la vérité. Peut être
pas la vérité qu'il avait cherché sa vie entière, pas la vérité sur sa soeur, pas la vérité
sur la conspiration gouvernementale. Mais la vérité sur lui même. Comment il avait
pu gâcher non seulement sa propre vie, mais la vie de la personne qui était si chère
à son coeur. Et qu'il n'y avait plus rien à faire. La mort était là, trop proche,
inéluctable.

Il pleura jusqu'à ce qu'il s'endorme, épuisé, les bras serrés contre sa poitrine. Skinner,
la gorge serrée, roula jusqu'à que ses yeux se ferment. Puis l'épuisement le gagna et il
gara la voiture devant un motel.

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Skinner ouvrit la portière et aspira une grande goulée d'air
frais. Mulder restait assis, la tête penchée, mais il savait qu'il ne dormait plus.
Il lui ouvrit la portière et le prit gentiment par le bras.

- Je suis épuisé, il faut que je dormes un peu et on a tous les deux besoin d'une
douche. Nous allons prendre une chambre.

Il le sortit de la voiture et ils se dirigèrent vers la réception du motel. Peu avant
d'arriver devant la porte de la chambre, Mulder s'effondra, le visage déformé par
la douleur. Skinner se précipita pour éviter qu'il ne se blesse et se rendit compte
que ses jambes semblaient ne plus le porter. Il se regarda d'un air interrogateur et les
yeux de Mulder cherchèrent les siens. Il était terrifié. Terrifié de ne pas avoir assez de
force pour aller jusqu'au bout, terrifié par l’ampleur de la douleur qui ne le quittait plus. Terrifié par la mort, qu’il savait toute proche.

Skinner le porta jusqu'à la chambre et l'allongea avec délicatesse sur le couvre lit.
La douleur paraissait si forte qu'il lui injecta une nouvelle dose de Demerol. Peu
lui importait sa montre maintenant. Son ami souffrait. Il souffrait de façon si intense
qu'il n'était plus en état de réclamer le soulagement. Des larmes de désespoir roulèrent
sur les joues du jeune homme qui se recroquevilla sur le lit puis s'endormit rapidement.
Son sommeil était si lourd que Skinner s'obligea à chercher ses pulsations toutes
les dix minutes, pour être sûr qu'il ne l'avait pas quitté.

Skinner finit tout de même par s'endormir sur le grand fauteuil qui ornait la chambre
désespérément banale. Il se culpabilisait d'avoir peiné Mulder, de l'avoir obligé à
voir clair en lui. Mais il ne pouvait pas plus longtemps le voir se morfondre ainsi,
à croire que Scully n'était pas folle de lui. Il fallait qu'il le lui dise.

Skinner fut réveillé plusieurs fois par son compagnon de route. Quelquefois par des cris,
quelquefois par des sanglots. Mulder prononça plusieurs fois le nom de Scully
comme une prière, avec la voix d'un enfant. Puis il finit par se réveiller, le visage
encore plus creux, la douleur encore plus présente. Incapable de marcher, il attendit
que Skinner sorte de son sommeil et l'aide à se déplacer jusqu'à la salle de bains
pour prendre une douche. Ses jambes étaient engourdies, comme ses deux mains, et
il manquait d'équilibre. SKinner l'aida à se laver et lui tendit une grande serviette dans
laquelle il l'enveloppa.

Il avait mal de le voir ainsi diminué, mal de le voir souffrir, mal de le voir mourir.
Il ne savait plus ce qu'il devait faire, l'aider à aller jusqu'au bout de
son rêve chimérique ou bien le conduire le plus rapidement possible à l'hôpital,
là où il n'aurait plus à supporter cette douleur. Mais il savait parfaitement
qu'il irait jusqu'au bout avec lui. Il lui avait promis.

Les deux hommes échangèrent un regard de compréhension et Skinner s'approcha de lui.

- Mulder, vous n'avez qu'un mot à dire et je vous conduis à l'hôpital. Vous tenez à peine
debout, vous êtes déshydraté, vous n'avez rien avalé depuis des jours. Ils
sauront vous aider.

Mulder le regarda, prêt à renoncer, prêt à se laisser séduire par la proposition de Skinner .
Mais au fond de lui, il savait que Skinner ne le laisserait pas et qu'il l'aiderait, quelque
soit son état, à aller jusqu'au bout de sa quête.

- Je vous le dirais, Skip. Je vous le dirais quand le moment sera venu.

Il avait prononcé ces derniers mots d'une voix presque inaudible, et ses paroles étaient déformées par la paralysie faciale qui l'affectait depuis quelques minutes.

Il tendit la main à Skinner qui l'aida à se redresser, puis ils se remirent en route.

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Trente six heures exactement après le début de leur voyage, les deux hommes
arrivèrent enfin. Il sembla à Skinner qu'on les aidait à sortir de la voiture, puis il
sombra dans un sommeil sans rêve.

Lorsque il sortit de son long sommeil, il réalisa qu'il était couché sur un canapé et qu'une couverture Navajo le recouvrait. Il se redressa et vit, dans l’entrebâillement de la porte, Albert Holstein, tel qu'il pouvait se souvenir de lui, inchangé par rapport à la dernière fois qu'il l'avait vu, triomphant, dans son bureau, trois ans plus tôt.

Il le regarda d’un air interrogateur.

- Mulder est dans la maison des esprits, FBI. Il est entre de bonnes mains. Entre les mains de nos meilleurs guérisseurs.

- Il a une tumeur au cerveau... Rien de ce qui pourra être fait ne l’aidera à guérir.

- Vous ne croyez pas, n’est ce pas ?

- La médecine est impuissante... Que pourriez-vous lui apporter de plus ?

- L’apaisement... Il a besoin de paix.

Skinner regarda le vieil homme et tenta de trouver dans son regard une source d’espoir. Il y avait au fond de ses yeux une bonté et une foi qui irradiaient.

- Il a besoin d’elle aussi. Il faut la trouver.

Skinner secoua la tête.

- Je ne sais pas où elle est. Elle a disparu. Elle cherche des preuves.

- Elle sera là bientôt. Très bientôt.

Le vieil homme quitta la pièce et laissa Skinner à son désarroi.

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Les heures passèrent. Les derniers rayons de soleil moururent sur les collines avoisinantes, rouges et or. Skinner était dehors, les yeux perdus vers l’horizon, lorsque soudain la sonnerie de son portable résonna dans l’air pur.

- Skinner. Scully, où êtes-vous ? Il faut absolument que vous nous rejoignez. Oui, il est avec moi.
Non, pas à l’hôpital. Il a besoin de vous, Scully. Faites vite.

Il raccrocha, pensif. Le vieil homme avait prédit qu’elle appellerait.

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Skinner attendit toute la nuit, et une bonne partie de la matinée suivante, lorsque enfin une voiture rouge se gara devant la maison. Un homme jeune, ressemblant au vieil Albert, descendit de la voiture à la hâte en l’interpellant.

- Vite, on a besoin d’aide.

Skinner se précipita vers la voiture du côté du passager et ouvrit la portière. Allongé sur la banquette arrière, Mulder agonisait, le visage déformé par la douleur. Des gémissements sourds s’échappaient de sa bouche. Skinner s’approcha de lui et s’aperçut rapidement que les yeux de Mulder semblaient ne pas le voir. Il se regarda vers le jeune homme qui confirma d’un geste de la tête.

- Il ne voit plus. Depuis quelques heures. Il a demandé à rentrer. Il souffre beaucoup.

Skinner s’agenouilla vers le visage de Mulder et toucha sa joue pour lui faire sentir sa présence.

- Skip ? Le moment est venu.

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Skinner s’installa près de son ami et Albert Holstein et son petit fils s’installèrent devant. L’hôpital le plus proche était à quarante kilomètres et ils partirent sans plus tarder.

Skinner était désemparé face à la douleur et la peur qui terrassait son ami. Il fit la seule chose qui sembla pouvoir le réconforter. Il glissa sa tête sur ses genoux et lui caressa les cheveux en lui murmurant des mots d'apaisement. Les gémissements s'estompèrent peu à peu et Mulder retrouva
un souffle plus régulier.

Ils arrivèrent une heure plus tard à l’hôpital et Skinner expliqua la situation aux médecins. Mulder fut rapidement transporté dans une chambre individuelle et placé sous perfusion. Sa douleur ne cessait pas, malgré les doses élevées de morphine. Il délirait en appelant Scully et Skinner pria pour que la jeune femme arrive avant la fin.

Elle finit par arriver quelques heures après l’admission de Mulder. Épuisée, au bord des larmes, elle entendit Skinner lui donner des précisions sur l’état de son partenaire.

- Pourquoi a t’il refusé la chirurgie ? Pourquoi ? Il y avait peut être encore quelque chose à faire...

- J’ai tout fait pour lui faire entendre raison, Dana. Je suis désolé d’avoir échoué.

Scully s’apprêtait à entrer dans la chambre où Mulder reposait quand Skinner l’arrêta d’un geste.

- Il faut lui parler, Scully. Il a besoin de savoir.

La jeune femme leva un sourcil interrogateur.

- Il mérite de connaître vos sentiments.

La jeune femme essuya ses yeux et entra d’un pas lent dans la chambre.

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Le monde autour de lui était empli de sons et d’odeurs qui l’enveloppaient, de sensations subtiles qui l’apaisaient ou le terrorisaient. Il y avait eu la douceur des mains de Skinner dans ses cheveux, la paix que lui procurait le murmure de sa voix, puis la peur de se retrouver entre des mains étrangères, des mains qui l’examinaient, qui le blessaient. La douleur était là, puissante, rongeant son âme, l’obligeant à s’enfoncer en lui même pour ne pas devenir fou. Puis soudain la douleur reflua, et il retrouva un sentiment extrême de paix. Il se détachait de son corps, il flottait, irréel, dans un monde sans peine, un monde de douceur. Les sons et les odeurs lui parvenaient, lointaines, presque étrangères.

Dans ce monde illusoire, une présence parvint à l’atteindre. Une présence familière, une présence apaisante, aimante. Avant même que l’être de douceur lui parle ou le touche, il avança la main vers elle.

Il sentit une main chaude envelopper la sienne.

- Ne pleure pas, Dana.

Il entendait sa propre voix, déformée, un peu sourde, un peu rauque. Il avait du mal à parler, il fallait qu’il se concentre pour trouver les mots.

Il sentit un doux parfum s’approcher de lui et un baiser léger déposé sur son front.

- Je suis là, Mulder. Ne me laisse pas...

- Je vais bientôt m’en aller, Dana. Je serais le petit vent sur ta nuque, je serais la voix qui te bercera quand tu te sentiras seule...

- Je n’ai jamais cru aux fantômes, Mulder...

- Tu feras un effort.

Les mots venaient de plus en plus difficilement et il sentait le fil ténu de la vie se tendre peu à peu. Il fallait qu’elle lui dise adieu.

- Je m’en vais, Dana. Je m’en vais.

Les paupières de Mulder se fermèrent un long moment, et Scully crut que c’était fini. Mais le moniteur cardiaque continuait à biper tranquillement, la poitrine de Mulder se soulevait doucement.
Elle se pencha alors vers lui, embrassa ses paupières closes l’une après l’autre, puis déposa des baisers légers sur son visage, pour finir sur ses lèvres. Un baiser chaste, un baiser d’adieu puis quelques paroles dans le creux de son oreille.

Alors seulement le moniteur s’anima et l’écran donna la confirmation de son départ.

Skinner ouvrit la porte et Scully se jeta dans ses bras.

- Je ne peux pas... croire... On peut le réanimer...

- Non, Scully. Il a exprimé la volonté de ne pas être réanimer. C’est fini.

Il enserra la jeune femme de ses bras et tenta d’apaiser ses sanglots. Puis il s’approcha du lit où Mulder reposait, le visage serein, et prit sa main une dernière fois.

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Ils étaient tous les deux assis dans le petit salon réservé aux familles, silencieux, lorsque le médecin chef de service vint les trouver. Il portait sur le visage une expression incrédule.

- Monsieur, Madame... Pardonnez moi de vous déranger, mais il est arrivé une chose tout à fait inhabituelle... Je ne sais comment l’expliquer mais... C’est une erreur si incroyable...

Scully et Skinner se levèrent d’un même pas.

- M. Mulder est... n’est pas mort... Enfin son coeur s’est arrêté de battre, mais... Au moment où nos infirmières le prenaient en charge pour la toilette et... Son coeur s’est remis à battre... Je ne sais pas comment expliquer cela... Il a simplement ouvert les yeux... Mon dieu, je ne sais pas par quel miracle...

- Dans quel état est-il ?

- Nous l’avons transporté de toute urgence en réanimation, mais il semblait avoir retrouvé la vue... Alors nous lui avons fait passer un scanner cérébral et il semblerait... Cela semble si incroyable... La tumeur a diminué de moitié... Nous avons demandé le dernier scanner pratiqué à Georgetown, qui nous a été télé transmis immédiatement. La tumeur régresse. Elle régresse de façon incompréhensible.

Skinner et Scully se précipitèrent dans le couloir et le médecin leur indiqua le service où Mulder avait été transporté. Ils riaient à travers leurs larmes et s’enlacèrent avant de rentrer dans la chambre.

Mulder avait les yeux fermés, mais le visage en paix. Un masque à oxygène était posé sur
son nez et sa bouche et on avait replacé les différentes électrodes et perfusions. Sa poitrine
se soulevait doucement.

Scully prit sa main doucement et il ouvrit les paupières lentement, comme si ce geste lui demandait un
effort considérable. Un pale sourire se dessina sur ses lèvres sèches.

- Les anges... Ils te ressemblent.

Scully laissa échapper un rire qui ressemblait à un sanglot et repoussa doucement les mèches de cheveux qui couvraient son front.

- Désolé, Mulder. Pas d’ange ici. Juste un agent du FBI et son directeur dans cette chambre.

- Ca me convient très bien, répondit-il avec un sourire fatigué. Il avala sa salive plusieurs fois, difficilement, et cligna des paupières en grimaçant de douleur.

- Pourquoi ma tête me fait si mal, Scully... Je ne veux pas me plaindre, mais...

Elle lui sourit en retour, un sourire lumineux et Skinner se mit à rire.

- Ta tumeur régresse, Mulder. Tes maux de tête vont disparaître eux aussi. A l’allure où elle semble régresser, il est probable que tu ne ressentiras plus rien dans quelques jours.

Il la regarda, sans vraiment comprendre et secoua la tête doucement.

- C’est eux. Ils m’ont guéri.

Scully le regarda d’un air interrogateur.

- Qui, eux, Mulder ?

- Je ne sais pas vraiment... Je ne sais si j’ai rêvé ou si ça c’est vraiment produit... Jeremiah Smith... Le type qui le poursuivait... Il me semble qu’ils étaient là... Il a posé ses mains sur moi et j’ai ouvert les yeux...

Il ne semblait pas y croire lui même.

- Ils ont sauvé ma vie... Pourquoi ?

Scully lui sourit, lui prit la main et l’embrassa tendrement.

- Peu importe pourquoi, Mulder. Tu es là... et c’est pour moi l’essentiel. Je ne veux pas comprendre. Je veux seulement ressentir le bonheur qui m’est donné...

Les yeux de Mulder et de Scully se remplirent de larmes au même moment et Skinner eut l’impression d’être de trop soudain dans la chambre. Il se racla la gorge et s’avança vers eux.

- Agent Mulder, je vous donne un ordre. Je vous ordonne de prendre du repos. Et Scully, c’est valable pour vous également.

Skinner se dirigea vers la porte.

- Monsieur ?

La voix de Mulder était à peine audible mais le directeur adjoint se retourna vers lui.

- Merci, monsieur. Pour avoir pris soin de moi, pour avoir cru en moi, en mon espoir. Mais surtout pour avoir honorer mes voeux. Je sais que cela n’a pas du être facile. Je vous en remercie. Skip.

- C’est tout, Agent Mulder ?

La voix de Skinner était rude, mais ne put entièrement camoufler l’émotion qui l’étreignait.

- Oui, Monsieur.

Le visage de Mulder était souriant.

- Alors suivez mes ordres, Agent Mulder, ou je fais un rapport pour insubordination.

- D’accord monsieur. Je suis les ordres. Maintenant.

Skinner tourna la tête vers lui une dernière fois avant de passer la porte, et il vit que ses yeux étaient clos, mais que son sourire restait accroché à ses lèvres.


FIN

 

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